Archive pour Mai 2011

Lettre ouverte à M. Bergé

Lettre ouverte à M. Bergé, en date du 29 Mai 2011 (qui lui est également adressée par courrier postal).

Bordeaux, le 29 Mai 2011

       Monsieur Bergé,

Faisant suite au récent courrier que vous avez adressé à M. Erik Izraelewicz, directeur du Monde, et faisant état d’un profond désaccord dans le traitement éditorial consacré à la présidence de la République de François Mitterrand, je me permets de vous adresser ce courrier.

Comprenant l’intérêt que vous portez à certaines activités intellectuelles comme l’illustre votre investissement financier dans le sauvetage d’un de ces grands titres de la presse qu’est le journal Le Monde, je souhaitais vous proposer une alternative à l’expression de votre générosité. Faisant montre de votre désarroi idéologique face à la prise de position d’un des journalistes, je suis en mesure de vous proposer un investissement dans lequel aucune dissension politique ne saurait naitre.

Vous n’êtes pas sans savoir qu’à l’instar du journalisme écrit, la recherche universitaire peine à trouver des financements suffisants. La recherche publique est en crise et les appels du pied aux capitaux privés, quand les chercheurs ne rechignent pas à ce mélange des genres entre public et privé, se limitent aux secteurs les plus « rentables » de la recherche. Heureusement la recherche en sciences humaines n’est pas rentable. Aucun retour sur investissement n’est possible dans un tel domaine. Le soutien d’acteurs privés ne peut être que l’affaire de quelques philanthropes parmi lesquels vous faites bien entendu partie. Vos propos en atteste très clairement en concédant « Payer sans avoir de pouvoirs est une drôle de formule à laquelle j’aurais dû réfléchir ! ». De cette phrase je ne conserverais que la première partie car elle affirme bel et bien, que durant un instant, cet investissement fût clairement désintéressé. Certes la réflexion vint plus tard vous rappelant qu’il n’est pas toujours raisonnable de s’intéresser à autrui de manière désintéressée. Il ne faut pas nécessairement se fier à la raison dans ce genre de circonstances. Comme le rappelait Tolstoï dans Anna Karénine « La raison ne pouvait découvrir qu’il convient d’aimer son prochain, parce que cela est déraisonnable ». Par ailleurs, la réflexion étant mon champ de compétence, je préfère m’attribuer cette activité. Répartissons-nous ainsi les termes de la phrase : je vous concède les finances – que je n’ai d’ailleurs pas – et je conserve la science – même si elle peut parfois aussi me faire défaut.

Mais je ne saurais exiger de votre part un financement sans que vous sachiez de quoi il ressort. Candidat au doctorat, je suis actuellement à la recherche d’un financement pour démarrer une thèse consacrée aux politiques culturelles métropolitaines. Si je dispose désormais d’un directeur de thèse (directeur de laboratoire à l’Institut d’Etudes Politiques de Grenoble), je peine à trouver la manière adéquate de financer ce projet de recherche me laissant la liberté – pas nécessairement de ton, il ne peut s’agir de revendications identiques à celles des journalistes du Monde – me permettant de mener à bien cette recherche. Depuis un an et demi que le projet a germé dans mon esprit, j’ai été confronté à de nombreuses difficultés (déboires administratifs d’inscription en doctorat masquant tant bien que mal des querelles de chapelles, absence de financements universitaires, refus d’un contrat de Recherche demandé auprès d’une Collectivité Territoriale pourtant intéressée par le projet,…). Je m’adresse donc désormais au « Grand Capital », si possible de gauche.

Ce projet consistera en une étude comparative de plusieurs Communautés Urbaines françaises – ainsi que l’éclairage d’une ville européenne – et interrogera la manière dont une politique culturelle développée à ce niveau d’administration peut participer au renouvèlement de la conception des politiques culturelles. Cette recherche s’ancre nécessairement dans le développement exponentiel des politiques culturelles tant locales que nationales que l’on doit au Parti Socialiste (à partir des élections municipales de 1977 puis confirmé avec l’arrivée à la Présidence de François Mitterrand symbolisé par l’objectif – qui sera atteint – du 1% du budget consacré à la Culture). Par ailleurs, elle s’inscrit également en faux avec l’idéologie libérale qui veut qu’une politique ne peut être menée qu’à un seul et unique niveau d’administration sous peine d’être considérée comme redondante et inutile. Voilà quelques postures idéologiques générales sous-tendues par ce projet. Je ne peux pour le reste pas me permettre d’autres considérations politiques, la posture du chercheur m’astreint à la neutralité axiologique et m’interdit dans le cadre d’une thèse d’en faire état. Néanmoins, comme on ne peut totalement faire abstraction de ses penchants politiques, je ne peux totalement me défaire de ces postulats, que je ne doute d’ailleurs pas que vous puissiez partager. Quoiqu’il en soit aucune virulence dans mes propos universitaires ne sera à déplorer, cela n’étant pas une pratique commune de la profession.

Je ne pourrais néanmoins ensuite vous garantir aucune forme de contrôle sur le cours de la recherche, ma seule tutelle étant universitaire et exercée par mon directeur de thèse. Je ne refuserais malgré tout aucune suggestion, piste de réflexion, que seuls mon directeur de thèse et moi-même serions ensuite en mesure de juger compte-tenu de leur pertinence relativement au sujet traité. Bien entendu si le projet était mené à son terme, vous seriez très aimablement convié à la soutenance de la-dite thèse où nous aurions alors tout loisir de discuter des conclusions tirées par cette recherche et des éventuels griefs que vous pourriez formuler. Si le projet ne venait à aboutir, le financement que vous y auriez apporté, vous serait reversé, cette aide étant liée à la concrétisation de ce projet.

Connaissant votre très grand intérêt pour l’art et la culture, je ne doute pas que cette proposition saura retenir votre attention. Je me tiens de ce fait à votre disposition afin de vous fournir des éléments plus détaillés quant au projet de recherche.

Je vous prie, d’agréer Monsieur Bergé, l’expression de mes salutations distinguées.

Pierre Miglioretti

sur le vif #9 : mannequins de bonheur

L’injonction au bonheur s’affiche partout. Jusque sur les trottoirs et dans les vitrines des magasins. Les mannequins artificiels en sont bien la preuve. Les mannequins étaient jadis fixes, figés dans leur éternité, comme si, insignes de la beauté et de la mode et Méduses modernes, ils s’étaient trop contemplés, trop admirés pour se trouver, en guise de sanction, pétrifiés. Désormais à jamais enfermés dans leur squelette, qui de plastique, qui de mousse, qui de tissu. Immobiles, ils n’ont même parfois tout simplement pas les jambes pour les prendre à leur cou si jamais ils avaient désirés prendre la poudre d’escampette. Parfois ce sont les bras qu’il leur tombe, tant ils doivent être stupéfaits de ce à quoi ils assistent tous les jours dans ce défilé de corps et d’âme, vendant même cette dernière au diable pour s’acheter quelques étoffes. Certains d’entre eux étaient encore il y a peu décapités, sans doute reconnus coupables de racolage passif vis-à-vis des clients potentiels. Un regard de travers de certains se traduisant ainsi par la condamnation à la peine capitale. Cela lui fera les pieds, se disait-on ainsi, n’empêchant pas le mannequin de continuer de travailler. Il perd la tête mais pas son utilité. Pas de chapeau rouge pour lui, juste un moignon de cou couleur chair. Les clients entêtés n’ont qu’à bien se tenir et s’en tenir au reste du corps. La tête n’a plus sa place pour tous ces gens achetant sur un coup de tête.

Mais aujourd’hui les mannequins affichent la couleur et se lancent dans le soutien généralisé au bonheur constant et perpétuel, à la joie de vivre sans cesse renouvelée, à la béatitude perpétuelle. Pourtant comme le clamait haut et fort Jean-Pierre Bacri dans Cuisine et Dépendances, « il n’y a qu’à la télévision qu’on voit des gens sourire à longueur de journée ». Du petit écran à la vitrine, toujours une vitre nous sépare, mais les mêmes valeurs de nous s’emparent. On ne peut désormais pas faire abstraction de ces figures hilares, de ces corps en mouvement, car désormais on fait les mannequins comme si, s’extasiant, ils bondissaient dans les airs brandissant leurs bras bien haut pour magnifier leur fureur de vivre. Certains – souvent féminins – posent comme leurs équivalents de chair et de sang, la tête délicatement de profil, le minois mis en valeur, le regard langoureux. L’inexpressivité et la neutralité de leurs ancêtres ne sont plus de mise. Si l’alignement bien pensé et réalisé des produits alimentaires dans les allées de supermarché doit servir à ces mêmes produits pour se vendre sans l’aide d’un vendeur, le mannequin rend partiellement obsolète le vendeur de prêt-à-porter. Le regard aguicheur du mannequin nous envoie directement au guichet de caisse.

Heureusement, quelques pas plus loin, quelques SDF font les cents pas devant les vitrines à quêter, à quémander. La dureté du monde est toujours là, le bonheur n’est pas permanent, seulement quelques instants de légèreté qui rompent le cours des choses. A la queue leu-leu, un mannequin, un SDF, un mannequin, un SDF, un mannequin,… le défilé de la modernité.

ambre

Les grains dorés s’amoncellent
Les dunes en cils se dessinent
Sous le fil de lumière étincelle
Une silhouette qui m’hallucine.
Elle veille au grain sur le marmot.
Au réveil il ne restait que ce mot.

Sans que cesse la rêverie
En goguette il me prend par les hanches
Et tandis que le rêve rie
il hoquette en dents blanches
Se floutant en blême halo.
Au réveil il ne restait que ce mot.

Délicat cocon où la vie s’enferme
Il y coule des jours paisibles
Mais où jamais rien n’y germe
Inaltérable réel inextensible
Intouchable ouvrage d’émaux.
Au réveil il ne restait que ce mot.

Pourtant presque diaphane
Elle darde des reflets puissants
Aux couleurs d’une fleur qui se fane
Aux teintes de l’automne naissant
Couvrant les ombres de ses rameaux.
Au réveil il ne restait que ce mot.

Des fragments de vie y perlent
Des fragrances se devinent
Le scintillement de la mirabelle
Se confond dans la vitrine
De ces dorés filaments lacrymaux.
Au réveil il ne restait que ce mot.

La suave sève soliloque
Elle s’écoule en cercle
Séparant ci ou là ses cloques
Bulles à l’air sans couvercle
Solitude dont elle ne sent pas les maux.
Au réveil il ne restait que ce mot.

Ambre

sur le vif #8 : que voir dans l’oeil d’un chien qui remue la queue ?

    La queue du chien flottait dans l’air, polissant presque les statues posées sur la table. Avec une admirable dextérité – qui était peut-être de l’insouciance mêlée d’inconscience – il se permettait ainsi de fourrer sous le nez de la Vénus Callipyge ses poils sans ni la faire éternuer ni même la renverser. Son plumeau en arrière-train semblait le ravir à souhait, faisant la toilette de Vénus en arborant lui-même un large sourire. Sourire, cela va sans dire par voie d’anthropomorphisme, car le chien ne sourit pas même s’il peut exhiber un très bel air de béatitude que nous exprimerions sans nul doute par une large publicité faite à notre dentition. Pour Vénus, c’est son Cerbère qui la garde des enfers. Le molosse qui ferait concurrence au colosse de Rhode, assurera de toute sa force la protection. Personne ne mettra les bouts avec la statuette. Est-ce une folie sécuritaire que de poster là un dog dix fois plus grand que la statuette ? Disproportion du garde du corps par rapport au gardé au corps.
A moins qu’il ne se soit posté là, dans l’insouciance du derrière, en contemplation de ce qu’il a dans le regard, ces quelques personnes attablées qui lui font face.

    Dans d’autres circonstances, la même disproportion prendrait d’autres significations. Elle pourrait être plus inquiétante, plus angoissante. On imagine le colossal molosse confronté à un poupon pas plus haut que trois pommes. L’étrange face-à-face entre ces deux êtres, l’apprivoisement du nouveau-né par le chien-chien à ses parents, la crise de jalousie du cabot devant l’être auquel on attache désormais toute l’attention. Suivant les moindres faits et gestes de son propriétaire pourtant maintenant affairé avec le bébé, il oscillerait entre l’envie d’être le compagnon modèle, le complément idéal à la famille épanouie et celle de sauter sur le bambin, le couvrir de griffure qui ne se résoudraient qu’en nombreux points de suture.
A moins qu’il ne s’en fiche intensément, s’interrogeant seulement vaguement sur cette présence inopportune.

    En contrebas de l’immeuble, une petite vieille perdue sur la ligne de Tram promène son chien, ou plus exactement le tire, le maigre animal est surpassé par sa force. Pourtant amoindrie, cette hurluberlue pré-grabataire le malmène et l’animal cède aux pressions répétées et exercées sur la laisse. Ses pattes touchent bien encore le sol mais en un sens si désordonné et si brouillé qu’on ne pourrait assimiler cela à une quelconque forme de marche. Son abandon total à cette créature sénile est-il une forme de lucidité, celle implacable de l’évidente décadence de sa propriétaire mais sa constante emprise sur lui ? Qu’a-t-il de toute façon à espérer de cette propriétaire, qui valide ou non, ne l’a, semble-t-il, pris à ses côtés que parce qu’elle a pris en grippe toute l’espèce humaine ?
Il ne peut que se résigner, se terrer autant qu’il le peut à l’intérieur du vieille appartement miteux de sa propriétaire, essayant de repousser le plus possible l’heure de la promenade. Renversement de situation du chien craignant l’heure d’aller se délasser les pattes dehors et d’effectuer par la même occasion quelque menus besoins physiologiques. Il ne jappera plus pour aller au dehors courir derrière les papillons. Il ne viendra plus geindre à se frotter contre l’arthrite du genou de sa propriétaire pour lui signifier son besoin d’humer l’air moins vicié de l’appartement enfumé par les gauloises sans filtres du mari de sa propriétaire. Il n’est lui-même pas propriétaire du clébard. Ce n’est pas une question statutaire, mais une question d’affection. Il n’aime pas les chiens, mais aime sa femme. Elle, son mari, elle ne l’aime plus. L’a-t-elle déjà aimé, ne serait-ce qu’une journée entière ? On pourrait encore raisonnablement en douter, mais qu’importe. Elle a un jour lu Céline. Elle n’a retenu qu’une phrase, la fameuse, « l’amour, c’est l’infini mis à la portée des caniches ». Alors elle a acheté un chien, sans doute avant tout pour éviter que son mari et elle ne se regardent plus en chien de faïence, espérant qu’en transférant son amour vers le canidé, le couple retrouve de la sérénité. C’est donc le chien qui a pris la faïence, celle du carrelage de la cuisine sur lequel il passe le plus clair de son temps. Faïence blanche, pas pour donner une impression d’infini, mais parce que le blanc, comme elle le dit si bien, ça va avec tout. Elle croyait qu’il en était de même avec les chiens. Ou presque de même : elle croyait qu’ils allaient avec tout le monde. Mais son mari est comme le chien du jardinier, jalousant ce qu’il ne peut piffrer et qui n’a de toutes les façons pas un sort enviable.
A moins que dans la rue, elle n’ait tout simplement pas pris garde que le chien n’avait pas réglé son pas sur le sien ?

sur le vif #7 : territoire en projection

L’immensité de la voûte étoilée m’esseule. Celle du vaste campus m’isole. Dieu s’abrite. Il arbitre et compte les points. Un partout, balle au centre. Entre l’angoisse fantasmatique de ce vaste territoire estudiantin et l’angoisse métaphysique d’un univers qui, selon certains, serait en constante extension – ce qui est loin de rassurer la petitesse de mon être – et qui, selon d’autres, serait irrémédiablement voué à s’écrouler sur lui-même comme les vieillards rabougrissent et aigrissent avec l’âge – ce qui est tout aussi susceptible de perturber la modicité de ma personne – Dieu qui guide mes pas, ne sait où les poser 10. Peut-être mon âme succombera-t-elle de cette indécision foncière, âne de Buridan n’ayant su où jeter son dévolu. Heureusement pour moi, mes pieds sont néanmoins bien calés, au-dessus des deux pédales du vélo. La roue tourne, abandonnant peu à peu cet immense labyrinthe où pourtant aucune porte, aucun mur ne bouche la vue ou le passage. Labyrinthe en puissance que celui-ci, labyrinthe des possibles rendus à l’état d’impossibilité par l’immensité. Trop de possible tue le possible. Le champ à perte de vue, l’horizon dégagé ont ceci d’inextricables que la latitude à agir qu’ils semblent nous laisser, nous rend perplexe. Préférons peut-être l’adage de l’Oulipo se caractérisant lui-même comme « Un rat qui construit lui-même le labyrinthe dont il se propose de sortir ». Les trous à rats sont nombreux ici, vestiges conjugués de l’urbanisme keynésien et d’une méfiance bordelaise toute bourgeoise pour tout ce qui ressemble de près ou de loin à un étudiant les poussants aux marges de la ville vécu. Les cités universitaires morcellent ainsi ce paysage qui ne semble n’avoir jamais vécu. Moins de cohérence qu’une authentique fourmilière, plus de laideur qu’une suburb américaine, autant de sens de l’esthétique que les soviétiques.

Entre ces bâtiments disséminés ici ou là comme autant de parties de Tetris débutées et bien vite avortées, des espaces vides. Vide sidéral, si des râles que l’on entend ici ou là, ce n’en sont pas pour autant des formes extra-terrestres. Uniquement quelques formes de vie qu’il est encore possible de trouver à cette heure avancée. S’il n’y avait ce tapis verdâtre recouvrant les aspérités du terrain, on pourrait bien vite se figurer une des première colonie lunaire. Le tapis verdâtre ayant vite tendance à virer au brunâtre les premières chaleurs revenues, les lieux prendraient peut-être des allures plus martiennes si l’on se devait s’en tenir aux astraux-stéréotypes tombés dans ce texte en pluie d’astéroïdes. La terre presque brûlée en quelques endroits n’incite déjà plus à se sédentariser même pour une courte durée. Seuls les gens du voyage, ingénieux et joviaux utilisateurs des espaces publiques connaissent les trucs et astuces des bouches incendies et pourront ainsi revigorer quelques brins d’herbes et les caravanes qu’ils portent pour servir de socle à leur sédentarité précaire et estivale.
Mais pour ma part, peu m’importe alors la terre brûlée. Il fait nuit et nuit aux teintes et textures. Fausse ville éteinte, que rien, pas même une teinture viendrait raviver et rajeunir. Si nuitamment s’éclaire le firmament, ici on s’ennuie fermement. Fermentant dans notre cerveau alors quelques sombres sentiments. Des petites envies de meurtres, des crimes ordinaires, de menus larcins qui ne pourraient qu’ici trouver leur place, car ici est aussi ailleurs, car l’ici ne se détache pas des images qu’on y projette. Pourtant le trouble ne trouve réellement pas ici sa place. Pourtant, ne pouvant qu’imaginer l’autrement, on croit que l’autre nous ment. Le réel ment. Lieu concret, construit en dur – et de la plus grande des duretés qu’il soit – de chair et d’os, lieu qu’on crée dans son esprit, de fantasmes et de constructions cérébrales. Les deux échangent et se rencontrent. Comme les rencontres du troisième type, celle-ci aussi est nocturne. Et si je m’en retourne dans ma turne, la familiarité est déjà là ou presque. Paysages traversés et reconstruits de nombreuses fois, ils échappent au tangible. Paysage intime que l’on pourrait visionner à l’envi. Quelques clichés qui se forment sur le fond de notre rétine et viennent tapisser les murs de notre cerveau. Bien au chaud, ils s’impriment en nous. Voilà maintenant qu’ils s’expriment.

10 j’en conviens l’hypothèse que Dieu guide mes pas n’est qu’une hypothèse de travail, à laquelle je n’ose personnellement que peu croire. Mais cette conception pédestre de la divinité n’est pas sans rappeler celle que proposa un jour Robert Escarpit : « Il est probable que si quelque accident me prive d’une jambe, je n’aie d’autre ressource, pour ne point perdre l’équilibre, que de m’en procurer une artificielle [Dieu] et de m’appuyer sur elle comme si elle était vraie. Cette conception orthopédiste de la divinité n’est pas sans force et je lui accorde la même estime qu’à la conception anesthésique selon laquelle croire en vous [Dieu] aide à mourir.»

sur le vif #6 : miroir de ville

miroir de ville © Pierre Miglioretti

Peut-être est-ce une sorte de carré Hermès tant pour la griffe que la bourgeoisie bordelaise vénère que pour la divinité – parmi d’autres – qui exerce son influence sur cet autre carré. On pourrait tout aussi se dire qu’il est, à Bordeaux, un lieu où se faire une tête au carré. Ainsi en est-il du miroir d’eau bordelais, dalle de béton aux teintes basaltes, carré de carreaux sombres en surplomb de la Garonne. Qui dit carreau, dit eau. Mais si les bordelais n’ont pas les mots terrés, ils sont modérés et l’eau aussi se consomme avec modération. Ainsi les carreaux, pourtant bien agencés, sont à la portion congrue et ce ne sont jamais plus de quelques millimètres d’eau qui les dépassent, d’une courte tête en somme.

Si la Garonne est encore bien dans son lit, le Soleil est déjà levé. Mais il ne fait pas encore son show au zénith. Sur le pourtour du miroir, seuls quelques matinaux, martinets et marginaux ont posés leurs pattes au bord de l’eau. L’un n’a semble-t-il plus toute sa tête, cachée qu’elle est dans ses deux bras, qui ne pouvant plus se supporter prennent appuis sur les genoux. Je nous revoie encore tous les deux semble-t-il se dire avec son coeur qui se démembre. La cigarette cicatrise son coeur. Tout du moins elle évite qu’il s’électrise, lui remet quelques idées en place, sans doute lui évite de mettre ce qu’il reste de sa vie en fumée. A côté, le miroir d’eau à la mince pellicule, faible glace, reflet sombre, presque de basalte, est impassible. Il reste de marbre. La misère du monde l’indiffère. Les grandes misères des guerres africaines ou prises d’otages afghanes et les petites misères de la haine quotidienne, de ceux que l’on met sur le carreau comme on vide les ordures dans la benne, il n’en a que faire. S’il devait être miroir de la société, ce serait de la société du spectacle ou d’aquasplash. Dans quelques heures d’ailleurs, le terrain sera devenu terrain de jeu des enfants, pédiluve nappé des effluves des vaporisateurs venant troubler la vue sur l’immobile patrimoine, pataugeoire devenant bien vite foutoir partagé des moins âgés tandis que les plus âgés observeront ces petites puces s’en donner à coeur joie sur cet aquatique film à la joie.

Le miroir est inerte. Si personne ne le regarde, il n’existe pas. Mais est-il pour autant vivant si l’on s’y mire ? De ma station, je m’y mire. Sommes-nous vivants ? Le regard de l’autre nous construit et nous rends au réel. Auréolé de cette métaphysique du stade du miroir, je n’en renvoie pas les mythes au logis. Qu’est-il ce miroir, Méduse qui fige quand on la fixe ? Il reflète le patrimoine, lui fixé pour des siècles encore, pas prêt de prendre l’eau. Qu’est-il ce miroir, Narcisse quand on s’y plonge, y perdant âme et contenance ? La ville se mire et sombre dans ce miroir. Trou noir de la ville qui l’aspire dans sa vanité. Qu’est-il ce miroir, Hermès qui communique par des voies incertaines et rassemble en ce point les hommes ? Fut-il fait d’eau pour recréer les cocasseries du vaudeville où les amours vont à vau-l’eau ? En tous cas, la pellicule d’eau est faite formule éculée des photographies clichés de la ville. Qu’est-il ce miroir, Aphrodite qui s’y regarde, la beauté en redite ? Relent d’Echo éconduite par Narcisse, qui ne fait désormais plus que répéter, le miroir ressasse sans arrêt la même image, nous renvoie dans nos pénates. Disque rayé, il radote et renvoie inlassablement la même réponse.

On s’y retrouve, on s’y retrousse les pantalons, y faire quelques pas de danse, des entrechats sur l’eau, cela tient du miracle mais aucun oracle ne l’avait prévu. Tous d’où qu’ils soient entrent dans la danse et parfois même en transe. Tous y trouvent un sens. Babel avait sa tour où tous se comprenaient. Bordeaux a son miroir accroché dans le salon collectif de la ville. Comme les yeux sont le miroir de l’âme, la psychanalyse urbaine ferait bien de poser son divan aux abords du miroir d’eau afin d’y pêcher quelques vérités de ville.

Sous le soleil de mai, la ville ainsi les pieds dans l’eau se rafraîchit. Le miroir la réfléchit, sans la faire fléchir. Les nuages migrateurs ont rejoints d’autres cieux. Aucune ombre au miroir. Vendredi 13, il ne faudrait pas venir briser la belle harmonie du miroir. 7 ans de malheur pour un miroir ordinaire. Le tarif doit sans nul doute être plus élevé pour un miroir grandeur nature.

sur le vif #5 : mythologie de la laverie

D’où vient la mythologie de la laverie automatique ? Une résurgence des séances de lessive des femmes au lavoir – ou à la rivière pour les plus campagnardes d’entre elles ? Le retour du quotidien en commun ? Un lieu d’attente, un non-lieu où se créent des liens (sauf s’il y a le wifi qui distend les relations humaines) ? De quelle mythologie est-il d’ailleurs question ? Ne serait-elle pas fantasme personnel ou tribulations cérébrales que le monde ne partage finalement pas ? Je ne pourrais dire que je les fréquente si souvent – même si mes vêtements sont bien sous tout rapport – mais elles me hantent. Qu’est-ce qui m’y tente ? Qu’est-ce qui plus tôt aujourd’hui m’y tenta ? L’attentat à la pudeur de ce déballage de la vie ? On met dix balles et on lave son linge sale en famille devant tout un chacun. Le rite du lavage touche à l’intime. Mais dans une société où le privé et le public ne font plus qu’un, on n’hésitera pas à enlever ses vêtements pour redevenir nu comme un ver.

Pour certains, le tambour de machine à laver qui tourne, fait chavirer les coeurs, le flot incessant du mouvement sur lui-même, la symbiose du textile et du métal dans un même élan et un même mouvement peut laisser certains soit dans un phénomène d’adoration proche de l’hypnose soit dans un phénomène de cinétose proche de la nausée. Il n’est jamais bon de regarder tourner trop longtemps un objet quel qu’il soit tout en restant, de son côté, immobile. Il en est ainsi à la plus grande échelle qu’il soit, celle de l’univers, où le Soleil brûle d’impatience à voir tous ces astres lui tourner autour sans qu’il lui soit donné la possibilité d’effectuer un mouvement dans leur direction.

Dans l’attente certains se rincent les yeux. Ils préfèrent s’évader de ce lieu clos et détourner le regard. Se détourner pour mieux y revenir, comme on regarderait une jolie fille dans la rue avant de détacher son regard d’elle pour le reposer et enfin, de nouveau, le re-poser sur elle, une sorte de jouissance calculée non comme l’on compte les sous, mais comme on la projette dans l’avenir. On pourrait effectuer comme cela un va et vient incessant entre la fille et le trottoir d’en face, donnant à la vision des allures de flipbook ou celle tout aussi enfantine du «1, 2, 3 Soleil». Une vision partielle et partiale de la personne regardée en ressortirait. La réalité occultée du regard fuyant remplacée par l’imaginaire de la femme en mouvement. Pour peu qu’il pleuve cela donnerait à tout ce ballet des allures de comédie musicale américaine. Toutes les laveries automatiques ne se prêtent pas à ce petit manège d’observation et l’exiguïté des lieux souvent nécessite de focaliser son regard sur le tambour tournant, roue de la fortune pour honnête homme où l’on récupère à coup sûr sa mise de départ, mais blanchie et nettoyée.

Pour patienter avant la fin de l’essorage, on peut aussi prendre soin du sort de sa soeur, s’enquérir de son état de santé, s’immiscer dans sa vie en sortant son cellulaire tout en s’extrayant de la salle des machines car si l’on se permet des indiscrétions vestimentaires, il y a de l’intime trop coriace qui ne cède pas au lavage et qui devra demeurer secret, de l’intime que l’on ne jettera pas en pâture aux détergents, auquel on ne fera pas subir la douche froide du rinçage ni même le doux flot chaleureux du lavage qui berce le linge d’une langueur monotone.

Le roulis du tambour sous l’effet conjugué du moteur de la machine et de l’eau nous laissera dans une douce griserie. Le mouvement ample et lent du tambour ne nous brusque pas dans nos émotions. L’eau qui, régulièrement, est réinjectée dans l’habitacle, alors que le tambour s’est arrêté, monte doucement. On en suit la progression sur le hublot, s’élevant insidieusement. L’impression d’être submergé, dépassé par les événements bientôt nous envahi, avant que le tambour ne reprenne son cycle infernal, faisant tourner la roue, éjectant les flots savonneux aux quatre coins de la machine, les envoyant paître ici ou là, bref, faisant le ménage en interne. Pourtant rien ne lavera nos mémoires. Notre saleté intérieure demeure. Quand un cycle s’achève, c’est le même spectacle que l’on contemple, le même tas de linge imbibé d’eau qui nous fait face.

D’autres prennent place pour plus longtemps. Ils font leur lessive pour le mois. Ils sont armés de leurs cabas remplis à ras-bord de linge disparate. Les paires de draps côtoient pour la première fois leurs voisines de la cuisine, serviettes et torchons qui, contrairement au dicton, sont mélangés. Les chaussettes, dont certaines connaissent déjà leur sort final, celui de finir esseulées sans leur alter-égo – et il faut pourtant en avoir de l’égo lorsque l’on est né chaussette et que l’on voit comment l’on nous jette au moindre prétexte – ne sont pas en reste à proximité des immenses serviettes de bain, elles, qui ont eu la chance de prendre l’air et les premiers coups de soleil de l’année, allongées qu’elles ont été toute la journée sur le sable chaud et ondulé de la plage. Même les lacets, plutôt bien dans leurs baskets, sont de la partie et ont pris place dans le panier de linge.
Ces retardataires de la savonnette, ces gens si peu soucieux de la saponide vestimentaire regrettent généralement ces temps où ils ont laissé leur panière en jachère. Ils sont désormais contraints de passer toute leur sainte journée – c’est dimanche – au lavomatique. Ils ont beau se montrer oublieux avec leur défroque, ils savent alors se montrer prévoyant quand il s’agit finalement de les faire tourner en bourrique à grand coup d’eau savonneuse. Certains oseraient presque le casse-croûte et le réchaud, de quoi casser la graine entre deux grincements de la grosse caisse de métal. Mais généralement, ils privilégient les nourritures spirituelles, s’empiffrant de gros volumes littéraires, de quoi être habillés pour l’hiver en romances littéraires. Afin de donner quelques conseils de lectures appropriés, on pourrait suggérer des livres comme Le tambour de Günter Grass, ou en guise de lecture plus contemporaine, La tâche de Philip Roth. Il en existerait d’autres d’aussi adaptés, mais là, je sèche.
Certains se permettent, même les beaux jours revenant, de faire appel aux immenses cuves de séchage. Il n’est d’autre mot que celui de cuve, tant celui de tambour est disproportionné compte-tenu du volume de ces cylindres qui passent le plus clair de leurs temps à réchauffer les miches des fringues. Il est fini le temps où tous sans le sous nous nous évertuions à trouver une place ici ou là pour nos vêtements dans notre modeste appartement où même l’installation d’un tancarville 9 n’était pas de mise. Éviter le sèche-linge se traduit par l’usage novateur des dos de chaise, des poignées de porte, des tringles de rideau de douche, du bac à douche, de l’évier de la cuisine vidé spécialement pour l’occasion, l’installation de fils tendus sur les murs, de l’humidification excessive de la couette du fait de l’absence d’autre emplacement pour les taies d’oreiller et le drap.

Et puis quel que soit leur emplacement, les vêtements sèchent dans la douceur printanière, un brin d’air pour démarrer un nouveau cycle. Certes c’est circulaire, mais insidieusement, un nouveau souffle d’air irrigue notre cervelle.

9 Heureusement que le pont n’a pas été nommé du nom de l’autre ville reliée par le Pont, Marais-Vernier, les répercussions en matière de lessive auraient été dramatiques, ou plus les plus rieurs, particulièrement caustiques.

sur le vif #4 : les cils du ciel

Les antennes, arbres centenaires, éléments archaïques du paysage urbain, se font une place dans le ciel, été comme hiver, conifères des humains, leurs épines de fer ne tombent jamais, sauf en cas d’avis de tempête. Elles se dressent tout de guingois, ballotées par les éléments, se rattachent à leurs assises terrestres comme elles le peuvent. Si elles ne se servent de la photosynthèse et ne nécessitent pas une orientation solaire optimale, elles tentent tout de même de capter les ondes et le meilleur de l’environnement. Les vagues successives de modernisation ont eu raison de bon nombre d’entre elles, supplantées qu’elles sont par de nouvelles variétés plus efficaces, mieux adaptées à l’environnement urbain, à l‘efficience croissante pour la production d’images télévisuelles et pour l’obtention de variétés exotiques de ces images en mouvement. Les antennes n’ont pas eu de bol et les paraboles font la farandole. Comme disait Jésus-Christ, « les paraboles, c’est bien mais il faut pouvoir capter ». Sur ce terrain-là il semble qu’il ait été entendu tant les postes de télévision font aujourd’hui office d’autel célébrant les dieux du foyer. Les paraboles que l’on trouve dans les livres nous donne aujourd’hui de vrais images, que l’on dirait parfois presque en chair et en os. Et en sang surtout. Leur indécence nous met sens dessus-dessous, l’incandescence nous brûle les yeux et notre candeur, révélation pour chacun, buisson ardent pour tous.

Quand il s’agit des outils de communication moderne, les paraboles donnent toujours des images claires et nets, à la différence de leurs ancêtres bibliques dont l’interprétation tient parfois du miracle. Avec les paraboles, fini le temps des coupures en cas d’orage, fini les chutes momentanées des antennes que l’on devait remonter sur le toit si l’on souhaitait, du téléfilm, voir la chute. Histoire que l’on ne voit jamais flou et que les images restent fidèles, généralement on les fixe et si le fisc nous les impose, c’est d’une manière ou d’une autre, dans le sol qu’elles reposent. Souvent leur destin ne tient qu’à un fil, câble électrique faisant office de cordon ombilical qui les rattache au poste du foyer.

Les antennes sont des peignes édentés pourtant trop terre-à-terre pour strier la barbe blanche des cieux. Les nuages les dépassent sans forcer. En cas de grand vent, les antennes s’agitent en contrebas comme des spectateurs massés sur les routes des grands cols du tour de France alors que les nuages, poussés par les éléments et la clameur des antennes qui s’entrechoquent, défilent à tout allure. La nuit, elles tutoient les étoiles qui pourtant les raillent, ridicules qu’elles sont avec leurs bouts de ferraille qui ne leur permettent pas de les voir. Les antennes nous ont donné un oeil sur la planète et des images à tout-va mais elles parlent aux étoiles à l’aveugle. A côté, les télescopes se jouent de leurs lentilles pour dévisager les étoiles qui leur répondent en morse, clignant des yeux à se rendre lumineuses par intermittence. Malheureux qu’ils sont, les télescopes ne peuvent pas répondre à ces oeillades de séduction. Parfois il arrive qu’intrigués par le langage des étoiles, les hommes envoient des satellites pour mieux saisir les paroles des astres. D’autres nous envoie les images des derniers désastres d’ici-bas.

Sous la tempête, elles plient, se penchent, se closent. Les cils oscillent dans le ciel. Les bourrasques ne peuvent les faire bourlinguer bien loin, car si elles se parent des plus aériennes des facultés, si elles aimeraient jouer la fille de l’air, elles demeurent bien rattachées au bâti. Quand malheur ô grand malheur, le vent réussit à leur insuffler ce qu’il faut pour les souffler, les caressant sous les ailes, ces dernières complètement statiques ne peuvent rien pour contrecarrer la loi de la gravité et espérer faire voguer dans les airs le corps pourtant gracile de l’antenne. La pauvre se retrouve le bec dans le bitume, rétamée, son sort dépendra de son état de santé avec la possibilité soit de se retrouver plus bas que terre si, invalide elle n’est plus en mesure de s’attaquer de nouveaux aux cimes urbaines, soit de courageusement reprendre sa place de vigie dans le ciel de la ville.

A Bordeaux, ville plate où pas un étage ne dépasse – sauf dans les quartiers que l’on aimerait trop hâtivement considérer de bas-étage où les tours s’accumulent – ces auxiliaires ferreux, ces prolongements et appendices du bâti sont encore plus évidents, se détachant dans le ciel, comme des sentinelles veillant sur les sommets de la ville. Mais des sentinelles bienveillantes qui accueillent bien généreusement les oiseaux de passage, qui peuvent, sur ces perchoirs de métal, reprendre leur souffle, siffloter des airs inconnus mais agréables à l’oreille. La platitude de la ville a ceci d’avantageux, que les antennes ne prenant pas la grosse tête et presque pour ainsi dire, gardent les pieds sur terre. Les antennes ne sont pas des artistes enfermés dans leur tour d’ivoire, coupées du monde. Elles n’ont que rarement la tête dans les nuages. Si elles se retrouvent la tête dans le brouillard, elles nous brouillent les images, comme pour se rappeler au monde dont elle nous donne les images.

En contrebas, entre les rails du tramway, quelques traces de la neige printanière que secrète les arbres en nostalgie de l’hiver déjà clos, quelques moutons blancs égarés, quelques résidus de nuages passés entre les fourches caudines des râteaux des télés, du moins, croyons-y…