Archive pour août 2008

ami mot

Un terre-plein, une Terre pleine.

 

Quand le
dédain s’immisce dans l’anodin des gourgandins de la grande consommation, on
passe bel et bien de la cour au jardin, mais côté jardin, pas de quoi faire le
baladin, ce n’est pas ici que le fumier fait éclore la rose. Parce qu’ici, il
n’y pas d’ailleurs, il n’y a pas de réminiscence d’une vie d’ailleurs, il n’y a
pas même de la mini-science des jardiniers qui, de la vie issue de la poussière,
font pousser la terre sans frontière. Parce qu’ici, il n’y a pas d’ailleurs,
tout simplement, parce que c’est ici que tout se perd, ni place pour
l’orpailleur, ni pour le trifouilleur, en quête d’un éventuel trésor, d’une
éventuelle résurrection matérielle et alimentaire, la modernité veille
d’ailleurs au grain, pour qu’aucun ne se perde, pour qu’aucun n’enraye ni
mécanisme, ni pratiques alimentaires onanistes, pour qu’aucun ne se retrouve
dans ce capharnaüm qui foutrait le cafard à n’importe quel homme. La modernité,
ce sont ces yeux veilleurs qui guettent et épient pour que le moindre épi ne
soit épépiné par qui que ce soit, ce sont ces regards numériques, bien plus
furtif que Derrick, qui tentent de faire face au moindre hic, à la moindre
mimique qui en voudrait à ce système inique. Inique pour Monique ? inique
pour Eric ? Non, inique pour Gaia. Quand tous ces pleins que l’on crée et
qui s’achèvent dans un vide bien plus béant que le vide interstellaire, bien
plus criant et flagrant, c’est elle que l’on vide et qu’on oublie de
re-remplir, c’est elle que l’on fait pâtir. Manque de chance pour elle, elle ne
peut partir, comme une femme battue qui ne peut que plier l’échine face aux
coups qui s’abattent sur elle. Ici, il est question d’échine évidemment, mais
tous les morceaux sont, en quelque sorte, bons à prendre et bon à pendre :
le jarret, la poitrine, les abats (rien à voir avec les suédois pas d’ici-bas),
mais aussi les morceaux cachés, les « bonus tracks » comme on dit
pour les CD: les légumes, les fruits qu’on nous vante tant (mais que le vent
tant s’en emporte), les yaourts et produits laitiers. Evidemment tous les
morceaux, même ceux cuisinés au Meursault, s’amoncellent dans l’escarcelle des
ordures à travers ces grandes opérations d’évidement des pleins.

 

Ce sont les
dates qui rythment ces opérations de soldes alimentaires dont personne ne tire
profit. A croire qu’il n’est question que de temps et que personne n’est
responsable, sauf cette entité métaphysique derrière laquelle on ne cesse de
courir. Même les produits alimentaires courent donc après. Pour être précis,
ils sont devancés par le temps. Mais ils courent quand même. Une course moderne
puisqu’ils font du surplace, comme tous ces sportifs d’intérieur à savourer les
plaisirs du tapis roulant. Si Ford savait que l’exercice du tapis roulant était
devenu un plaisir, il n’aurait pas tant augmenté comme il l’a fait tous ses
ouvriers… toujours est-il qu’ils courent à leur perte. Triste raccourci de la
tragédie du temps qui nous pousse tous vers la sortie. Mais ici, ce n’est pas
la sortie des artistes, ni la sortie par la grande porte. Ni même la sortie par
le petit bout de la lorgnette, la sortie par une porte dérobée. Non cette
sortie n’est pas des plus discrètes, des plus inconnues. Elle se fait sous les
sifflets de tous, sous les jets de produits qui auraient dû eux aussi sortir
par cette même porte, mais se refont une santé en étant projetés à la face des
responsables de pareils agissements.

 

La faute à qui
et à quoi alors ? on ne peut éviter de jeter l’anathème sur le système.
Dans ce grand tout, où tout est si grand, dans ce grand plein où l’on ne se
plaint du grand, on se refuse au vide alors que du parachute (doré ou non) au
saut à l’élastique, on s’y jette si facilement. Parce qu’impavide, on est
devenu si avide de ces vides qui nous semblent des pleins tellement ils nous
rappellent à notre existence et notre intrinsèque mortelle défaillance. Mais
ces vides s’intègrent à  l’abondance et
ne peuvent marquer une constance. On les sait temporaire, on les connaît non
durable, on les voit « rupture de stock ». Mais le stock, in fine,
qui est-ce ? la Terre. La Terre en stock ou la Terre en toc ? Pour
elle, ce n’est plus « rupture de stock », mais un véritable coup
d’estoc qui pourrait se finir en rupture d’anévrisme. Pour l’instant, on en est
à la rupture de l’équilibre. Mais la Terre est pleine et l’anévrisme du sang
des hommes qui se déverse en elle peut rompre à tout moment. Pour l’instant, la
Terre en a plein le dos. Heureusement pour nous, elle a bon dos. Mais à un
moment elle pourrait bien renvoyer les hommes dos à dos, alors obligés de faire
face à leurs actes, difficile contorsion que cet aveux sans tact. Mais a-t-on
eu nous du tact dans cette histoire ? pas même de talc pour éviter que nos
activités humaines ne transpirent à la peau de la planète, qui, un peu à fleur de
peau, aujourd’hui pleure de toutes ses larmes, comme si, elle, composée de
multiples couches à l’image d’un oignon, lâchait ses sanglots dès les premières
écorchures.

 

On doit bien
se dire que le dialogue s’est construit de silences. En l’occurrence, le vide
était présent. Il y en avait plein. Mais ce dernier n’a jamais été livide. Et
pour cause, personne pour le dire intrinsèquement avide, à exiger un plein
toujours plus plein. Mais c’est en faisant le plein, qu’un jour l’on a réalisé
que la coupe était pleine et la pompe vide et que bientôt on devrait renoncer
au monde et à ses pompes. Mais c’est en voyant que le rayon n’était pas plein,
que la quadrature du cercle est bien paru matricide. Parce que « c’est pas
nous qu’on décide », c’est elle qu’on trucide, mais nous qu’on suicide. D’un
coup, on était bel et bien juste au pied du vide, au pied de notre propre vide.
Et pas question de « grand bond en avant » comme certains l’ont tenté
dans le passé, toute fuite en avant ne nous ferait que plus chuter. Et pourtant
n’ayant pas la marche à suivre, c’est une marche arrière qu’il nous faut
opérer. Mais une marche arrière qui nous fasse avancer. C’est donc bien un
saut dans l’inconnu et dans le vide qui nous attend. Il faudra alors enfin
accepter le vertige du vide, des vestiges et des rides d’un humanisme lucide
nous faisant office de tremplin vers un nouveau terre-plein, cette fois-ci, à
moitié vide…

 

 

jeudi
28 août 2008

à mi-mot

Escroc-quai.

 

Quand
réclamation rime avec dépression, quand il s’agit dans son petit train-train de
s’acquitter d’une tâche à laquelle rien ne nous attache, non au point que l’on
se cache, mais que tout simplement on sente que tout cela nous gâche. Quand réclamation
rime avec dépression, comme lorsque suite à un retard, un brin en pétard, l’air
un peu hagard, justement sur le quai d’une gare, on attend plus de trois heures
et quart. Car lui en avait gros sur la patate, alors il s’est mis en tête de
voir comment on est, quand du fer et non plus du bois l’on tâte. Pourtant
aujourd’hui ça doit bien être du bois et rien que du bois qu’il touche, avec
parfum exclusif de sapin. A moins que de sa dépression, il ait préféré la
crémation. Mais à la SNCF, on n’est pas tendre comme du bon bois, pas vraiment
du cœur en bois ou en chair, bien plus un cœur de pierre voire même d’acier
bien trempé, pourtant de l’acier sans humidité voire même sans humilité, sans
aucune infiltration humaine, ni peine, ni haine bien au contraire. « le
plus froid des monstres froids » comme disait Nietzsche à propos de l’Etat.

 

Et du coup,
ils nous en donne du fil à retordre, du fil pour ne pas briser la chaîne du
froid sans doute. Comme tout avait commençait ce lundi, comme tout commence
toujours un lundi, par cet accident de personne. Personne ne répond. On nous
pond des horaires, des airs de « déjà vu » ; des airs de rien,
merci ; désert humains ; désert communicationnels ;
désertés ; peut-être pas quand même des hernies, faut pas pousser mémé sur
les rails, c’est déjà fait. Visiblement pour eux, tout roule, comme sur des
roulettes. Mais le train n’est plus sur les rails. Ou plutôt il est bien
sur les rails, mais un humain l’a devancé dans sa vie qui déraille et il
semblerait qu’il ait bien raté son dernier train, qu’il n’ait jamais trouvé sa
place, qu’il n’ait jamais réussi à dire à la vie « en voiture
Simone », alors pour lui, aucun curé qui ne le sermonne, ni même une vie
de nonne,  comme il n’était là pour
personne, il n’a pas attendu que la vie l’ait à la bonne, a joué la sourde
oreille aux appels de la vie et, aphone, il est passé de la position
« On » à la position « Off ».

 

On a beau se
la jouer philosophe et prendre cela comme une nouvelle strophe de la vie, mais
au vu des circonstances, quand toutes les instances jouent le jeu du silence,
la vacance s’avère être une démence. Le mal se prend en patience. Pas forcément
avec des cartes, mais bien plutôt à la carte. Au restaurant justement pour
certains, tout seul ou en couple, pour un bon plan. On se la joue aussi
géographe à voir les combinaison d’itinéraires sur un plan. Alors que d’autres
mangent sur le pouce. Certains voudraient bien se faire tirer les cartes et
savoir de combien de temps l’avenir ferroviaire sera fait. Mais la bohémienne
est bien une grande voyageuse, mais jamais en train, dans cette modernité qui
dirait que le labo est mienne. Les informations distillés par le plus alambiqué
des alambics, celui de la SNCF, s’évaporent lentement pour former un précipité
des plus vaporeux. Et puis, la solution de cette réaction chimique en chaîne,
qui nous a retenu si longtemps, ne fut non un changement de chaîne car ici
c’est le monde réel, mais un changement de quai parce que la vie n’est pas
cette chienne de chaîne de chaînes qui se fait et se défait au gré des peines
et des haines mais bien un long quai parfois un peu longuet mais avec vue sur
le gai, avec ses gués pour accéder à des terre-pleins d’à-côté et des
terre-vides pour mieux raconter. Sur l’autre quai, on a troqué le roquet
d’accueil de la gare aboyant les mêmes non-informations depuis plus de trois
heures pour le troquet de la SNCF.

 

Parce que de
n’être à l’heure, cela donne des droits. Celui de manger en l’occurrence. Non
dire que le cuisinier n’était pas adroit, mais à l’image des fameux sandwichs
plutôt étroits de la SNCF, la nourriture n’est pas l’endroit du décor en
mouvement de l’immense scène que jouent tous les jours ces trains de cador. Car
dehors, sous les apparats de la vitesse et de dedans décorés par ceux qui ont
coutume des costumes des déesses et nos maîtresses de rêve, se cache un avant
peu reluisant. Non que les vitres n’aient été nettoyées ne laissant alors pas
la possibilité de se mirer dedans. Non, simplement que l’on voit poindre des
failles et non des moindres. D’une entreprise que l’on voudrait oindre des
saint sacrements du service public, la pommade ne semble pas toujours passer.
Confronté à un passe-passe administratif et épistolaire pour récupérer mes
pistoles qui font mon compte désert, sur un air d’avarice qui m’hérisse non
seulement l’épine dorsale mais tout aussi bien mon cœur novice de la vie, si
naïf qu’il pourrait être cœur de suisse, la glace du service public sur
laquelle on glisse vole en éclat et nous laisse sur le carreau. Car aux quelques
deniers réclamés, je ne m’attendais en retour à si niais. Je ne m’attendais même
tout simplement pas à être renié. Il s’en fallait d’un rien pour que je sois
calomnié, comme si ma requête était escamotée. Puisque l’attente de plus de
trois heures n’était comptée comme plus importante que le minimum syndical
requis, à savoir la demi-heure[1], une
révolution copernicienne des plus ardues semblait en œuvre, celle du
renversement du système de calcul, où plus devenait moins et réciproquement.
Face à pareil quiproquo (il vaudrait mieux espérer qu’il ne s’agisse que de
cela), face à une telle innovation dans la logique mathématique, face à un
comportement aussi narquois, on ne peut que rester coi. On marche sur la tête
mais en plus on se fait marcher sur les pieds, belle prouesse artistique, mais
surtout belle promesse arithmétique… la révolution des nombres est en marche,
alors faites attention à la marche et veillez à ne rien oublier dans le train…
c’est pas la SNCF qui vous le rendra…

 

 

vendredi 22 août 2008


[1] Oui,
je me suis vu refuser mon remboursement, le responsable du service en question
rappelant que le remboursement n’était éligible qu’à des personnes ayant subi
un retard de plus de 30 minutes. J’ai attendu 3H30 ce jour-là en gare de
Poitiers… logical, isn’t it ??