Archive pour juillet 2013

mieux vaut court que jamais #369

Le crayon mal taillé, il arpentait fébrilement les pages du carnet. Hésitant au fil des éraflures  de la mine mal en point, il traçait quelques lignes de désarroi avec une exactitude que l’on n’eut connu autrement.

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Les copeaux de crayon jonchaient le sol qu’il ne s’était pas donné la peine de nettoyer dans son ouvrage perpétuel. Inutile de dire qu’il en avait d’ores et déjà débité de nombreux. Ainsi écopait-il sa peine quotidiennement, sans salir les murs dont son propriétaire contraint souhaitait la propreté immaculée.

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Maintenant, va mécréant.

Je ne t’en veux point.

Tu as pris mes crayons,

Prends-en alors soin.

mieux vaut court que jamais #368

Elle tenait entre ses mains blanches sa mèche scandinave fraichement cisaillée par dépit amoureux ou désillusion professionnelle, nulle ne savait exactement. Toutefois, pareille offrande présentée au tout venant ne fut pas sans mécontenter le premier vaudou venu.

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Les lignes de ses cheveux scrupuleusement et fermement retenus par une ribambelle de pinces étaient, dans ce parallélisme à outrance que venait accentuer l’apposition de laque, d’une telle perfection qu’un géomètre ne put que s’éprendre d’elle.

Son rêve prit fin le matin de leur première nuit.

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« Vois-tu, déclara-t-il habité,

Jamais rien ne vient sans peine,

Et peut-on bien s’en féliciter

Aucune coiffure ne nait sans peigne ».

mieux vaut court que jamais #367

Seul dans la bataille,

Luttant dans la tempête,

Ferraille d’épouvantail,

L’antenne toujours guette.

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Croiser le fer pour sauver mon honneur, oui certes, j’y consens. Peut-être cela me permettra-t-il même de conserver le cœur qui s’est épris de moi si quelqu’un venait à le convoiter. Mais je tiens à préciser que le combat se fera dans les règles de l’art : le croisement répondra aux règles de priorités en vigueur, et donnera priorité à droite, ce qui, à l’entrée de cette patte d’oie, me donne un avantage considérable.

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Certes le pot de terre n’était pas de poids pour suivre les escapades du pot de fer et ne fit long feu. Mais qui nous dit que cette aventure représentait un quelconque intérêt ? Être fer dédouane-t-il de toute jugeote ?

mieux vaut court que jamais #366

L’émotion lui piquait les yeux comme un oignon mal dégrossi ou l’épaisse fumée d’un barbecue à peine mis en route, il ne savait distinguer.

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Paupières lourdes

D’une quiétude sourde

Pareille à la palourde.

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Derrière son masque de nuit, l’obscurité parfaite ainsi faite, elle s’apprêtait à affronter les songes, parée et équipée, comme en partance pour une quête inconnue. Certainement, n’avait-elle, nuitamment, jamais froid aux yeux.

mieux vaut court que jamais #365

Les voies de l’enfant impénétrable à la cuisine font parfois mal au cœur. Mon petit-neveu, boudant son assiette, s’est récriminé de l’ingestion fortement recommandée d’oignons sous prétexte d’être l’incarnation culinaire directe des larmes du Christ, qu’il ne souhaite ainsi pas blasphémer.

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Face à son père, joueur et rieur, derrière ses mains, il s’éclipse puis réapparait. Soit banal jeu d’enfant, mais qui fut perfectionné à merveille et conduit au paroxysme du spectaculaire par le Christ.

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Pauvre et banal bâton

Qui ne trouve source

Ni ne fend de mer rouge.

mieux vaut court que jamais #364

L’homme politique, à la différence des autres prototypes humains, n’a ni la mémoire courte ni celle de l’éléphant. Seulement, sa longueur est-elle tout aussi variable que la pigmentation versatile du caméléon.

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– Du lieu ?

– Aucun souvenir.

– De l’heure ?

– Encore moins.

– Une sensation, une odeur ou quelque chose qui…

– Non, rien, juste une évanescence vespérale évanouie au réveil.

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La mémoire d’une rose s’était posée sur son cœur. De là, elle était remontée aux narines, pour de son parfum intact et puissant, le faire éternuer sans raison.

mieux vaut court que jamais #363

L’homme ultra-moderne ne rêve en fin de compte que d’une vie d’homme de Cro-Magnon évolué. Prenez-en un spécimen épuisé, il n’aura qu’une envie, celle de vivre dans une grotte ou une cabane avec point d’eau et feu de bois.

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Le chasseur de primes d’assurance d’aujourd’hui est-il si différent du chasseur de Mammouth d’antan ?

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Et si l’âge d’or était l’âge de pierre ?

mieux vaut court que jamais #362

Nul ne s’est posé la question de la relation morphologique entre le pupitre et le pitre, ce qui n’est pourtant pas sans étonner.

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Elle buvait les notes comme on savoure les mots de l’écrivain. Bavant aux sonorités du pianiste, elle n’avait pourtant d’yeux que pour l’instrument. Qu’aurait-elle eu à faire de ce vieux gâteux, certes au doigté encore tout à fait prodigieux?

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Dans son rituel, hérité de traditions ancestrales, à son entrée en scène, le chef d’orchestre ne tarit pas de paroles pour son premier violon, tant est si bien qu’il ne sut plus rien ajouter à l’occasion des différentes interruptions du concert pendant lesquelles il est aussi de coutume qu’il lui adresse quelques mots.

mieux vaut court que jamais #361

Le jour – ou plutôt la nuit – où il se noya dans un verre d’eau, sa carrière s’en fut finie. Certes ne s’agissait-il que d’un songe à la signification douteuse, mais il ne se voyait guère poursuivre sa carrière de nageur professionnel. Celle de verrier lui semblait toutefois tout à fait prometteuse.

Il ne faudrait pas se leurrer sur les intentions marxistes d’Andersen lorsqu’il rédige sa Petite Sirène. Elle n’est rien d’autre que l’incarnation d’une force de travail qui ne sait où se trouve sa place dans le grand capital, oscillant entre la volonté de nager dans cet océan liquide et celle de faire glisser ces fonds sur ces écailles sans qu’elle ne connaisse l’odeur de l’argent.

Dès que la mer se retire et cherche-t-on illico les richesses qu’on espère qu’elle a pu laisser. Seulement un jour s’en va-t-elle définitivement sans demander son reste et sans laisser de mot sur la porte.

mieux vaut court que jamais #360

Il ne faudrait tenir la psychologie pour seule responsable de tous nos agissements. La théorie de l’achat de compensation ne peut ainsi être généralisée. Ou sinon que l’on m’explique pourquoi tous les nains de France et de Navarre ne sont pas propriétaires de Porsche Panamera ou de Pick Up.

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Les stratégies des créationnistes pour nous détourner de l’esprit de Darwin ne sont que de grosses ficelles que l’on voit aisément bouger à chacun de leurs actes. Nul n’est dupe de cette stratégie qui a longtemps visé à faire apprendre dans la langue étrangère d’abord des animaux dont l’existence est d’un intérêt douteux, ne pouvant qu’instiller le soupçon chez chacun d’entre nous quant à un véritable sens à donner à l’évolution. Ou sinon que l’on m’explique pourquoi le premier animal que l’on donne à apprendre à de nombreux élèves en allemand est le cochon d’inde, à savoir « das Meerschweinschen » ?

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A côté de ces quelques manifestants luttant pour leur emploi que l’on menace de délocaliser, ce calligraphe des rues dessine ses maximes chinoises au tout-venant en proie au doute existentiel ou en mal d’exotisme. La sagesse ancestrale chinoise s’accommode tant bien que mal du commerce international et de ses mouvements migratoires.