le communisme est-il soluble dans l’alcool ? (titre d’un bouquin dont je parle à la fin de ce texte)
Une journée de Pierre Miglioretti
Comme tous les matins, se réveiller à 6H. Ne pas voir le jour. Mais en soit, c’est pas horrible : le pire c’est de se dire que le soir en rentrant ce sera pareil. De toute façon, pour ce qu’on a à faire, le soir…éreinté comme on peut l’être, affamé comme on est, de savoir si il fait jour n’est pas dans l’ordre de nos préoccupations. Tout ce qu’on espère c’est que pour nous le soleil se lèvera le lendemain matin. La seule crainte : la nuit profonde. Mais finalement la nuit d’ici-bas n’est pas tant désirée que cela : peur de l’extérieur : des gardes, du froid mais aussi peur de l’intérieur : le vol mais la maladie surtout.
Aujourd’hui, on a de la chance, on part en train. Ça veut dire qu’on va pas marcher. Enfin pour l’aller, au retour on verra, si retour il y a, pour ça aussi on verra. Derrière la noirceur de la nuit, il semble faire beau. Ce qui n’empêche pas le froid de nous pétrifier les os. L’estomac n’est pas en reste. Comme tous les matins, comme toutes les après-midi, comme tous les soirs, il est dans les talons. Si seulement nos chaussures en avait encore.
Le train démarre enfin. Il nous est réservé. Mais ça les empêche pas de nous flanquer dans chaque compartiment deux soldats en plus des quatre déjà prévus. Essayer de dormir maintenant. Mais je me fais pas d’illusion. On est au sol, entassés, les uns sur les autres. Mais c’est pas plus mal : les portes ne résistent pas au froid. Dormir dans ces conditions ? y en bien qui ont essayé, malheureusement pour eux, ça a trop bien marché. D’ailleurs je crois qu’on va bientôt marcher : le train s’arrête. La neige sans doute. Nous on y est habitué, les trains moins. Alors bon, on descend.
Marcher. C’est ce qui nous attend. Surtout ne pas tomber. Alors penser à autre chose, d’accord mais ne pas oublier de marcher. On a tout ce bardas sur le dos. Pourquoi ? on sait pas trop, on ne se sert pas de la moitié. Et puis y a tout sur le chantier. Un nouveau d’ailleurs aujourd’hui. De toute façon, ça change pas grand chose : le froid est toujours là, la nourriture jamais. Enfin si : ce matin on était chanceux : il nous ont donné un deuxième morceau de pain pour la semaine. C’est peut-être noël. Je sais plus. Depuis que je suis ici, j’ai du en rater un certain nombre. Peut-être un jour…on arrive à s’en passer. D’ailleurs ça me fait penser à cette anekdoty[1] que m’avait raconté Mikhaïl l’autre jour : À Moscou, un propriétaire fait visiter son appartement à son futur locataire. Après lui en avoir vanter les mérites, elle se retire en disant : « et si vous avez besoin de quelque chose, n’hésitez pas. Venez me voir, et je vous expliquerai comme vous en passer ». Je l’aime bien Mikhaïl. Très serviable et honnête. Et travailleur. Mais ça c’est surtout une chance pour lui. Ça veut dire qu’il survivra plus longtemps que les autres. Il est là pour avoir arrêté d’applaudir plus tôt que les autres à une réunion locale du parti. 10 ans. Mais en fait officiellement ils ont dit trahison à la patrie.
Il est à l’infirmerie aujourd’hui Mikhaïl. Enfin j’espère pour lui. Ce matin il est malade comme un chien. Quoique les chiens sont pas mal traités ici : ils doivent nous surveiller alors ils sont en forme. Si il arrive à passer la journée à l’infirmerie, il ira moins pire. Mais il y est déjà allé la semaine dernière, alors pour aujourd’hui, c’est pas sûr.
Pendant que je pense à lui, j’en oublie qu’on se met enfin au travail. On creuse. Quoi ? on sait pas : secret d’Etat. Ceux qui creusent, pour eux, information d’Etat. Impossible de leur échapper.
[…]
D’un coup, va savoir pourquoi à ce moment, on nous arrête. « Posez les pioches » qu’ils disent. Ca veut dire qu’on va repartir. Ca veut dire qu’on va marcher. Ca veut peut-être dire que demain on pourra encore se lever. Tout du moins que ce soir on pourra se coucher. Avant de partir j’aperçois, derrière notre chantier, quelque chose qui dépasse de la neige. Je fais mine d’aller déplacer une pioche pour m’en rapprocher. Des pommes de terre. Je savais bien qu’on était pas loin de noël. J’en prends deux. Pas plus. Je pourrais pas les ramener. Faudra déjà que j’arrive à les cacher en arrivant au camps. Sinon ce sera pour les gardes. La fouille du soir : le pire moment de la journée : ils sont capables de te faire attendre deux heures dans le froid pour être sûr que tu n’as pas un morceau de pain volé quelque part.
C’est bon dans les chaussettes, en général, ça passe. En général, c’est pas souvent. Parce qu’une prise pareil c’est une fois par an. Maintenant marcher et tenir. Tenir debout. Tenir tout court.
[…]
J’y suis. Sur ma palliasse. J’ai tenu. En plus j’ai des pommes de terre. Belle journée finalement. Reste plus que la nuit à passer. Et puis demain, on verra bien…
Voilà, c’était ma version d’une Journée d’Ivan Denissovitch d’Alexandre Soljenitsyne. Alors pourquoi ce chef-d’œuvre ? En fait dimanche dernier quand je me suis rendu pour une énième fois dans la campagne finlandaise, j’ai beaucoup pensé à l’URSS dans tous ses aspects et notamment à ce livre que je me rappelle quand je l’avais lu, j’avais mis beaucoup de temps à lire mais qui m’avait vraiment impressionné et marqué. Alors maintenant je vais vous raconter ma journée à moi, la journée de Pierre Miglioretti :
Levé à 6H30. J’ai toujours du mal. Ça a beau être pour aller découvrir le monde, découvrir le monde de bon heure c’est dur. Mais après c’est le bonheur. Reste à garder la bon humeur. A force je commence à la connaître par cœur, cette rengaine de se lever à l’aube pour voir autre chose que de la daube. Et puis c’est la petite dernière. Après il fera trop froid. Et puis trop nuit aussi. Après m’être dit tout ça[2], je viens à la conclusion assez logique, qu’il faut que je sorte de ces draps pour me plonger sous la douche. Ça me fera pas de mal. Bref passage devant la glace : les cernes doucement se creusent. On dirait pas comme ça, mais jour après jour, les valises sous mes yeux se remplissent. Je les viderais plus tard, en rentrant en France. Ici je suis là pour faire le plein. Pas que j’en vienne à devenir consumériste à en vouloir toujours plus, à n’en avoir jamais assez, à prendre toujours le truc de plus, celui qui sert à rien. Mais je veux consomacter ( Petit néologisme parce que le nom existe mais pas le verbe : donc un verbe formé du mot « consomacteur ».) la vie. Consommer la vie mais pas en consommateur passif qui subit les tentations de la vie moderne, mais consommateur qui choisit ses conso(d’ailleurs, ici vaut mieux choisir ses conso, parce qu’au vu des prix de l’alcool, tu peux te retrouver à payer très cher…).
Mais aujourd’hui c’est vraiment l’aventure : je vais utiliser 4 moyens de locomotion. Du coup j’ai l’impression de partir au bout du monde : j’attaque à vélo : non je ne l’ai pas acheté, je ne l’ai pas non plus volé si ça peut vous rassurer. Juste une amie partie pour une quelques jours qui me l’a laissé.
D’ailleurs en parlant de vol, je commence à en avoir marre du communisme forcé : en fait j’explique la situation : il y a dans notre résidence, un ( voire plusieurs) voleur de bouffe. Alors quand on voit le prix de la bouffe, c’est chiant. Alors bon je suis prêt à accepter des explications : peut-être il a pas d’argent mais dans ce cas il va piquer chez stockman ( le grand magasin dont j’ai déjà parlé) et qu’il arrête de voler à plus pauvre que lui, parce qu’ici, on est tous plus ou moins dans la même situation question finance. Ou peut-être c’est un communiste et il veut qu’on mette la bouffe en commun. Alors pourquoi pas. J’ai rien contre le communisme. Surtout si près de la Russie, je veux bien tester les traditions locales, mais faut qu’on se mette d’accord avant parce que là c’est plus du communisme mais du vol. on voit là d’ailleurs que la frontière entre le communisme et le vol est bien ténue. J’ai donc envie de dire, dans un certain anti-communisme primaire, à la suite de Proudhon qui disait « la propriété c’est le vol », « le communisme c’est le vol ». non mais pourquoi pas le communisme dans une résidence universitaire. Je pense que c’est un lieu propice. D’ailleurs en venant dans une résidence universitaire, je m’étais dit, ça va être bien, ce sera la solidarité, la rigolade, la confiance mutuelle, la compréhension : en gros les boy scouts en cité U…mais lui ( ou eux) il est en train de foutre une ambiance de merde : le suspicion règne, le doute plane ( et parfois un ange passe, mais malheureusement, l’ange avait des chaînes ailleurs).
Mais déjà j’en ai identifié un de ces satanées voleurs, qui plus est amateur : ah oui on est bien loin du garagiste ou du gangster qui laisse pas une trace ( dans le premier cas, la facture est toujours bien nickel qu’on croirait presque une vraie. Dans le second cas, pas une bavure : les employés de banque tous au sol, les clients sains et saufs) : non eux ils veulent montrer qu’ils sont passés par là : par exemple on m’a déjà « emprunté » une moitié de courgette…or je suis à peu sûr de ne pas avoir acheté de moitié de courgette….d’ailleurs j’ai sauvé l’autre moitié hier : la pauvre était apeurée dans ce grand frigo, plongé dans le noir ( je suis pas allé voir si il y avait de la lumière dans le frigo quand il est fermé mais j’espère qu’ils n’en mettent pas, parce que question écolo, c’est pas top : déjà les légumes, ils peuvent pas dormir et puis c’est du gaspillage), à attendre de savoir à quelle sauce, elle allait être mangée. Mon Nick vient à passer par là. Nick est semi-anglais, semi-finlandais ( donc si il a besoin de tune, il peut bosser sans problème) et est déjà soupçonné à tout va. Je pense qu’il a déjà touché à la sœur de la courgette qu’il me reste et qu’il a déjà amputé de sa partie basse (ou haute, je ne sais pas qu’elle est le haut ou le bas d’une courgette). Alors moi qui suis en train de me faire à manger, je laisse traîner mon œil gauche ( pas parce que je suis gaucher, mais juste parce que le frigo était à ma gauche) sur ses agissements crapuleux. Et mon plan a marché ( en fait c’est à postériori que je considère que j’avais un plan, sur le moment, c’était l’expectative totale, spectateur impuissant d’un crime atroce bientôt commis).
Il a été séduit par un de mes nombreux légumes ( je ne suis pas devenu végétarien, ou sinon c’est du végétarisme matériel ou du végétarisme par défaut, du végétarisme parce que les légumes c’est moins cher) : il trifouille, il tripatouille, il est crevé, il est en sueur, il a du cambouis jusqu’au coude ( là je crois que c’est plus les aventures de Gérard Lambert…). Enfin après avoir repéré sa proie avec son œil aiguisé, qui plus est habitué à cette pratique millénaire, il se jette dessus. La vitesse est incroyable. Elle ne doit avoir aucune chance[3]. Mais dans sa chasse et son enthousiasme, il avait oublié qu’il ne régnait pas en maître sur cet écosystème. De nombreuses espèces sont ici en concurrence. Chacune essayant de délimiter tant bien que mal son territoire. Or ce jour, comme de nombreuses fois, il était en territoire ennemi. Mais cette fois-ci, le maître des lieux veillait. Il attendait le moindre faux-pas. Depuis plusieurs semaines qu’il observait les nombreuses intrusions de ce Nick. Surveiller ses habitudes alimentaire, ses horaires, la fréquence de ses repas, …Dans son insouciance, il avait oublié ses anciennes pratiques de discrétion à l’approche de sa proie. Du coup la sanction ne s’est pour lui pas fait attendre : le maître des lieux est intervenu pour récupérer sa proie qu’il avait chèrement chassé quelques jours auparavant[4]. Alors le pauvre Nick a bien essayé d’apitoyer le maître des lieux mais ce dernier n’a pas cédé et Nick est reparti tout penaud.
Tout ça pour dire, qu’hier, je l’ai surpris en train de prendre ma moitié de courgette restante. Du coup, je lui ai fait savoir qu’il s’agissait de la mienne et alors lui, aucune excuse ni rien, il ose même me demander si il peut pas me la prendre. Mais non, MOOsieur, j’en ai besoin et lui ensuite de marmonner qu’avant il en avait une mais qu’il la retrouve pas. J’avais bien envie d’ajouter : non, t’en avais pas, c’est moi qui en avait mais c’est toi qui les a consommé( Et encore je parle pas du kilo de tomates qu’on m’a piqué…ça c’est très fort.). En tout cas cette métaphore sur la chasse n’en est pas tant une que ça, on est en presque effectivement rendu à ce point : une lutte de tous contre tous : Hobbes avait raison : l’homme est un loup pour l’homme(Surtout quand c’est un con comme semble l’être ce Nick. Mais le pire c’est qu’il nous nique tous pour l’instant…). On protège ses provisions comme on peut contre cette saisie de nourriture, qu’on se croirait au temps de l’URSS où celle-ci saisissait les biens qu’elle souhaitait chez les paysans. On craint chaque nouvelle razzia, on se barricade derrière des cartons : plus précisément on barricade sa bouffe derrière des cartons…quel triste exemple de l’humanité nous offre-t-il ici : en plus il n’est même pas pauvre le gars : pendant qu’il essayait en vain de compléter son repas par quelques frais légumes, il se faisait cuire de la viande…pour finir sur tout ça, l’avoir pris en flagrant délit d’irrespect et désinvolture sociale totale, ne semble pas avoir arrêté ses velléités de pourfendeur d’un ordre social minimal puisque ce soir, après avoir hier remis à neuf[5] mon stock d’œuf, deux de ces derniers avait disparus…je pars en Russie cette semaine, peut-être qu’en voyant la misère russe, je trouverais une idée pour protéger le peu que j’ai à garder…mais en tout cas je suis déjà d’accord sur un point : je n’appellerais pas la police : moi c’est parce que je pense qu’on peut trouver à régler ça entre nous, eux c’est parce qu’ils font plus confiance aux voleurs qu’à la police(et c’est pas des conneries…ils font sans doute moins confiance aux flics que nos jeunes de banlieue…)…
Mais bon revenons à mes moyens de transport : après ce vélo que je n’ai donc pas volé, j’ai emprunté (pas dans le sens de voler, bien sûr) le train. Un fort beau train ma foi, mais par contre, quel temps il mettait…Mais c’était pas un problème j’avais tout mon temps pour admirer le lever du soleil sur la campagne finlandaise et c’était ma foi très agréable. Mais cette douceur de la matinée qui commence ( bien qui plus est) était entrecoupé de notes que j’avais à relire. En fait c’est plutôt le contraire : ma relecture fut entrecoupée d’admiration béate devant le principe astronomique le plus élémentaire qui est que la terre tourne sur elle-même et que du coup, le soleil se lève tous les jours(sauf en Laponie (ou plus haut encore ) où il se lève tous les jours à part pendant 6 mois de l’année…).
Dans ma folie des transports en commun, je prenais un second train dans une gare démesurément grande pour la ville où elle se situait : je sais pas ce qu’ils ont à construire des choses si grandes pour des lieux si vides : entre la gare routière de l’autre soir et cette gare ferroviaire, je commence à me dire que les finlandais ont la folie des grandeurs et construisent pour un oui ou pour un non et du coup qu’ils jettent un peu l’argent par les fenêtres[6]. Mais là je quittais mon doux train-train moderne pour un vieux de la vieille qui nous brinquebalait dans la banlieue Ouest d’Helsinki. A chaque arrêt et départ du train, la porte du compartiment suivait le brusque changement d’allure du train et s’ouvrait et se refermait à sa guise… Retour quarante ans en arrière, ou seulement cinq ans quand je me suis rendus à Limoges en passant par toute la campagne avoisinante dans un train de ce genre.
Et puis pour finir, j’avais un bus quand même…parce qu’un parc naturel à-côté d’une voie ferré, c’est plus un parc naturel. Alors déjà qu’ils mettent des bouts de bois au sol ( et même pire comme vous le verrez sur les photos, des escaliers dans la forêt : d’ailleurs j’aimerais que des comportementalistes-biologistes examinent la réaction des animaux du coin avec cette intrusion inopiné de bois sous forme non-arbresque. Non mais c’est vrai, vous imaginez vous que désormais le renne tous les matins il prend l’escalier ? non mais vraiment ils ont pas du comprendre les pauvres. Ils ont du faire un comité de quartier pour trouver un moyen d’agir mais à tous les coup ils étaient pas tous d’accord : les escargots ont du faire bloc en disant que pour eux c’était pas si mal, que c’était plus sûr parce que d’habitude on les voit pas et on leur marche dessus. Du coup ils ont du convaincre les grenouilles et ensemble ils ont formé une minorité de blocage. Finalement ils ont rien fait et maintenant, habitué, tous les matins le renne fait des exercices sur l’escalier, pour s’assouplir, se muscler…
Non mais là les mecs faut arrêter les conneries : quand on sait pas quoi inventer on invente pas, c’est tout. Gustave Parking disait « vaut mieux ne rien dire et ne pas passer pour un con que de l’ouvrir et ne laisser aucun doute à ce sujet » et bien je pense ça s’adapte pour les inventions : « vaut mieux ne rien inventer et ne pas passer pour un con que d’inventer quelque chose et ne laisser aucun doute à ce sujet » : Einstein le 6 août 1945, il a du avoir l’air bien con. Le mec (tant décrié par Desproges) qui a inventé l’espèce de fil rouge autour des portions de crème de gruyère a du lui aussi se rendre compte qu’une fois encore il avait pas oublié d’être con. Et je ne parle pas de celui qui a inventé la race humaine, il doit s’en mordre les doigts ( pardon mon Dieu de critiquer votre Œuvre mais y a des jours, je me dis pourquoi vous avez pas attendus pour rendre votre copie : le travail bâclé, ça ne sert à rien. Ou au pire, valait mieux rendre copie blanche, on se serait débrouillé nous-même, ça aurait été mieux que d’être à votre image). Ou ce finlandais qui doit être si fier de son invention qui ne sert à rien mais qui j’espère un jour se sentira aussi inutile qu’un paquet du meilleur Darjeeling au milieu du désert : en fait ce mec a inventé le tiroir qui sert à rien : y a ça partout ici : en fait dans un des tiroirs de la cuisine, il a mis une planche à découper. Tout le monde trouve ça génial. Moi pas. Ça te prend un tiroir pour rien ( une planche à découper, c’est quand même bien plus fin), tu peux pas le déplacer. Donc c’est nul[7].) Donc pour en revenir à ma nature civilisée, y en a assez avec ces bouts de bois, donc pas besoin de mettre en plus des voies ferrées pas loin des parcs. Multiplions les types de transports. Multiplions les temps de transport. Oui à l’emmerdement généralisé dans les transports !!! (Je dis ça, mais j’aime bien les transports en commun : on peut lire par exemple. On rencontre des gens aussi, des fois c’est bien, d’autres non…)
N’empêche qu’en arrivant au parc, j’étais fier de moi : pas un seul problème logistique : je frôle la perfection… j’avais même pu budgétiser ma journée à l’avance. Visiblement on peut s’épanouir dans la bureaucratie et la logistique…il y a de la vie dans la bureaucratie…le seul truc qui me manquait, j’allais y être confronté très rapidement : au point où j’arrivais, il n’y avait pas de possibilité de récupérer de plan du site. Mais, ça encore je le savais et mieux encore, je savais où aller en récupérer. Je vous le dis, pour moi, c’est fini, les plans foireux, tout sera désormais huilé comme l’invasion en Iraq des Etats-Unis [8]. Je pars donc à la recherche de ma carte et accessoirement de l’écureuil volant qui doit vivre en ces lieux. Une bestiole pareil, quand même. Mais je suis rentré bredouille de la seconde chasse, tandis que je revins avec un merveilleux butin de la première, mais non sans mal : j’ai quelque peu tourné en rond sur la fin, même si dans un lieu pareil, on ne tourne jamais complètement en rond : la beauté nous éblouit à ce point que l’on ne voit plus qu’on est déjà passé par là avant. Par contre aucun risque d’être ébloui par le soleil : il n’y en eut point ce jour. Mais c’était pas grave : je venais chercher l’automne finlandais, alors je l’ai trouvé dans sa totalité : la végétation et le climat.
Par contre je venais pas spécialement cherché la foule, et pourtant je l’ai eu : incroyable : jamais vu autant de monde dans un parc naturel : il y avait je sais pas combien de camps, on se serait cru au Darfour…( désolé, c’est affreux…mais je pouvais pas m’en empêcher mais si vous êtes gênés, remplacez par autre chose : par exemple : le Congo, la Macédoine ( en cherchant bien, il doit bien rester un ou deux camps), … ) et puis toutes les familles idéales qui resplendissent de leur petit bonheur bourgeois, venus quitter le stress de la ville pour un dimanche dans la nature, avant de retrouver leur boulot passionnant le lendemain. Alors ils sont là, avec la poussette pour le petit dernier qui vient de naître, essaye quelque peu de le faire marcher, tandis que l’autre qui a autour de 5 ans ( ils l’ont fait juste après avoir commencé à bosser, quand ils étaient déjà bien installé) s’agite autour, court, saute, virevolte, grimpe, se cache avant de surgir. Ils sont tous comme ça. Pas seulement les enfants qui se comportent comme des enfants. Non tous ceux que j’ai croisé étaient comme ça : la belle famille idéal, où tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Des fois, on pouvait même ajouter un zeste de solidarité inter-générationnelle avec la présence de la grand-mère pour compléter le tableau.
Mais bon ça m’a quand même pas empêcher de profiter comme il se doit de ces beautés scandinaves automnales. Ça prend une toute autre dimension : en visitant 3 parcs avec 2 mois d’intervalles, j’ai encore plus l’impression d’avoir vu 3 endroits complètement différents. Le jaune majestueux, pas trop tranché comme l’est celui du drapeau allemand[9], s’était imposé sur le vert estival. Seuls les conifères résistaient à cette déferlante. Quoique pas tous : certains se teintaient d’orange, d’ailleurs, c’est bizarre, parce que j’avais toujours cru que les conifères restaient verts même l’hiver…faut que je revois mes connaissances en biologie végétale…
Mais en parlant de tout ça, j’oublie de vous expliquer pourquoi j’en suis venu à cette soudaine envie de plagier Alexandre Soljenitsyne : déjà c’est vrai qu’il y avait le froid, les premiers froids de cette année. Ensuite, j’ai pris une décision bizarre à un moment : je retournais vers mon arrêt de bus et je me suis dis que je bifurquerais bien à gauche sur un autre chemin pour voir ce qu’il y a, sans trop savoir sur quoi je pouvais tomber. Alors mon esprit en complet vagabondage, s’est mis à penser à ces prisonniers du goulag qui marchaient des heures durant sans savoir où ils allaient, ni pourquoi, dans le froid, un bardas dans le dos. Mais rassurez-vous loin de moi de penser qu’il s’agissait de la même situation, je suis lucide quand même…et puis ensuite, je suis partis sur des considérations toutes autres : du genre est-ce normal qu’on rigole plus facilement avec les atrocités nazies qu’avec celles du communisme ? moi je demande l’égalité devant l’humour. Il y a au moins égalité en terme d’atrocité dans les deux cas, alors qu’on en rigole pareil. Les fours crématoires, les canaux de la baltique, les énormes complexes industriels de la Sibérie : même combat. Est-ce une question de sensibilité politique ? je pense pas : moi-même me sentant assez profondément écolo[10], je suis capable de rire sur la destruction de la planète que l’homme est en train de perpétrer, ce matricide affreux dont on se voile la face. Peut-être est-ce seulement, parce qu’on a trop souvent tendance à oublier ces horreurs communistes ? du coup on en rit moins ? faut vraiment que je me penche sur la question : qu’est ce qui fait la popularité humoristique d’un génocide ? c’est pareil on note peu de blague sur le Rwanda, ni les balkans. En fait ce n’était pas Chaplin dans le dictateur qui était drôle mais Hitler… ne riez pas, c’est peut-être la seule qu’il ait réussi dans sa vie, le pauvre bougre. Mais c’était à son insu alors, ça compte pas vraiment…en attendant les soviétiques rigolaient beaucoup de leur propre misère et je ne résiste pas à l’envie de conclure sur une petite blague soviétique ( j’ai un bouquin entier comme ça mais je l’ai pas ici, c’est bête, parce que y en avait des pas mal du tout) : en fait elle est pas tout à fait soviétique mais roumaine mais bon c’est le même genre[11] :
Ceausescu est démoralisé : son peuple ne semble pas l’apprécier. Pour en avoir le cœur net, il veut discuter avec un ouvrier.
« Il parait qu’on ne m’aime pas
-Mais non, mais non.
-Il parait que des gens seraient prêts à m’assassiner…
-Jamais entendu parler!
-Et même, il parait que certains seraient prêts à profaner ma tombe!
-Vous ne dites rien… Tenez, vous, par exemple, vous viendriez profaner ma tombe?
– Sûrement pas!
-(soulagé) et pourquoi?
-Parce que j’en ai marre de faire la queue! »
étonnant non ?
Lundi 23 Octobre 2006.
[1] Histoire drôle si vous préférez.
[2] Enfin je sais pas si j’ai réussi à penser à tout ça en me levant mais, ça ressemblait plus ou moins à ça, je crois.
[3] de toute façon, c’est pas compliqué quand même, c’est un légume…
[4] en général, je chasse au Lidl, c’est pas la plus belle zone de chasse, mais on a pas besoin de trop d’efforts ( financiers, j’entends).
[5] j’en ai pas acheté neuf, j’en ai juste acheté des neufs d’œufs…
[6] alors par contre j’ai appris qu’ils aimaient vraiment bien leurs étudiants et qu’ils avaient tous des bourses quelque soit le revenu et pas des bourses au rabais : autour de 500 euros par mois…je vais me faire naturaliser finlandais pour venir finir mes études ici…
[7] position très arrêtée ? ouais je sais.
[8] à moins que je ne me trompes…
[9] d’ailleurs on dit pas jaune mais or pour le drapeau allemand.
[10] Au sens politique du terme, pas au sens partisan, faut pas trop déconner non plus…
[11] elle vient d’un site Internet assez bizarre mais où y en avait quelques unes de ce genre, si vous voulez l’adresse…