Archive pour novembre 2013

mieux vaut court que jamais #438

J’use ma muse. Elle s’amuse et sous mes mains, elle ruse. Le sol que longtemps elle rase, bientôt l’accueille. Elle s’effeuille et de vêtements qui s’écrasent, tapisse le parquet qui ainsi s’échauffe.

***

Les gouttes qui montent de son désir descendent sur son corps, décor de mes nuits de désirs.

***

Entre ses mains, je marine. Elles ancrent mon désir. L’encre marine de mes vaisseaux, devenue carmin échauffe mes sens qui prennent l’ancre.

mieux vaut court que jamais #437

Sa chair se déchire, non que des années elle se déchoie, mais sous mes caresses, elle tremble, son corps se cambre et se recroqueville d’être ainsi fébrile sous mes mains qui l’affolent.

***

De ses seins elle s’affirme,

Mes sens qu’elle déforme

S’y encensent et se transforment ;

Mon dessein pour elle s’y confirme.

***

Elle s’étale sur la table, à califourchon, son sexe attablé, en appétit, elle pétille. Elle s’ouvre et se découvre et me laissant bouche bée, bientôt je me bâfre de son corps de pieds en cap.

mieux vaut court que jamais #436

Puis il se dit qu’après l’invention de la roue, la mise au point d’un homologue carrée pourrait être utile, avant de songer que cela n’aurait d’intérêt que lorsque l’escalier aurait été inventé. Il se contenta donc d’un unique brevet.

***

Rien ne prouve encore que la marche ébréchée et le talon fragile sont de mèches pour provoquer quelques malencontreuses chutes. Mais je ne perds pas espoir de les acculer tous deux dans leurs derniers retranchements et obtenir la reconnaissance de leur culpabilité par le parquet d’un tribunal.

***

Il existe toutes les raisons de penser que le premier escalier a été inventé afin de monter, non de descendre. Il est de notre devoir de nous interroger sur la différence essentielle qu’aurait constituée l’invention inverse.

mieux vaut court que jamais #435

Le poulet du dimanche est autant une institution que la messe du même jour. Pourtant nul commandement divin n’y incite. Les hommes sont plus libres qu’ils peuvent le laisser penser.

***

Dieu s’est pourtant bien gardé de laisser le meilleur du poulet caché des yeux, des sot-l’y-laisse que bientôt certains trouvèrent en se figurant là le signe divin ultime.

***

Etait-ce pour laisser la chance à tous de découvrir cette jouissance culinaire qu’aucune religion n’a fait du poulet un aliment interdit ou est-ce bêtement l’air fier pour bien peu qu’affiche le poulet qui a incité à n’y consacrer aucun interdit ?

mieux vaut court que jamais #434

Les gens qui ont le rythme dans la peau ne se rendent pas comptent du désagrément qu’ils causent aux autres. Dans une file d’attente, leur déhanchement incessant devient vite insupportable. Parfois cela incite-t-il même les voisins présents à en faire autant.

***

Son sourire fit pâlir le marbre qui se renfrogna comme un fade minerai.

 ***

Le nez frétillant, les odeurs l’enchantaient jusqu’à ce qu’arrive le refrain de la nausée du parfum trop affirmé.

mieux vaut court que jamais #433

Si l’on ne vivait que dans les images virtuelles que l’on nous concocte avec quelques photomontages plus ou moins ingénieux, la laideur du monde nous quitterait enfin. La laideur virtuelle est-elle pour autant mieux ?

***

Il lui déclara sa flamme. Son regard brillait telle une Royale Gala de supermarché. Passionné et vertueux, il la dévora du regard tout le long du repas, sans jamais la toucher.

Le dessinateur chargé de les croquer dans ces moments quotidiens se languissait de voir cet amour platonique qui ne rend rien sur le papier.

***

L’on ne maitrise l’image que l’on renvoie uniquement face au miroir, cela va sans dire, bien que, la difficile coordination des mouvements face à son double inversé, parfois ne nous donne pas cette pleine emprise dont on souhaiterait pouvoir disposer.

Toutefois, cela n’est rien comparé au vampire, qui, même pour se raser, ne peut pas se regarder dans une glace. Confronté à cette étrangeté à lui-même, nul étonnement qu’il ait tant de difficulté dans ses rapports au monde et qu’il soit bien en peine d’embrasser langoureusement quelqu’un sans riper sur son cou pour un suçon malheureux.

mieux vaut court que jamais #432

Fervent cycliste pacifiste il ne pouvait s’empêcher de conspuer les brigades montées sur pédales dont la mission principale demeure celle du contrôle et de l’arrestation de la pauvreté des rues, qu’ils soient punk, marginaux ou paumés de passage. Une telle instrumentalisation de la bicyclette ne pouvait que le révulser.

***

Dès l’hiver ou l’automne venues, les capes sont de sorties. De ces étranges énergumènes juchés sur leurs vélos se trouvent-ils couverts de pieds en cap par quelques vêtures de plastiques les abritant du vent et de la pluie, comme une tente moderne et mobile.

***

« Une femme sans homme est comme un poisson sans bicyclette » disait en mai 1968 Irina Dunn. Malgré les progrès considérables de la petite reine, en dépit de l’invention du vélo électrique, il est évident que le slogan reste d’actualité.

mieux vaut court que jamais #431

Dans la mélancolie de l’hiver, se rendait-il chez le coiffeur se faire tailler les cheveux à la tondeuse électrique, qui à proximité de son oreille, lui donnait la nostalgie du moustique.

***

A l’ouverture de la boite à boutons, il se sentait l’âme d’une couturière. Emplie de son parfum de ce carré de tissu qui accueillait quelques aiguilles, indéniablement leurs liens se tissaient aussi ici.

***

Non, il n’était pas maniaque,

Seulement de ces breloques,

Il aimait faire oublier le toc,

Les bichonnant à l’ammoniaque.

 

mieux vaut court que jamais #430

Dressée face à l’ennemi, la horde de râteaux à fonction d’antennes est prête à recevoir les ondes. Aux aguets, de leur poste de commandement sur le toit et ainsi massées en nombre, elles ne rateront pas une chaine, d’autant moins qu’immobiles, elles captent tout et rien.

***

Immobiles dans leur exercice de statues, prenant la pose devant le musée de cire, les femmes et les hommes peinturlurés de la Rambla barcelonaise ne tarissent pas de paroles une fois leur statut d’objets de spectacle prenant fin. Nul ne s’étonnera alors de voir converser un Christophe Colomb en petit format, un empereur romain méconnaissable et un Alien approximatif.

 ***

Soudain, sans que rien ne le laisse le présager, l’oiseau suspend son vol. Il replie ses maigres ailes et cesse de les faire battre.

Heureusement pour lui qu’il était dodo et qu’il ne pratiquait là qu’un énième vol d’essai qui n’aboutira de toutes façons jamais à rien d’autre qu’à cette pathétique pantomime d’un volatile qui s’est bien vite complu dans les belles conditions de vie de l’île Maurice.

mieux vaut court que jamais #429

L’étranger, qui que l’on soit, sommeille en nous. Etrangement certains ont cette fâcheuse envie de l’étouffer dans son sommeil, d’un coup sournois d’oreiller bien appuyé, pour que, le souffle coupé, il se tétanise, se paralyse et s’éteigne.

***

Les clichés sur l’étranger ont la vie dure. Rien ne saurait les en sortir de l’esprit des gens, qui bien au contraire, s’en nourrissent. Parfois bien pire que de demeurer dans leur esprit, certains ne souhaiteraient pas voir l’étranger autrement qu’en cliché de papier glacé, parfois sous cadre, pour les plus généreux.

***

Ma petite nièce, sans cesse en questionnement sur ce monde qu’elle ne connaît ni ne maitrise, me demandait hier pourquoi il existait des étrangers. Lui expliquant simplement dans un discours de cosmopolitisme bienveillant que nous sommes tous l’étranger de quelqu’un et qu’ainsi nous ne sommes l’étranger de personne, elle me rétorque : « si nous ne sommes l’étranger de personne, est-ce que ça marche aussi avec les martiens ? », interrogation à laquelle je lui répond la voix un peu hésitante et balbutiante, que « oui, bien sûr », ce à quoi elle acquiesce, me déclarant fermement, affichant un air satisfait, « bon, bah ça me va alors comme explication ».