Archive pour septembre 2013

mieux vaut court que jamais #403

La militante aguerrie formée aux marchés hebdomadaires et de fin de semaine sait choisir sa proie, trouver l’âme faible qui pourra recevoir sans broncher son laïus aléatoire et dépassé. Pourtant derrière le masque de marbre, son opinion est faite et son cœur vibre à d’autres combats.
Ainsi va la vie du militant renfrogné.

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L’étal se vide comme l’estran, laissant ici ou là quelques vestiges des victuailles encore là, quelques instants plus tôt. Mais rares sont les pillards qui viennent après la bataille récupérer ces maigres restes comme les pécheurs les coquillages.

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Soudain, le lapin bien vivant qui détale de l’étal du boucher surprit tout son monde.
Il est en effet bien rare de nos jours de voir des lapins de magiciens prendre place dans les stands de boucher sur les marchés, finalement, depuis que, le théâtre forain a disparu, reléguant le spectacle à la salle et les sustentations de l’homme à la boutique.

mieux vaut court que jamais #402

Ce qu’il croyait n’être que de la pleutrerie s’avérait être une faculté hors-norme de jugement emplie de lucidité et de mesure. Égayé à l’idée de ce talent considérable, il se montra fier, orgueilleux et entreprenant, allant bientôt, au devant de graves déconvenues quand il aurait tout simplement pu demeurer quiètement dans son coin.

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Étrangement l’autruche

Du moindre grain de sable s’entiche,

Ne se voulant coqueluche,

Là voilà qui paradoxalement s’affiche.

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Le crustacé au fond de son coquillage n’est pas le terne et le renfrogné qu’on le suppose. Ceux qui le pensent même introverti se trompent lourdement. Seulement les autres ne l’intéressent pas et préfère-t-il sa seule coquille dans laquelle profite-t-il d’entendre le son de la mer comme le font les petits enfants trouvant des coquilles égarées sur la plage.

mieux vaut court que jamais #401

« Et moi qui croyais qu’il fallait battre le fer tant qu’il est encore chaud », m’exclamais-je en héros penaud et meurtri défait par les éléments qui lui sont supérieurs, ce coup-ci, dans cette lutte acharnée m’ayant laissé décharné avec le domestique fer à repasser.

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Les accidents domestiques sont proportionnellement de plus en plus en cause dans la mort de nos concitoyens. A croire que la guerre a bel et bien perdu en efficacité.

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Il est toutefois à questionner la réelle domesticité de la mort accidentelle par musophobie, tant le rongeur faisant ainsi irruption létale dans une pièce ne peut être considéré comme animal domestique, malgré son caractère si souvent inoffensif quand il se trouve dans une cage.

mieux vaut court que jamais #400

S’étalait sur le tableau d’ardoise le dessin très schématique d’un sexe masculin dressé à son maximum, suivi, en dessous de l’inscription en grandes lettres capitales d’imprimerie « bite ».
Il serait alors à postuler que désormais l’apprentissage de la lecture s’inspire de la psychanalyse freudienne et de l’importance de la découverte du sexe pour le jeune enfant. A moins que ce ne soit que quelques attardés tuant le temps.

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Malgré la constance de l’illisibilité de son écriture bientôt qualifiée de hiéroglyphique, il ne parvint jamais à obtenir la nationalité égyptienne, ayant ainsi espéré retrouver des racines qu’il n’avait pourtant pas.

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La retraite de l’écrivain, fidèle à l’idée communément admise d’une rupture radicale avec la vie professionnelle et la ferme intention de changer du tout au tout, peut avoir des conséquences très fâcheuses. Il en est de nombreux, qui ayant considéré avoir passé leur vie à écrire renâclent jusqu’à la rédaction de cartes postales estivales, celle de liste de courses ou bien même de chèques bancaires.

mieux vaut court que jamais #399

Indiciblement, l’oreille tendue aux ambiances sonores environnantes, je ne peux m’empêcher de me demander quand cesse réellement de fonctionner un tube ? Qu’est-ce qui fait ainsi que des personnes d’âge tout à fait juvénile et qui n’ont connu ni mort ni vivant Daniel Balavoine continuent de l’écouter alors qu’aucunement ne sera chantonné – ou crié si l’alcoolémie est plus avancée – de chanson de Berthe Silva, pourtant, elle aussi, héroïne de son temps ?

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Alors qu’approche l’année commémorative des cent ans de la grande guerre, personne n’a osé, durant l’été écoulé, célébrer en grandes pompes le Traité de Bucarest qui met fin à la seconde guerre Balkanique. Véritable appel d’air pour la conflagration mondiale alors à venir, les commémorations de ce traité souffrent encore de ce triste enchainement de causalités qui l’inscrive ainsi dans la longue liste des conflits armés tombés dans l’oubli.

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Qui se souviendra dans quelques années du geste de la ville de Mézières-Sur-Issoire pour quelques habitants alsaciens trouvant l’hospitalité dans cette bourgade du Limousin à la suite de l’invasion allemande des premiers territoires d’outre-Rhin en 1939 ? Au rythme où les programmes scolaires d’histoire se réduisent, ces informations qui ne figuraient pas même dans les manuels scolaires jusqu’à présent risquent de ne jamais s’y voir réintroduits.

mieux vaut court que jamais #398

De l’invisible à l’indicible, il n’y a qu’un pas que n’oseront franchir ni muets ni hommes invisibles.

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A faire l’autruche,

S’il s’extrayait de la vue

De l’inquiétante ruche,

S’exposait-il à l’imprévu.

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« Pas vu, pas pris », ainsi justifiait-il ses œillades si discrètes qu’elles ne pouvaient guère être décelables à l’œil nu.

mieux vaut court que jamais #397

– « Regarde c’est une porte secrète », s’exclame enthousiaste le gamin de passage dressé sur son vélo à suivre sa mère prudente et protectrice.

Pourtant à bien y regarder, la porte n’a rien de très secret : au beau milieu d’un bâtiment XVIIIème, la porte faite de parpaings, n’est pas moins visible que le nez au beau milieu de la figure.

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Peut-on sans cesse accuser le virtuel de nous faire déréaliser le monde qui nous entoure ? Si, si peu d’enfants aujourd’hui ne savent à quoi ressemble un chou Romesco, nul besoin de s’en prendre tout-de-go à Internet.

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Substituer les pièces des machines par de vulgaires tickets de papier échangés contre des pièces au préalable. Voilà le casino moderne qui, à coup sûr ne saurait faire perdre le sens des réalités face à la mécanique de l’argent, comme nul papier ne pourrait venir semer la zizanie dans l’engrenage qui bientôt s’huile de cette matière souple et sans aspérité.

mieux vaut court que jamais #396

Faisant siens les propos de Brel, il les colorait d’une teinte d’humanisme forcené qui sied si bien à la « petite phrase » en scandant à qui voulait bien l’entendre que « si le talent, c’est d’avoir envie, le talion c’est d’enlever la vie ».

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On s’outre vertement de voir quelques sportifs ne penser qu’à leurs salaires mirobolants et ne plus rien apprécier de leur seule activité sportive. Seulement qu’il nous soit permis de penser que les traders ne font guère autre chose, comme d’ailleurs toute autre activité humaine introduite dans le moule de la professionnalisation impliquant alors rétribution.

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Cupide et communiste, il avait concilié ses deux accents par la seule accumulation de pièces de un, cinq et dix centimes.

mieux vaut court que jamais #395

De l’amer bijoutier, sont-ce les bijoux de famille qui lui sont montés au nez, quand se trouvant nez-à-nez avec le gangster prenant bientôt les jambes à son cou, de son coup désormais fait, il a cru pouvoir mettre les choses dos-à-dos, en ciblant le derrière, comme on remonte un coucou suisse ?

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Il fut, au village des cannibales,

En quelques heures, mis à mal

Toute forme et toute idée de la justice,

Par d’un homme, son affreux supplice.

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La balle prise en sandwich entre les parois du canon du fusil ne s’était elle-même rendue compte de rien. A peine sortie, expulsée violemment qu’elle était déjà re-rentrée, dans une matière semble-t-il plus friable, comme molle, s’y lovant sans conscience de ce que sa nouvelle tanière était sa dernière.

De l’acier à la chair, il n’y a qu’une gâchette sur laquelle d’aucuns n’hésitent plus à tirer quelle qu’en fut l’affaire.

mieux vaut court que jamais #394

Lançant en public que des deux d’entre eux, celui qui avait été le plus en lumière, était, plus jeune, le plus dragueur des deux, tout de suite cela était-il considéré par le journaliste comme un compliment ou une flatterie. Qui peut pourtant dire qu’il s’agit-là d’une qualité ?

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Lassé de la terne réalité et des dérives du monde contemporain, de sa financiarisation et de son manque d’âme, il s’était lancé dans une carrière de commentateur de matchs fictifs de football. Ainsi ne mettait-il plus sa verve au service de valeurs, qui, le sport seulement desservent.

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N’est pas Perec qui veut.

Je doute ainsi fortement que mon voisin, passant le plus clair de son temps sur une marche de l’escalier – toujours la même – le portable entre les mains et le martyrisant de régulières frappes de ses doigts calleux et exhibant souvent le regard scrutateur du fin observatoire, ne soit en train de retracer les petites existences des habitants de l’immeuble avec l’exactitude parfaite et parfois l’espièglerie de La vie mode d’emploi.

Tout au plus, travaille-t-il pour les services secrets suisses.