Archive pour décembre 2013

mieux vaut court que jamais #456

– tu l’aimes mon nœud bariolé, à la texture délicate ?

– oui, très.

– tu les trouves comment mes plis de couleur ?

– très jolis.

– et mon adhésif transparent, tu le trouves comment ?

– je l’aime beaucoup.

– donc tu l’aimes totalement mon emballage de paquet cadeau ?

– je l’aime secrètement, tendrement, mystérieusement.

Sur un air de Georges Delerue.

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Les papiers jonchant le sol réchauffent les pieds posés fébrilement sur le carrelage. D’un écart malencontreux entre deux pieds sur le sol artificiel et artificieux et voilà l’équilibre rompu dans un triste rappel à l’ordre de la gravité.

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Avec ses airs de sentencieux amérindien, mon vieil oncle prostré dans un coin du salon lâcha dans un éclair de lucidité et d’amertume suite à sa lente et laborieuse opération de déballage de cadeaux : l’emballage de noël est l’hypocrisie que l’on déchire le plus rapidement.

mieux vaut court que jamais #455

Frustré de ne pas avoir eu ma carte de fidélité – pourtant gratuite et ainsi par principe offerte à tous, car c’est de la sorte que l’on fait croitre sa clientèle en devenir – je mettais le feu à la devanture qui bientôt le propageait à tout le magasin d’une manière tout à fait équilibrée.

La fidélité est chez moi un absolu qu’il vaut mieux respecter.

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Il peut sembler bien commode de passer sa frustration sur un sac de boxe. Bien entendu on pourra, pour les commodités de la chose, remplacer le sac par tout objet lourd mais non contondant et disposant d’une capacité à demeurer en place quand on le frappe – voire même à nous revenir en pleine face.

Il faut toutefois veiller à ne pas utiliser à cet effet de masochiste dont le retour bien trop volontiers dans le gant de boxe pourrait venir à lasser.

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De ce zénith de quelques lustres,

Ses souvenirs lustrés à l’infini

De sa courante existence la frustre

En une mélancolie indéfinie.

mieux vaut court que jamais #454

Qui songe qu’à vivre dans la crainte de Dieu, on se tourne dans l’espoir du diable ?

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Dans le ciel tourmenté du croyant se songeant recalé sillonne l’oiseau de mauvais augures que son cri tâche d’effrayer : « ô majestueux oiseau, suspends ton vol et va plutôt me chercher l’auréole ».

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Si les seuls nuages, composant le paradis, n’étaient pas dans le même temps au cœur du système hydrique du monde terrestre, nul ne pourrait songer qu’il n’est là que la résultante des incontinences des grabataires peuplant en grande partie les lieux. Mais il faudrait toutefois avoir l’esprit suffisamment irrévérencieux pour s’attacher à une telle association d’idée.

mieux vaut court que jamais #453

Pourquoi ces mots sortis de mon corps pour l’en transpercer ? De nos corps accolés, ils me blessent et laissent l’amer des regrets éternels.

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La parole que l’on déroule, et bientôt de nous se dérobe marquant l’erreur, ne se rattrape guère ; vaine prière d’en attendre le retour en arrière d’un naguère que l’on aimerait retrouver prospère.

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Les mots-dits, d’être maudits comme immondices émondés de l’âme noire qui parfois nous nourrit, m’ont dit ma propre merditude.

 

mieux vaut court que jamais #452

Ah la peine que j’ai à éprouver tant de peines pour ceux qui me soutiennent à souffrir de ma propre peine.

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Peine perdue, lui-dis, le pain perdu, comme le temps ne se rattrape guère quand nous l’avons déjà consommé.

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La peine de son trépas ne s’échappe pas de la traîne de mon pas.

mieux vaut court que jamais #451

Dans la pièce aux murs blancs banals et aux chaises standards achetés dans un même lot de magasin d’ameublement moderne, j’attendais dans le maelstrom de maladies qui se mélangeaient là. Bientôt, je fus moi-même de la partie.

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Si l’heure fatidique ne venait toujours pas, rendant le mal plus grand encore, j’eus tout loisir de profiter des lectures nauséeuses des magazines people. J’en ressortais avec un mal carabiné des maux environnants et des mots hébétissant.

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Je marchais depuis lors dodelinant de la tête – à moins que ce fut-ce en son sein que tout allait alternativement de gauche et de droite – portant sur moi le sacerdoce du souffrant.

mieux vaut court que jamais #450

Au détour du rayon, sans que rien ne laisse le supposer, elle interroge, péremptoire, son amie : « Il n’écoute pas de musique ? C’est impossible tout le monde écoute de la musique ».

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Dans cet autre, la discussion à teneur livresque sur les risques des offrandes de fin d’année ne manque pas de laisser des questions en suspend quand ils se décident à passer de l’autre côté du rayonnage, laissant la phrase en suspend pour l’auditeur extérieur : « Il lit beaucoup, peut-être qu’il l’aura déjà. C’est un classique, mais il ne lit pas… »  Oui, le risque n’est peut-être pas si important et éventuellement ne lit-il pas jusqu’à la fin des livres. Ainsi, le futur présent ne saurait apparaitre comme un doublon.

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Celle-ci s’offusque véhémentement – mais uniquement à son amie, n’attroupons tout de même pas l’armada de vendeurs – des conditions de vente : « regarde, y a même pas les prix là-dessus », comme si seul la valorisation monétaire importait.

mieux vaut court que jamais #449

Plus qu’ailleurs, face aux murs de l’hôpital psychiatrique, son entonnoir recueillait le nectar des murmures de l’extérieur.

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Dans le ciel plombé enserrant le regard qui ne pouvait se résoudre à se poser en un point de fuite quelconque, la ligne électrique scindait l’espace aérien lui donnant une ouverture sur l’extérieur.

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De son sourire s’étendant si souvent aux dernières extrémités septentrionales du visage, il se dessinait instinctivement pour moi un regard qui ouvre mes sens d’une humanité donnant sens à nos mains.

mieux vaut court que jamais #448

Confronté sur son vélo à la ferveur du vent, il tendit la joue gauche. Puis face au souffle glacial, il se ravisa pour offrir la droite.

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Sens du sacrifice ou pas, il ne pouvait s’empêcher de se coltiner, à chacune de ses apparitions dans un magasin – quelle qu’en soit la finalité marchande – la ou le vendeur exécrant son travail et sa condition humaine, le faisant sentir dans chacun de ses conseils. Salutairement, les autres clients avoisinants savaient à qui éviter d’adresser leurs requêtes.

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Les rites sacrificiels ont ceci de mal fichus qu’ils angoissent leurs victimes et détendent leurs auteurs. Qu’on me nomme un rite sacrificiel contentant les deux parties !

mieux vaut court que jamais #447

Dans le ciel du centre commercial,

Se dressent les signaux des enseignes,

Traces d’un espace rendu glacial,

Pour la paresse qu’on nous enseigne.

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Le rond-point perdu au milieu de la zone marchande faisait véritablement office d’îlot de verdure au milieu du bitume tant est si bien qu’on escompterait bientôt y créer un embryon de zoo. Les parkings étant déjà là, il ne manque que les animaux à l’appel.

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Nul ne sait combien de temps l’automobiliste tournera autour du rond-point avant de réaliser le leurre de la chose. Lui qui se croit libre par ses sorties multiples de voguer sur le macadam dans les directions qui lui siéent, n’est guère mieux qu’un rongeur dans la roue de sa cage à se croire libre car il peut en descendre. Seulement reste-t-il la cage.