Je voulais revoir ma Laponie – Part 3.
Jeudi, 8ème jour (aucun rapport avec le film éponyme, quoique…), Kittilä-Pokka (90 Km, ou 105 pour ceux qui se perdent en route…) :
Je m’attendais à ce que cette diagonale du vide ( celle qui relie Kittilä à Inari et qui est la route secondaire pour rejoindre Inari, alors que la route principale est celle de Rovaniemi, une jolie nationale) soit des plus ardues. Pour l’instant elle tient toute ses promesses : c’est donc une diagonale de 200 kilomètres qui doit être normalement divisée en deux jours ( on verra demain si c’est effectivement réalisable). Et pourtant, malgré la peur, j’avais envie d’en arriver là et de me frotter à cette partie du parcours. Maso ? je sais pas. Surtout qu’en plus j’ai réussi à me paumer ( en tout cas à ne pas trouver la route et du coup, je me suis rajouté des kilomètres ( 15 environs) et un peu d’énervement ce qui prouve qu’en la matière, il me reste encore des progrès à faire…). Pourquoi redouter cette partie ? déjà par sa longueur : ce sont mes deux plus longues étapes à vélo ( je n’ai, même avant, ce voyage jamais roulé plus de 70 kilomètres d’affilé …), un relief qui ne devrait pas être tout à fait plat ( sans être pour autant montagneux), un désert humain ce qui restreint énormément les possibilité d’hébergement et celles de retour en cas de besoin. Du coup, sur ces deux étapes, le fait d’être seul prend tout son sens. C’est là que le mental ne doit pas flancher. Et il n’a pas flanché. Je n’ai rien lâché, j’ai continué de pédaler, j’ai souvent changé de braquet (comme dirait Bernard Thévenet) pour être sûr de finir mais j’ai fini. J’ai fini quoi ? j’ai fini où ? j’ai fini cette première partie qui m’amène à Pokka, seul village ( et c’est encore trop fort comme terme…)sur cette route, après une cinquantaine de kilomètres sur cette piste de terre. Quelques kilomètres avant, je jubilais : « asphalte, goudron, bitume, macadam… »je croyais enfin en avoir sous les roues et en avoir fini avec cette piste plus ou moins merdique mais non, cette piste m’a accompagné jusqu’à l’entrée dans Pokka…
Alors dans Pokka, il n’y a rien. Ça je le savais, mais il devait tout de même y avoir un café ( qui vend aussi de la bouffe)et un camping. Mais tout était fermé et le village désert. J’ai trouvé un seule âme qui vive et qui m’a laissé appeler (moyennant finance) deux minutes en France pour rassurer les miens. Du coup, j’ai continué dans la démarche « hospitality club » et me suis installé dans un sauna laissé ouvert. J’ai frappé à toutes les portes, tenté d’en ouvrir pas mal et seule celle-ci s’est donné le mal de s’ouvrir. Du coup, je vais passer une nuit à peu près au chaud, au bord de l’eau, au bord de la rivière, en compagnie d’un écureuil qui semble habiter les lieux ( c’est tellement magique qu’on se croirait dans la chanson de Tryo : « Assieds-toi près d’un vieux chêne/ Et compare le à la race humaine/ L’oxygène et l’ombre qu’il t’amène/ Mérite-t-il les coups de hache qui le saigne ?/ Lève la tête, regarde ces feuilles/ Tu verras peut-être un écureuil/ Qui te regarde de tout son orgueil/ Sa maison est là, tu es sur le seuil… »). Mais l’aventure à Pokka ne s’arrête pas là : à côté du sauna ( dont j’occupe la partie vestiaire précisément parce que le sauna proprement dit est fermé[1]), y a deux autres cabanes, un endroit pour faire du feu et la rivière. Bref, un cadre enchanteur. Donc après avoir piqué une tête dans la rivière (très rapidement parce qu’elle était bien froide), j’ai fait un petit feu (j’avais emmené des allumettes, du coup, elles n’ont pas fait le voyage pour rien )et je me suis concocté un thé au feu de bois (c’est délicieux avec de douces effluves de fumé !)avant de déguster de dégueulasses mais nourrissantes pâtes au feu de bois. Alors faire un feu, c’est pas tellement le problème. Ce qui l’est plus, c’est faire cuire…et là de nouveau, il faut savoir être patient : on est loin du micro-onde et du thé prêt en 2 minutes chrono. Pour un thé au feu de bois, compter 15 minutes ( sans compter le temps pour faire le feu lui-même). Pour les pâtes, il faut les laisser au moins 20 minutes ( dans l’eau à peine bouillante, parce que pour la voir bouillir, c’est pas évident non plus) pour espérer quelque chose de cuit. Enfin bref, c’est le retour des joies sauvages comme dirait Gustave Parking…avec tous les beaux paysages de la journée ( et les rennes qui ont tranquillement pris la pose pour moi), cet instant sauvage ( c’est mieux que « l’instant norvégien » des robins des bois…)restera dans ma mémoire, tout comme les efforts accomplis…mais attendons la suite…
Vendredi, 9ème jour, Pokka-Inari (110 Km) :
Bon j’ai passé la nuit en compagnie de l’écureuil ( à qui j’aurais aimé répondre cette réplique de « retour vers le futur 3 » : « tu ferais mieux décamper l’écureuil ») : en fait, on faisait plus ou moins une colloc’ ensemble : lui prenait le toit et la partie centrale du sauna et moi, le reste. Et c’est dingue le vacarme qu’un écureuil peut faire. A certains moment, j’aurais plus cru qu’il aurait pu s’agir d’un ours…mais bon, entre deux instants à côté de la bête sauvage faisant tout son cirque, j’ai du dormir un peu… en tout cas, je pense que j’ai du dormir, puisqu’au petit matin, j’avais deux jambes en parfait état de marche ( ou de vélo, si vous préférez pour l’occasion). Et heureusement finalement. Au réveil, le temps était gris. Une petite averse mais rien de bien méchant. Donc je me prépare à partir. De toute façon, je vais pas rester plus longtemps dans ce bled, y a vraiment rien à y faire. Il faut continuer, c’est indéniable. Donc c’est parti. Je quitte mon squatte pour en avoir un autre, celui-ci par contre organisé par Hospitality club. Et le fait de savoir où on arrive, ça aide grandement à se motiver : même si on arrive trempé, on sait qu’on sera accueilli et même si c’est pas à bras ouverts, ce sera toujours un accueil. Légère douleur au pied en début de parcours, espérons que ça passera…heureusement, ça s’estompe. Ce qui ne s’arrête pas par contre, c’est le vent ( et pourtant les arbres ne bougent pas. Mais je suis sûr qu’il ne s’agit pas de ce vent fictif, celui de la vitesse, puisque même dans les montées je ressens le vent. La pluie aussi ne semble pas vouloir s’estomper. Ce qui n’était qu’une légère bruine devient averse. Voilà, j’ai fait 15 kilomètres, je suis déjà trempé et il me reste 90 bornes…en plus le ciel ne laisses espérer autre chose. C’est pas grave, on va continuer doucement mais aucune raison de s’arrêter. D’ailleurs, j’essaye bien de m’arrêter une fois mais les frêles arbres de la région n’abritent rien et ne me sont d’aucun secours. En plus, par la même occasion, je m’embourbe à moitié dans le bas-côté… non, il faut continuer un point c’est tout. « tais-toi et pédale » en quelque sorte.
Mais y a un truc auquel j’avais pas pensé et ce truc, il s’agit de la neige. Et elle vint. Du coup, j’en venais un peu à désespérer ( dans ma tête, je ne sais combien de fois je me suis répété « c’est pas possible, c’est pas possible… ». Mais impossible n’est pas français ni même finnois apparemment). Alors face à ce temps finlandais complètement impossible, j’ai choisi mes armes français en me disant que c’était impossible de s’arrêter là. En même temps, cet impossible est aussi bien finlandais, en ce que ça correspond vraiment au « sisu » finlandais, cette vertu qui veut que les finlandais n’abandonnent pas et ne lâche pas, même si tout semble aller contre eux. Et donc malgré moi, j’ai continué. Physiquement je me sentais bien. J’avais seulement les pieds et les mains en permanence gelés ( donc pas de quoi faire des pieds et des mains) et le reste du corps par intermittence. Du coup, c’est bête de se dire qu’on va arrêter alors que physiquement tout va bien. J’ai pensé par moment à faire du stop. Mais l’envie de continuer et de finir cette étape me tenait plus à cœur. Du coup, je continuais à rouler malgré moi. Finalement rien de plus logique que de continuer : on s’est lancé dans l’étape, pas de possibilité de s’arrêter, donc on continue. Si on s’arrête, qu’est-ce qu’on va faire ? attendre ? attendre quoi ? le déluge ? il est déjà là. Godot ? il vient jamais ce con… mais par contre j’en venais à me dire que j’étais quelque peu moralement masochiste : je pense souvent que la contrainte a quelque chose de positif et de constructif, qu’elle libère ( c’est bizarre à dire) et qu’elle stimule ( pas moins étrange…). Que ce soit cette année à cuisiner sans grandes possibilités ou lors de ce voyage où les conditions météo peuvent donner des ailes.
Finalement j’ai plutôt eu raison de persévérer et de ne pas céder à la facilité qu’aurait été le fait de faire du stop. Puisqu’à 35 kilomètres de l’arrivée, des éclaircies dans le ciel se faisait sentir. L’espoir de finir, aujourd’hui, avec le vélo, était désormais là( j’avais envisagé de l’abandonner comme on abandonne un animal domestique ou un vieux trop encombrant sur une aire de repos sur la route des vacances, dans l’hypothèse du stop). Malgré tout, je comptais les kilomètres : les pancartes indiquant tous les 10 kilomètres se faisaient attendre. Mais le moral était là, du coup, le physique aussi et pendant un moment, je revins sur mon meilleur triumvirat, mon triumvirat de vitesse 5-6-7 ( parce que, oui, en général je tourne sur 3 vitesses majeures).
Arrivé à bon port, chez une saami qui au premier regard a l’air très accueillante mais semble malgré tout bien décidée à sa propre vie tout en m’y tenant un peu à l’écart. Moi qui rêvait d’en apprendre plus sur la culture saami, je vais peut-être devoir me contenter du musée Saami d’Inari…mais attendons la suite…
Samedi, 10ème jour, Inari[2] :
Je voulais découvrir la culture saami, je pense que j’en ai eu un aperçu. Mais seulement un aperçu. Bien sûr je ne pouvais pas manquer d’aller au SIIDA : non, il ne s’agit pas d’une faute de frappe ni d’un centre consacré à la recherche contre ce virus, mais du musée saami d’Inari, une des grande attraction de la ville par ailleurs. D’ailleurs très bien fait, comme musée, très agréable et assez instructif. De quoi en tout cas aiguiser un peu plus ma curiosité sur ce peuple du nord, surtout que comme beaucoup de peuples dits « primitifs » le rapport à la nature qui fait tant défaut à nos sociétés est chez eux toujours présent : que ce soit dans la religion où les dieux sont plus ou moins des incarnations des éléments naturels ( y compris le renne, considéré parfois comme une image mythique et divine), dans les pratiques courantes (incluant la religion bien souvent comme les « cérémonies »( guillemets parce que c’est sans doute un trop grand mot pour ce que c’était) organisées autour de la chasse où la place dévolue à la nature est toujours hautement consacrée)… c’est finalement dans ces régions où la nature est la plus hostile, la plus difficile à conquérir que le respect est le plus grand, comme si cette affrontement permanent avec des éléments que l’on ne peut maîtriser s’accompagnait d’un profond respect et la volonté de ne pas altérer cette situation, comme un respect de nombres de joueur de tennis à Federer, comme un respect de Thaïlandais pour leur roi[3], le respect des faibles face au fort parce que ce dernier les respecte également.
Il y avait ce week-end à Inari, un festival de musique saami dont Elle ( c’est le nom de la fille qui m’accueillait) m’avait parlé par e-mail et m’avait plus ou moins convié. Mais comme pour le reste en ce qui la concerne, j’ai été un peu déçu : j’aurais voulu pouvoir partager cet instant assez particulier avec quelqu’un de cette culture, pouvant par instant, m’expliquer, me donner des informations complémentaires. Mais en rentrant du musée, Elle n’était pas à la maison. Et je l’ai pas vu de l’après-midi. Mais j’étais malgré tout décidé à voir à quoi pouvait ressembler cette musique saami et notamment les Joik, ces fameux chants saami en général chanté à capella ( parce qu’à défaut d’en apprendre plus sur les saami par l’intermédiaire d’Elle, j’étais allé faire un rapide tour sur Wikipedia où j’ai appris l’existence de ces joik). Donc je suis tout de même allé au concert. J’ai pu malgré tout y croiser Elle mais comme pour le reste du temps, on a pas vraiment échangé beaucoup. En revanche, j’ai beaucoup plus discuté avec un mec venant d’Helsinki ( qui m’avait vu le matin même au musée et est venu tout de go me parler, une politique bien étrange pour un finlandais tout de même…)qui était là avec des russes ( qui passent la journée à boire du thé et ne pas vraiment avancer sur ce qu’ils ont à faire, à passer plus de temps en palabre qu’en acte) pour faire une sorte de reportage sur les saami. Dans tout ça, j’ai tout de même pu apprécier la musique saami, qui malgré les paroles pour moi encore plus incompréhensibles que du finnois, m’a beaucoup plus. Ces fameux joik à capella dégage vraiment quelque chose : on sent passer l’émotion oscillant entre colère et amour, tendresse et sagesse ( en tout cas, c’est ce que ça m’a fait ressentir). Il y avait notamment cette vieille, qui, pour un de ses joik, s’est mise à danser et à bouger les bras, c’était d’une telle fraîcheur !!! un petit instant ailleurs, un petit moment de bonheur. Bon ensuite y avait des choses aussi très spéciales parce qu’ils ont décidé de mélanger leur musique traditionnelle avec des choses beaucoup plus modernes comme cette jeune ( ado) qui chantait sur de la musique qui peut être qualifiée de mélange entre de la dance des 90’s et des fichiers midi ( pour ceux qui connaissent pas ce genre de fichier informatiques, ce sont des fichiers audio avec un son un peu synthétiseur bien merdique et des tonnes d’effets ridicules). Y avait aussi le groupe qui clôturait la soirée, la tête d’affiche en quelque sorte qui jouait en quelque sorte du métal ( mais du métal gentillet). Malgré tout, les parties plus traditionnelles m’ont particulièrement plu, si ce n’est parfois cette insertion de cris d’animaux qui peut parfois faire un peu bizarre.
Au final, je n’ai donc peu appris sur les saami d’aujourd’hui puisque ce rôle aurait du être dévolu à Elle. La seule chose que j’en déduis de sa vie, c’est qu’il semblerait que la place de la communauté soit très importante : chez elle, c’était la famille : t’avais toujours quelqu’un qui rentrait et sortait de la maison, quand tu rentrais, tu pouvais être sûr qu’il y aurait quelqu’un sans que ce soit forcément elle (en rentrant du concert, y avait un mec affalé sur le canapé et en me réveillant le lendemain, j’ai découvert qu’il y en avait un autre dans une chambre d’amis), mais en général quelqu’un de la famille. Donc la porte est toujours ouverte chez elle. D’ailleurs elle est vraiment ouverte pour n’importe quoi : durant l’après-midi du vendredi, à un moment, deux mecs sont rentrés (d’ailleurs, jamais aucun ne s’est étonné de ma présence, et a demandé qui j’étais…) seulement pour aller au toilette : ils sont rentrés, sont allés au toilette et sont repartis. Peut-être certains se rappellent du sketch des nuls où Dominique Farrugia ( du temps où il n’était pas riche et du coup pas supo de satan euh soutien de Sarko je veux dire) allait chier chez ses voisins, eh bien c’est plus ou moins la même chose ici… enfin bref, j’étais un peu déçu (seulement par le fait de n’avoir pu partager avec elle )… mais attendons la suite (ou la fin plus exactement)…
Dimanche, 11ème jour, Inari-Tampere ( je sais pas combien de kilomètres mais plus de 1000, c’est sûr) :
Bon voilà, la décision était déjà prise, mais c’est le moment de le faire : il faut désormais rentrer sur Tampere. Prendre le bus jusqu’à Rovaniemi avant de prendre une nouvelle fois ce train de nuit pour Tampere, celui où ceux qui ont de l’argent prennent une couchette et ceux qui n’en ont pas essayent de dormir tant bien que mal dans un wagon normal…c’est désormais la fin et déjà l’occasion d’un bilan[4]. Evidemment en repartant alors que le temps est splendide, les regrets viennent forcément à l’esprit. Pourquoi rentrer dès à présent alors que le temps est parfait ? pourquoi ne pas aller plus loin ? et ce cap-nord dont j’avais tant rêvé ? on le laisse au placard ? bien oui, pour l’instant il reste dans le placard des rêves, mais pas à un étage trop haut, pour rester accessible et qu’il soit possible de l’attraper quand j’en aurais envie, que j’ai pas besoin d’un tabouret ou je ne sais quoi. Mais c’est vrai que lorsque Virpi ( une amie finlandaise à qui j’avais touché deux mots à propos de ce voyage) m’envoie un message alors que je suis dans le train du retour pour me demander où j’en suis dans mon voyage et que je dois lui répondre que je suis justement en train de rentrer, ça fait un peu bizarre… mais je pense qu’il est facile de regretter au présent, il est plus difficilement concevable de regretter dans le passé. En conséquence de quoi, le regret n’existe pas, ou n’est qu’un sentiment qui nous embrume l’esprit (je vous laisse réfléchir là-dessus, comme dirait Gustave Parking). J’aurais même envie d’ajouter que les regrets à posteriori ne valent rien : ce sont des sentiments du présent sur un passé révolu dans l’espoir qu’il aurait pu se passer autrement. Pour poursuivre sur ces idées de regret, je pourrais aussi dire que si l’on regrette à priori (ou pendant), c’est que l’on doit poursuivre ce que l’on a à faire et passer outre les regrets tandis que regretter à posteriori c’est projeter le présent dans le passé et ainsi oublier la concordance des temps. En définitive, pour finir sur ce sujet, je dirais que l’essentiel est de ne pas regretter sur l’instant. Tout le reste n’est que reconstruction du passé et de l’instant vécu. Mais malgré tout, ce regret que, de la sorte, je tente de rejeter, de regretter, est plus ou moins normal quand il devient question de rêve et que celui-ci, au fil des temps s’est réduit comme peau de chagrin ( j’exagère un peu, il en restait pas mal de ce rêve originel) : quand on recentre un rêve, il reste dur de ne pas ressentir une certaine désillusion quant aux périphéries délaissées. Alors, c’est sûr les choses ne se sont pas passées comme prévues, je ne suis pas allé jusqu’au cap-nord, mais d’une certaine manière, un rêve bien construit et réalisé à l’image du plan pré-établi, est-ce un rêve souhaitable ? j’ai parfois laissé de côté l’aventure ( je n’ai d’ailleurs pas passé une seule nuit sous la tente) pour plus de sécurité en choisissant des lieux en dur pour dormir. Mais n’était-ce pas plus sûr pour une première expérience de voyage à vélo ? et puis l’aventure pourquoi ? pour dire : « moi j’ai vécu à la dur pendant une semaine » alors que du coup, tu ne peux profiter de tout, du temps d’une petite marche, d’un bon repos le soir ? alors, c’est vrai, ça fait moins héroïque, mais je pense pas avoir fait ce voyage pour me forger une figure de héros, d’homme fort qui domine toutes les conditions et peut faire face à tout. Sans doute je voulais me prouver quelque chose, mais certainement pas tout cela.
Un autre élément essentiel de ce voyage aura sans douté été l’idée de voyager autrement. J’ai bien sûr expérimenté le vélo. Et il faut bien avouer que les distances étaient faibles ( surtout quand je compare avec cette discipline cycliste dont j’ai appris l’existence il y a peu et qui s’appelle l’ultra-cycling et dont un exemple pourrait être le Raid Provence Extrême : ils ont fait 600 kilomètres comme moi, mais en une fois : ça veut dire qu’ils roulent aussi de nuit. Sachant qu’en plus, ils ont 10 000 mètres de dénivelé (avec entre autre deux Ventoux à se grimper)…mais c’est pas trop le genre de truc qui m’attire mais qui permet de relativiser quand on voit les têtes d’ahuris des gens quand tu leur dis que tu as fait 600 kilomètres en 8 jours) mais ça m’a donné le goût de continuer et je sais désormais à quoi peut ressembler ce genre de voyage (sachant en plus que mon entraînement en amont était assez restreint du fait du climat finlandais et les étapes étaient aussi conditionnées par le climat et donc par l’hébergement). De plus je pense que ces distances peuvent facilement être augmentées et je prends tout cela comme une première expérience qui aura donc été loin de me dégoûter. Ensuite j’ai pu aussi tester de nouveaux modes d’hébergement et notamment ce système d’hospitality club qui permet de super choses mais dont on peut voir les limites assez rapidement. Le principal risque est celui de tomber dans l’hospitalité au sens pauvre du terme ( le terme pauvre étant ici polysémique) : cela peut atteindre à la fois l’hôte et l’accueillant : l’invité dans l’optique d’un hébergement gratuit et l’accueillant dans un rôle de charité chrétienne qui ne fait qu’aider matériellement sans échange « spirituel ». du coup, on apprend beaucoup sur la notion d’accueil, de don, de partage dans ce genre d’hébergement : ainsi, à mon sens, il existe deux types d’accueil : celui où l’on accueille dans sa vie et celui où on accueille à côté. Donc un accueil comme intégration à sa propre vie, un autre comme réalité distante où la rupture avec ses habitudes n’existe pas. Il y a donc soit disparition du statut d’hôte (pour celui de membre actif de la vie de l’autre) soit continuation du statut et continuation de vies parallèles mais en aucun cas croisement de vie et encore moins mélange. Dans cette logique, dans mon cas, Esko ( le gars du camping) fut le plus intégrateur, venant ensuite Jani ( le jeune sudiste venu bosser au nord).
En tout cas, je garderais de tout cela des souvenirs grands comme la Finlande, des personnages dans ma têtes, des paysages dans mon cœur ( et réciproquement), la mémoire d’un voyage un peu différent, sans doute un peu étrange pour beaucoup, mais ô combien agréable. Comme dirait Mathilde : « les voyages bizarres, c’est génial ». surtout pour finir une année comme celle-ci. Mais attendons la suite…[5]
P.S : ce texte a donc été écrit au cours du voyage lui-même mais je me suis tout de même permis certaines largesses en le retapant, donc ce n’est pas de l’authenticité pure…
mardi 5 juin 2007.
[1] en fait il ne l’était pas, il suffisait de pousser un peu plus fort la porte…
[2] à partir d’ici, plus rien n’est écrit au jour le jour, mais quelques temps après.
[3] Je tiens cela d’un étudiant thaïlandais présent en Finlande qui nous disait l’autre jour combien leur roi était respecté et du coup avait une autorité sur l’ensemble de la population en cas de conflits, d’oppositions, de divisions.
[4] Bilan fait pendant le voyage retour et pendant les jours qui ont suivi.
[5] Il fallait que je finisse par ce gimmick qui s’est imposé jour après jour dans mon texte…