Archive pour août 2013

mieux vaut court que jamais #386

Si ils ne dormaient pas ensemble, partageaient-ils leur couche alternativement. S’enrichissant de leur odeur mutuelle, ils échangeaient ainsi la profondeur de leur être.

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Un échange de sang, en promesse de fidélité dans un rituel entre mysticisme et naïveté enfantine, qui s’achève dans l’anneau sertissant l’échange de leurs vœux sous les voûtes austères de l’église protestante.

Pour mieux durer leur amour de sang et de cœur était devenu minéral.

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Lassés de leur vie s’étiolant et ne sachant qui prendrait le dessus sur l’autre, ils tirèrent, à 70 ans, à pile ou face celui qui partirait le premier, tout en veillant – car le hasard seul ne fait pas toujours bien les choses – à pondérer les résultats en fonction des maladies et autres troubles psychiques déjà constatés.

mieux vaut court que jamais #385

Interrogée sur ses actions en faveur de la protection de la planète après que l’on a vanté les mérites de l’engagement d’un fameux acteur américain, la jeune comédienne passée sur le devant de la scène peine à proposer autre mesure que de tâcher à fermer le robinet d’eau aussi souvent que nécessaire.

La mise en lumière nécessite plus de préparation qu’on le suppose et la sollicitation sur tous les sujets possibles peut être plus désarçonnante qu’une pièce de Marguerite Duras, même pour une comédienne aguerrie.

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L’ours polaire s’emploie lui aussi dorénavant à prendre garde à ne pas gaspiller l’eau et ainsi recrache tout ce qu’il peut lorsqu’il ingère qui un phoque, qui un poisson ou un béluga.

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L’Eglise elle-même ne serait pas en reste dans cette lutte sans merci contre le gaspillage de l’eau. Elle songe ainsi à restreindre l’usage de l’eau bénite au strict minimum. Sa délivrance sera ainsi conditionnée par la possession d’un certificat de bonnes actions en bonne et due forme, attesté de la main de Dieu lui-même.

mieux vaut court que jamais #384

Sa modestie était telle qu’il refusait même d’apparaître au cœur de ses rêves, de risque, dans cet univers invraisemblable d’être un potentiel héros, sauvant des bébés phoques, des vieillards des flammes ou même des chats montés trop haut dans les arbres.

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Impassible face au volcan rentré il y a peu dans un état de colère généralisée, le pauvre paysan démuni, ne prêtait guère attention aux immenses coulées de lave pas plus qu’aux rejets impressionnants de blocs de roches incandescentes. Focalisé sur les seuls nuages de cendres, il suivait à la trace, quelques moutons de poussière qui s’extirpaient du cratère. Ce flot lent défilant au cœur du tumulte lui inspirait la grâce des éléments naturels devant lesquels il ne pouvait que s’incliner.

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Chaque œuvre l’épuisait un peu plus, le rapprochant sans cesse plus encore de la mort, tandis qu’elle le rapprochait, par son intensité, également plus de l’éternité.

mieux vaut court que jamais #383

Le dernier concert du nouveau groupe à la mode dans une cave viticole du Piémont vosgien ? Vraiment ? Dans le fil des actualités défilant sur l’écran, mes yeux mêlent les événements et les informations, les recomposent ou les associent.

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Si les frères Grimm s’étaient donnés la peine de faire se croiser la belle au bois dormant et Blanche-Neige avant qu’il ne leur arrive malheur, peut-être se seraient-elles méfiées d’un risque, l’une comme l’autre, de tomber à un moment donné, dans les affres d’un sommeil prolongé. L’échange d’expérience aurait sans nul doute permis d’éviter les erreurs mutuelles et de ne pas se faire avoir comme des bleues.

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Le photomontage supposément judicieux et humoristique de la Statue de la Liberté boudinée et boursoufflée d’avoir trop mangé ne semblait, sur le présentoir de cartes postales du kiosque parisien, pas amuser outre mesure ce couple de touristes venus d’outre-Atlantique.

Le comique ne pouvait en effet que résider dans le sourire du récipiendaire New-Yorkais pour lequel ils se cassaient la tête depuis voici déjà deux heures.

mieux vaut court que jamais #382

L’appareil diapo désuet,

Reconverti en chevet,

Qu’il en demeure muet,

Est tout juste bien élevé.

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Les longs lés du papier peint fleuri, comme du poilu de 14-18, le canon de son fusil, s’étalaient à présent au sol. Si ce n’étaient quelques stigmates sur les murs, elle avait fait peau neuve de l’intérieur qui pourrait bientôt retrouver une nouvelle jeunesse, de quelques stickers floraux posés à même le mur blanc, lessivé et nettoyé jusque dans leur plus profonde chair, vierges de toute personnalité.

Les rouleaux s’envolent, les fleurs restent.

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Sur les bras du déménagement, un vieux chapeau haut-de-forme piteusement retrouvé hors de forme.

On sait à présent que sur sa fin de carrière, le lapin du magicien avait accumulé de l’embonpoint.

mieux vaut court que jamais #381

Rejoignant les bords de la méditerranée, le Golem s’ennuyait ferme devant cette étendue d’eau, presque sans mouvements.

Quant à l’étendue de sable elle-même, elle ne pouvait trouver grâce à ses yeux d’être de glaise.

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Étendu servilement aux rayons solaires,

D’une serviette évitant le contact du sable,

Ainsi imite-t-il sagement ses confrères,

Sans cerveau, devenu enfin vulnérable.

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« Pourquoi ceux qui veulent bâtir des châteaux de sable en Espagne sont pris pour des rêveurs ? » me demanda, entre deux pelletées, mon petit neveu dont l’ascendance espagnole ces derniers temps semble tracasser et croyant trouver dans ses racines hispaniques l’origine de son comportement d’être lunaire.

mieux vaut court que jamais #380

Une fois par semaine allait-il s’installer dans le cimetière pour y faire une sieste vespérale, toujours sur le même carré de pelouse, vierge de tombe, dans l’attente d’une future extension. Parfois y passait-il la nuit. Beaucoup pensèrent qu’ainsi il se préparait commodément à la mort, entrainement hebdomadaire, prise de marque dans son futur lieu de villégiature. D’aucuns suggérèrent qu’il s’imprégnait ainsi du monde.

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Sous le nuage de cendre, des pentes du volcan ensevelies à s’en teinter totalement de gris, s’étalait petit à petit la mémoire de la terre ; ses entrailles qui laissaient leur trace.

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Son ambre autour du cou, elle portait dans le bijou le souvenir des ans, de ces aïeux, qui récoltaient la précieuse résine, de l’insecte comme pris dans les glaces de la fossilisation, des arbres qui avaient ainsi laissé perlé quelques larmes. A ces évocations, elle ne put qu’emplir ses yeux de liquide lacrymal qu’en aucune manière elle ne pourrait matérialiser de la même manière.

Seule la nature sait matérialiser le temps et les tourments.

mieux vaut court que jamais #379

L’écrivain attachait son attention sur les nuques, leurs formes, leurs nuances, le propos qu’elles avaient de la personnalité de chaque homme.

Je préfère, pour ma part, m’en tenir aux coudes, bien moins évidents dans l’observation, mais bien plus subtiles dans le discours tenu.

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Innocemment, reposant son corps du long trajet, il laissa tomber son coude sur l’accessoire prévu à cet effet. Ignorant la présence du mien, le voilà qu’il se confond en excuse, de cette méprise positionnelle. De sa peau fripée dont le coude prend les premiers stigmates manifeste-t-il son âge dont il ne fait, dans la teneur de ses propos, nulle préséance qu’il devrait à la vieillesse.

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Tous deux, sans doute frère et sœur, jouaient des coudes comme on joue aux petits chevaux, sagement et sans penser à mal, inconscient de la valeur métaphorique de leur activité, construisant là une forme de rivalité familiale dont ils ne pourront jamais se défaire.

mieux vaut court que jamais #378

Serpentant entre les machines à sous, elle tâtait les biceps de chaque machine, pour savoir ce qu’elle avait dans le ventre. Le pauvre bandit-manchot se sentait impuissant à ne pouvoir répondre à cette sollicitude, ne crachant que quelques misérables pièces jaunes.

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Équipé de nombreuses amulettes qu’il porte en breloques autour du cou, il ne put que difficilement pénétrer au sein du casino qu’il convoitait de dévaliser. Si le trèfle à quatre feuille et la patte de lapin ne posèrent guère de problèmes aux agents de sécurité, le fer à cheval ne fut pas sans créer quelques complications, craignant son usage malfaisant pour récupérer quelques piécettes renâclant à tomber.

Mais nul ne tiqua ni sur la dent de requin ni sur le couteau fétiche hérité de son grand-père, fût-il considéré comme arme de 4ème catégorie.

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Le croupier, qui fait office, dans le casino, de fervent défenseur de l’ordre et de la justice, n’en est pour autant pas moins avide d’argent que les quelques cupides qu’il divertit chaque soir. Cependant ne tire-t-il de son activité aléatoire – tout autant qu’elle l’est pour les joueurs – qu’un salaire des plus réguliers. Comment voulez-vous qu’il n’en perde la boule ou tout du moins n’en perde toute raison ?

mieux vaut court que jamais #377

Sur la place de galets normands, tout vêtu qu’il était par la température indigène, il se contentait de lire le journal plutôt que d’aller à l’eau. Comble de la provocation, le journal local se nommait, « La Manche libre », tel un journal de débardeur dont personne n’oserait se vêtir avec pareil climat.

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– « Pourquoi y a des endroits où ils ont mis des cailloux plutôt que du sable ? » me demanda ma petite nièce contemplant presque avec dégoût la vaste étendue de l’estran, avant de compléter son interrogation, par une première hypothèse de travail qu’il lui resterait à vérifier :  « ils avaient pas de machine pour tout casser en petits grains de sable ? »

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La coque ou la pétoncle passent pour ainsi dire incognito au milieu des galets de la plage quand ils sont si vite démasqués dans le sable.

L’inégalité n’épargne aucune espèce ni aucun espace.