Archive pour février 2010

corps en mouvement

Corps en mouvement

Ce soir le temps s’arrête
Sur nos regards
Posés sur le quai d’une gare.
La voûte si leste
Ne se déleste
Qu’au moment du départ.
Que le coeur en pétard
Abandonne les sentiments
Que l’on place sous serment
Sans l’effet du mouvement.
Voyage du coeur en cage
Des nouveaux paysages
Qui le mettent en saccage
Pour en mieux corrompre l’usage.
Il y coule des effluves en fuite,
Des fleuves sans suite,
Des fleurs aux senteurs inuits,
La salive au goût du grand huit.
Sous la mécanique du coeur,
L’engrenage des saveurs
Saturées de suaves liqueurs
Ceinture et panique le corps.
On s’étend alors sous la voie
Dans le soulèvement du toit
Qui soustrait à notre vue le poids
D’un plafond qui plombe notre voie.
De l’autre côté de la fenêtre,
C’est ici que l’on doit naître,
De l’extérieur qui nous pénètre
Et sans lequel on ne peut être.
On se trouve sous l’effet de la vivacité
Qui sème toute sa curiosité
Rendant tout ce qui est usité
Sous la forme d’une nouvelle aspérité.

 

vendredi 26 février 2010

invictus and Disgrace

Invictus and Disgrace

    Il se saisit du ballon que l’avant avait déposé derrière lui après l’impact. Il a à peine le temps de prendre ses appuis avant d’être stoppé par le trois quart centre de l’équipe adversaire. Il s’affale lourdement comme une de ces bêtes de la savane que l’on abat d’un coup de doigt appuyé au bon endroit. Mais il est conquérant, alors il refuse de poser genoux à terre, il joue des coudes, donne des coups, car c’est toute une nation qu’il recoud. Car il reste encore quelques secondes dans ce match qui bientôt sera considéré comme historique. On fixe l’arbitre, ou plus exactement le cadran de sa montre. La tension n’est même plus palpable, elle est dans chacun et chacun est en elle. Et puis, l’arbitre lève le bras, sort son sifflet de sa poche avant, le dépose sur ses lèvres. Ses poumons se gonflent, la cage thoracique se soulève et d’un coup, comme une vague brisée sur la plage, le souffle retombe sec, emportant avec elle les cris des enfants qui se jouent d’elle et de sa force. L’Afrique du Sud vient de remporter la coupe du monde de Rugby sur son sol, c’est la fin de l’Apartheid. Ou presque…

Il (noir) la (blanche) hèle au loin pour lui demander de l’aide. Sa femme est en train d’accoucher, elle souffre terriblement. Elle doit lui ouvrir et lui fournir de l’aide. Elle accepte. Elle lui ouvre la porte et il la suit. Mais il referme aussitôt derrière lui et les amis qui l’accompagnaient accourent pour s’assurer de l’étanchéité de la porte, empêcher le père de la dite blanche de pénétrer dans la maison. Ils le frappent à plusieurs reprises. Mais il est conquérant, il se relève, donne des coups, mais surtout en reçoit car c’est toute un nation qui en découd. Bientôt il ne pourra que se fixer sur les bruits, sur ce jeune homme, à peine adulte, qui martyrise pour toujours sa fille. Il n’attend plus que cela finisse. La tension est palpable pour lui aussi, elle est en son sein, sur son crâne meurtri, sur ses jambes amochées. Il est désormais enfermé dans les toilettes, impuissant, blessé, misérable. Sa fille vient de se faire violer. L’apartheid – et ses séquelles – est toujours d’actualité. Ou presque…

    Si Disgrace montre les choses dans une telle brutalité, c’est pour rappeler que les plaies ne se referment pas seulement avec des jolis passes sautées et que les choses ne sont sans nul doute pas aussi simple que voudrait le faire croire Clint Eastwood et son Invictus. Si le malheur tombé sur cette jeune fille est particulier car il correspond à la situation délicate de régions isolées qui ont été désertées par les cohortes de descendants d’Afrikaners à la suite de la fin de l’Apartheid, il n’en demeure pas moins une des réalités de l’Afrique du Sud. Elle n’est peut-être pas celle ni des villes, ni des ghetto. Mais entre ce qu’elle endure et ce que cela ravive chez son père qui fut responsable d’agissements faiblement plus reluisants, on décèle toute l’ambiguité et la complexité du processus de normalisation. Le proverbe arménien qui rappelle que « Celui qui cherche à se venger est comme une mouche qui se cogne contre la vitre sans voir que la porte est grande ouverte» nous souligne qu’après un charnier – matériel ou immatériel – de nombreuses mouches seront toujours là à voler autour, déréglées par l’odeur du sang et incapables d’aller voler plus loin. Si la symbolique du sport dans la construction d’une nation – et en négatif il est intéressant de voir que les sifflets de l’hymne national en France sont symptomatiques d’une crise identitaire1 – est importante, si la reconstruction d’une unité nationale peut être favorisée par l’acceptation de la communauté noire des symboles des Afrikaners – et donc au premier chef pour ce film du rugby – on ne peut réduire la fin de l’apartheid à ces symboles. C’est pourtant un raccourci du film, notamment lorsque l’équipe nationale se rend dans les township pour proposer des séances d’entrainement de rugby avec les gamins qui mettent toute leur rancoeur de côté pour se ranger en ligne et faire de jolis enchainement de passes. C’est surtout spectaculariser un processus de normalisation qui ne peut se comprendre qu’avec un certain recul. La performance de Morgan Freeman n’est certes pas anecdotique, mais peut-être eut-il mieux valu une piètre performance d’acteur. D’autant qu’Eastwood ne lésine pas à côté de cela sur les effets spéciaux tape-à-l’oeil et notamment lors des matchs de rugby. La dernière et ultime rencontre en devient une caricature où tous les impacts des joueurs sont filmés en gros plan – avec les goutes de sueurs ou de sang que l’on voit lentement s’extraire du corps percuté pour atterrir au mieux sur la pelouse au pire sur le joueur adversaire2 – les sons sont amplifiés, les travellings ralentis, les séquences de jeu bien trop scénarisées, les gros plans sur l’arbitre dans les dernières secondes bien trop nombreux (sans même considérer, avant le match, cet avion qui fait du rase-motte au dessus du stade juste pour saluer l’équipe et le président de la République). Le paternalisme ou le néo-colonialisme n’est pas non plus particulièrement loin, notamment lorsque la famille du capitaine de l’équipe des Springbok se réjouit que son fils ait également songé à la place au stade pour leur servante noire alors même qu’ils n’avaient pas plus de considération pour elle que pour leur chien quelques instants auparavant.

Disgrace ne s’en réduit pas pour autant à la cruauté (et la crudité) de ces rapports entre les deux communautés. Des mains sont tendus, des initiatives sont prises pour instaurer un climat de confiance. Mais surtout des questions sont posées par les personnages, qui sont loin de disposer de solutions clé en main, qui engagent de réelles reconsidérations de leurs jugements, qui tentent, parfois en vain, de modifier leurs comportement.

Les sciences politiques ont fait évoluer leurs conceptions des politiques publiques s’extrayant de la toute puissance de la décision et des hommes pour faire place à des configurations, à des systèmes d’acteurs ancrés dans une histoire. L’héroisme est désormais relégué au cinéma – que l’on qualifiera en simplifiant d’Hollywoodien – c’est parfois très plaisant, mais l’exercice peut avoir ses limites…

Invictus (2009), Réalisé par Clint Eastwood, avec Morgan Freeman, Matt Damon, Scott Eastwood,… 2h19.
Disgrace (2008) de Steeve Jacobs, d’après le roman éponyme de John Maxwell Coetzee, avec John Malkovitch, Jessica Haines, Eriq Ebouaney,… 1h59

Mercredi 24 février 2010

vie brève, brèves de vie

mardi 16 février :  

Aujourd’hui je vais faire dans le populisme et la démagogie de bas étages – pléonasmes. Plus particulièrement dans le populisme et la démagogie sécuritaire. Même si les fêtes sont passées depuis longtemps, je voulais décorer nos chères forces de l’ordre et apporter ma contribution à l’idée que les forces de l’ordre sont utilisées à mauvais escient. Notez que je ne remets déjà pas en cause leur existence mais uniquement leur usage, c’est dire si je prends des pincettes – non pour éviter la censure qui s’abat désormais sur tout à chacun qui se prend à rêver d’un autre monde mais tout simplement parce que je suis foncièrement un être modéré. Mais je tiens d’ores et déjà que ma contribution à cette critique démagogique – et populiste donc – de nos chers hommes aux képis est particulièrement intéressante pour deux raisons : la première, c’est qu’elle me concerne au premier chef et la seconde c’est qu’elle me concerne à la fois en temps que victime et en tant que coupable – dans la même affaire il s’entend. Je vois là toute la curiosité vous monter aux narines qui frisonnent de savoir comment tout cela pourrait être possible – notamment quand il s’agit du comportement d’un être modéré comme je le suis. Pas plus tard qu’aujourd’hui, j’ai comme, il m’arrive de le faire 4 ou 5 fois dans une journée ordinaire, grillé un feu rouge à vélo. Pas un gros, un orange bien foncé. Or quelques mètres après le feu, se trouvaient les forces de l’ordre qui me hèle et me demande de mettre mon véhicule et mes jambes en position repos. Même avec mon nouveau casque de balladeur – qui isole parfaitement du monde alentours et laisse l’oreille à la seule écoute de la musique que j’aurais bien voulu leur donner à entendre – j’ai bien entendu le monsieur appartenant au corps de fonctionnaire sus-nommé. Surtout, je me savais coupable d’une infraction au code de la route et sa seule présence ici me permettait difficilement de prendre la tangente. Je m’éxécute et après les salutations réglementaires, il me demande une pièce d’identité ainsi que le contrat de location de mon vélo, disposant encore aujourd’hui d’un vélo loué par la ville de Bordeaux. Malheureusement je n’avais pas le fameux papier. Je me demandais néanmoins que cela n’était pas essentiel quand on venait de commettre une infraction au code de la route. Je continuais néanmoins à fouiller partout, voir si je ne l’avais pas malencontreusement laissé trainé dans le fond de mon sac. Mais néant. Nous voici donc à retourner le vélo afin de trouver le numéro du vélo afin de le donner à la ville de Bordeaux et ainsi procéder au vérification de location. Saisissant quelques propos échangés avec sa collègue, je commence à comprendre qu’ils ne sont en fait postés ici que pour trouver des vélos volés. Me sachant coupable d’une infraction au code de la route – c’est pompeux comme dénommination mais je l’apprécie en fait – et me rappelant que l’habit ne fait pas le moine, je me montre très coopération, leur parlant sur un ton badin et amical. J’en vins même à leur narrer le vol de ma selle et les difficultés ensuite faites par la ville de Bordeaux lors de la restitution du vélo avec une selle différente du modèle d’origine. N’ayant aucune réponse de leurs collègues quant à l’identification de mon vélo mais me portant toute leur confiance et leur foi dans la possession légale de la bicyclette, ils me laissent repartir. La morale de cette histoire, c’est qu’au lieu de perdre leur temps et de le faire perdre à d’innocents cyclistes, seulement oublieux de la paperasserie, les forces de l’ordre pourraient en passer plus avec des personnes responsables d’infractions, d’autant que parfois il s’agit, physiquement, des mêmes personnes… Sans intention de les narguer, mais avec la conscience du criminel qui retourne sur les lieux de ses méfaits, je suis repassé les voir quelques dizaines de minutes plus tard, mes courses faites, histoire de savoir s’ils avaient pu identifier mon vélo non-volé… Une charmante demoiselle se voyait subir le même sort, à tenter de prouver sa bonne foi et de s’excuser de ne pas avoir avec elle son placard de documents administratifs…

brèves de vie, vie brève

lundi 15 février:

    Le bureau de la CPAM du jardin public n’est plus. Il a agonisé doucement durant le mois de janvier, fermant son coeur temporairement au sang neuf. Et puis un jour plus rien. La pompe était coupée, le puit asséché, la porte fermée. Et seulement ce petit écriteau à la plastique très caustique : une simple pancarte plastifiée indiquant que ce bureau fermait définitivement ses portes et invitait à aller voir ailleurs. C’est bien regrettable. Car sans vouloir faire pleurer dans les chaumières et émouvoir les petits retraités qui gigotent tant bien que mal la jambe dans ce quartier des Chartrons, il avait son charme ce centre de la CPAM. Le charme désuet des administrations d’antan. De celles de l’après-guerre que l’on a placé, ci ou là pour des raisons souvent bien étrange, dans des bâtiments souvent destinés à un autre usage. Dans ce centre par exemple, on voit bien que l’architecte en chef n’avait pas été missionné pour ce type d’emploi. Alors on a du faire venir un autre gaillard qui a arrangé les choses comme il pouvait. Dans ce vaste hall, il a mis trois cloisons et le tour était joué. On avait désormais trois guichet et une salle d’attente. Mais comme c’était l’urgence, rien n’est clos, les cloisons ne sont que des pans de mur, rien d’autre. Comme un architecte de cinéma à qui on ne demande de construire que des morceaux de décor car selon l’axe de la caméra, le reste sera de toutes façons hors champs. Le carrelage n’est sans doute pas non plus d’origine et a du être posé ici dans un souci sanitaire en se disant que le carrelage, la faïence, c’est la terre que l’on a civilisé, que l’on a émaillé, c’est la terre qui ne ment pas du maréchal Pétain recouvert d’une fine couche de civilisation à la De Gaulle. La faïence c’est la synthèse entre Pétain et De Gaulle. Et puis, on ne sent pas la modernité dans ce centre. Il y a bien la machine pour les cartes vitales, mais elle est bien comme toutes ces machines que l’on pose partout sans pour autant convertir ces lieux aux affres de la modernité, comme un distributeur à café, comme une machine automatique. On peut les y mettre où l’on veut, si le reste n’est pas du même acabit, il n’y pas concordance des temps et une forme d’archaïsme subsiste. On a bien aussi le compteur pour appeler les assurés. Mais la plupart du temps il est à l’arrêt et ce sont les employées qui crient à tour de rôle le numéro gagnant. On se croirait à la criée et c’est réjouissant, d’autant qu’au final on n’est pas reçu avec une tête avec des yeux de merlan frit. Malgré le désert sensitif du lieu, il avait une âme et une vie. c’était déjà pas mal pour une caisse d’assurance maladie…