Archive pour avril 2013

mieux vaut court que jamais #316

Il faudrait ainsi se mouiller pour améliorer son propre sort, le mériter et lutter sans cesse. L’espoir se retrouve même parfois à la force du poignet. Le grand espoir est ainsi peu compatible avec une intense partie de tennis.

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Le grand soir n’est pas celui que l’on croit. Si l’on a attribué aux léninistes et affiliés, cette déraison de croire que le monde pourrait changer d’un jour à l’autre par le seul artifice de l’alternance des jours est des nuits, c’est que l’on oublie souvent le contexte d’écriture léninien. Car de passage en Finlande aux premiers jours de l’été, l’optique de changer le monde d’ici au prochain lever du soleil apparaît bien plus raisonnable.

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Le grand square qui anime le coin de la rue les dimanches après-midi et uniquement eux – car pour quelques restrictions municipales il n’ouvre ses portes, demandant graissage et entretien, que cette seule demi-journée – n’est pas sans surprendre le passant de passage trouvant si souvent porte close. Mais aucun véritablement ne s’insurge. Le sens de la lutte s’est perdu.

mieux vaut court que jamais #315

La distance à la mère ne cesse d’évoluer au fil du temps sans qu’il ne soit possible d’en tirer le moindre graphique cohérent. De la proximité ombilicale à l’éloignement détestationnel de l’adolescent, les cycles sont multiples et ne sauraient se résumer aisément. Les brouilles rendent la courbe oscillante et parfois fuyante. Il est parfois au seuil du trépas que la courbe retrouve, d’antan, son harmonieux et leste pas.

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Se mettre à distance de quelqu’un afin de ne point lui infliger des sentiments par trop affirmés n’est, bien entendu, pas la chose aisée que nombre de témoins atteste sur l’honneur et leur lit de mort accompagné des regrets mal réfrénés. Il n’est peut-être qu’à croire en un au-delà pour imaginer la réconciliation possible, quand enfin l’ici-bas ne sera plus tangible.

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Dans l’éloignement des nuages que l’on s’imagine en de phénoménales collisions, on ne pense que rarement à l’évitement qui gouverne l’action du coton, comme si, toujours comprimé dans la mollesse qui le caractérise, il se faufilait entre les masses d’air comme on passe parfois entre les gouttes de l’averse.

mieux vaut court que jamais #314

Dévorant ces passages épiques, combats rudes et féroces qui enivrent de l’odeur du sang, l’étrangeté du doigt tenant la page au reste de son corps et à son esprit ne cessait de croitre dans cette absorption totale au récit. Quand vinrent quelques monotones description, retrouva le doigt toute sa vigueur, pour vite tourner la page et faire replonger l’âme dans de nouveaux belliqueux carnages.

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Ressentant régulièrement quelques frénétiques frissons sous la pression des doigts experts, l’effet est sans appel, parfois à tel point que son corps se cabre et se recourbe, le renvoyant à de vieilles sensations, tout à fait primaires et que son cerveau reptilien ne peut réprimer, le conduisant à se dandiner en tous sens comme un lézard.

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La crampe, crispation du corps nous saisissant du plus lointain de nos chairs et nous rappelant à nous-mêmes en toutes circonstances, ne saurait être prise à la légère. Cependant, son apparente soudaineté en ferait presque l’acte d’un manipulateur de marionnette maniant son objet à sa guise jusque dans de faux mouvements fatals pour sa créature, la plongeant dans une risible pantomime.

mieux vaut court que jamais #313

Dans l’assistance, face à ces célébrités venues présenter leur dernier bébé cinématographique, les gens prenaient successivement la parole. Celle-ci, ânonnant lentement son nom, dans une hésitation bien compréhensible pour une femme intimidée par l’intimité dont elle disposait alors avec ses idoles, se donnait l’allure maladive de la pratiquante des groupes de parole. Il ne fait aucun doute que l’hystérie dont elle faisait encore preuve avant l’entrée en salle s’est dissipée au contact du groupe.

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Le syndicaliste agoraphobe ne peut que péniblement trouver la reconnaissance nécessaire auprès de ses pairs. Si ses négociations efficaces avec le patronat font de lui un homme efficace, son manque de visibilité dans les cortèges rendent sa posture délicate vis-à-vis des syndiqués. Son agoraphobie revendicative, le poursuivant jusqu’aux tréfonds de ses rêves manque même de définitivement le perdre. Ainsi, si l’idéologie revendiquée le révulse, se  retrouve-t-il surtout en crise de panique confronté qu’il est, alors en plein cœur de ses songes, au concept de « manif pour tous ».

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Si l’on s’en tient à l’étymologie, l’idée de « se défouler » devrait renvoyer à celle de fuir nos penchants à la schizophrénie en vertu des multiples personnalités que l’on prête à l’état schizophrénique. Ainsi, le moyen le plus sûr de lutter contre ce trouble psychologique ne réside aucunement dans un quelconque suivi psychiatrique, mais bien de laisser le sujet, susceptible de ces tendances, de frapper dans un punching-ball, évacuant de lui toutes les foules qui le constituent.

mieux vaut court que jamais #312

La quiétude de nos cimetières consuméristes, autrement dit nos poubelles, fait parfois peine à voir. Que l’on en croise certaines, déchéance bien normale sur les étroits trottoirs de centre-ville, ne plus présenter l’amas d’ordures, qui, habituellement les remplit à raz-bord et parfois-même les pousse au débordement, sous leurs couvercles hermétiquement fermés, désespère l’homme de cette aseptisation. Il n’est que quelques gaillards aux moyens de subsistance en déliquescence pour restaurer chez nous cette humanité qui se construit sur la saleté. Après tout nous ne sommes que poussières.

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« Le désordre ne se conçoit que dans la dialectique qu’il construit avec l’ordre, cela va de soi, nul besoin d’en discuter plus longuement » me déclara fermement et avec la plus grande assurance mon petit-neveu de 7 ans, à qui je sous-loue une chambre depuis quelques mois maintenant.

« Dialectique ou pas, ranges-moi cette chambre tout de suite » me récriais-je tout-de-go.

Il est ainsi parfois délicat de mettre le savoir à la portée de nos enfants, dès le plus jeune âge.

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L’anarchie et les hasards apparents de mes journées, immanquablement, parviennent à trouver force et cohésion au creux de mon sommeil. Dressés au fil à plomb de mon sommeil à l’avenant, mes songes sont d’équerre.

mieux vaut court que jamais #311

Ne pouvant que bien piètrement ressentir les senteurs affriolantes de la parfumerie, je demeurais, en vain, dans les tréfonds de ce rêve au milieu des fioles aux parfums si suaves. Un rêve aussi inutile, je n’avais jamais vu ça auparavant et en fut bien décontenancé.

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Le poète eut aimé dire que c’est en rêvant que l’on devient un enfant. Pourtant, immanquablement, sans doute trouble psychologique généalogique, je ne cesse, nuit après nuit, de rêver à des livres de comptes. Je ne vois pas là la moindre once de rêverie, au sens poétique du terme.

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La déraison de ses rêves, un jour assurément, marquerait son oraison. Si ce n’est point cette extrémité qui s’en suivrait, au moins s’agirait-il d’un matin malaisé.

fables modernes #111 : la pègre et les peignoirs

Sur les trottoirs qu’ils arpentent,
A surveiller leurs affaires
Et parfois leurs filles absentes,
La pègre exploite la misère.
Du bitume, qu’ainsi ils hantent,
Ils accroissent leurs salaires,
Se constituant cette triste rente,
Sans même s’en donner l’air.
Les pauvres âmes errantes,
Réduites à toujours se taire,
De leur exploitation évidente,
En porte les maigres affaires.
De leur vêtures affriolantes,
Pour au chaland donner à plaire,
Leur générosité, si béante,
Rejaillit au-delà de leurs fers.   
De leur démarches lentes,
Que coiffe le regard sévère
De la contrainte amante,
Ainsi les entrailles les serrent.
Alors involontaires bacchantes,
Certes loin de toutes guerres,
Leurs corps qu’elles ne sentent,
Ne leur appartient plus guère.
Il n’est plus d’yeux pour leur fente,
Que le mesquin œil de verre
Du médecin quand elles enfantent,
En tâtant jusqu’à leurs ovaires.
Peignoirs qu’alors elles vantent,
Prennent-elles ainsi le vert,
Loin des boulevards et des sentes,
Pour se découvrir mères.  
 
 
La pègre, organisation rampante,
Volatile comme un amas d’éther,
S’aigrit comme elle s’aimante, 
Diffusant ses miasmes délétères. 

mieux vaut court que jamais #310

Le retour brutal du beau temps a pu en dérouter plus d’un. Si nos peaux ne sont, bien évidemment, pas prêtes à cette exposition nouvelle au Soleil et que toutes les précautions en la matière sont nécessaires, il est d’autres attitudes qui interrogent bien plus. Ainsi certains, imbriqués qu’ils sont dans l’hiver profond se refusent à toute forme d’adaptation de leur garde-robe, niant par la même cette existence d’une saison nouvelle. Il ne faudrait pas prendre à la légère ce déni d’été qui, année après année, s’impose comme pathologie d’importance.

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Et lui de s’exclamer, devant le rayon des détergents à la javel qui désinfecte et ne laisse aucune chance aux bactéries – même les plus féroces – en guise d’happening ontologique : « souviens-toi homme que tu es né bactérie et que tu redeviendras bactérie ».

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Ses dénégations répétées des actes que l’on lui reprochait avec une véhémence certaine et une véracité tout aussi affirmée, bien loin de le déconsidérer, le paraient des vertus de l’abnégation. La pratique du mensonge ne saurait qu’être recommandée face aux personnes songeant généralement au verre à moitié plein.

mieux vaut court que jamais #309

« Ne le cries pas trop fort « Mamie Jean-Pierre » ça fait très travesti », c’est le cri du cœur  entendu dans le tramway aujourd’hui. Nul ne saura sans doute jamais, outre les protagonistes et auteurs de la déclamation, qui est Mamie Jean-Pierre, s’inscrivant dans l’inconscient collectif des voyageurs comme le mystère de l’être au patronyme étrangement androgyne.

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Nul ne saurait pourtant vouloir se priver de rencontrer quelqu’un de cet ordre et surtout introduit de la sorte dans l’espace public. Happening du quotidien, jaillissement paradoxal de la différence inassumée par les proches, l’événement se révèle dans toute sa force de rupture, dans sa faculté d’évocation universelle.

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Surtout, l’événement passé, le trouble demeure, caractéristique inhérente à l’événement réussit, qui, dans son éphémère, s’insert dans la durée, s’inscrit dans le temps. Mais ne risquant à priori pas de le/la (rayer la mention inutile) rencontrer – on ne sait ainsi jamais quand la rencontre inopinée peut se produire – il est possible d’envisager toutes les possibilités sur son identité. Qui est donc Mamie Jean-Pierre ? Si elle en a une, pourquoi ne l’appelle-t-on pas Papi Jean-Pierre ? Serait-ce sinon un problème de pilosité mal placée, militant pour cette appellation androgyne ? Est-ce un amour si fort entre deux êtres que l’un quittant notre Terre, l’autre prit son nom ? L’hypothèse du seul nom de famille ne peut également, être écartée.

mieux vaut court que jamais #308

Le travail s’effrite tous les jours un peu plus, quelques emplois que l’on émiette ici ou là comme du pain pour les pigeons trop nombreux qui se jettent dessus avec un appétit de rapace, ce qui n’est pas tout à fait dans leur nature. C’est ici que le changement climatique de la géopolitique économique voit ses pires conséquences prendre vie chaque jour un peu plus.

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La souris qui vient mordiller dans nos petits intérieurs confortables, un bout de plinthe, un rembourrage de canapé et parfois même une tarte au fromage, assez injustement, se voit taxer d’être nuisible. Pourtant ne pense-t-elle pas à mal, tout juste à manger.

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On s’offusque couramment de la supposée barbarie de la Mante religieuse femelle, qui, suivant l’anthropomorphisme dont on l’a affublée, se séparerait de son époux, au creux de ses mandibules acérées, une fois la survie de l’espèce assurée. Il faudrait cependant pousser l’anthropomorphisme jusqu’à son terme et rappeler que ce cannibalisme ne peut se comprendre que dans un ras-le-bol récurrent de la femelle de voir son époux faire le siège du canapé, apathique devant les documentaires animaliers et incapable de fournir la quelconque denrée alimentaire à sa dame. Sa seule survie ne peut alors plus que reposer sur son ingestion pleine et entière, une fois la garantie d’une progéniture acquise.