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mieux vaut court que jamais #380

Une fois par semaine allait-il s’installer dans le cimetière pour y faire une sieste vespérale, toujours sur le même carré de pelouse, vierge de tombe, dans l’attente d’une future extension. Parfois y passait-il la nuit. Beaucoup pensèrent qu’ainsi il se préparait commodément à la mort, entrainement hebdomadaire, prise de marque dans son futur lieu de villégiature. D’aucuns suggérèrent qu’il s’imprégnait ainsi du monde.

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Sous le nuage de cendre, des pentes du volcan ensevelies à s’en teinter totalement de gris, s’étalait petit à petit la mémoire de la terre ; ses entrailles qui laissaient leur trace.

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Son ambre autour du cou, elle portait dans le bijou le souvenir des ans, de ces aïeux, qui récoltaient la précieuse résine, de l’insecte comme pris dans les glaces de la fossilisation, des arbres qui avaient ainsi laissé perlé quelques larmes. A ces évocations, elle ne put qu’emplir ses yeux de liquide lacrymal qu’en aucune manière elle ne pourrait matérialiser de la même manière.

Seule la nature sait matérialiser le temps et les tourments.

mieux vaut court que jamais #364

L’homme politique, à la différence des autres prototypes humains, n’a ni la mémoire courte ni celle de l’éléphant. Seulement, sa longueur est-elle tout aussi variable que la pigmentation versatile du caméléon.

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– Du lieu ?

– Aucun souvenir.

– De l’heure ?

– Encore moins.

– Une sensation, une odeur ou quelque chose qui…

– Non, rien, juste une évanescence vespérale évanouie au réveil.

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La mémoire d’une rose s’était posée sur son cœur. De là, elle était remontée aux narines, pour de son parfum intact et puissant, le faire éternuer sans raison.

mieux vaut court que jamais #303

Je suis un poisson rouge pour les autres, dont la mémoire de mon être est si volatile qu’elle s’assimile à celle du petit poisson. Fuyante et délébile comme pas une, mon image dans leur esprit s’efface comme un trait de craie par le moindre crachin. Pour ma part, je cultive les souvenirs de la craie.

La faculté hors du commun que l’on prête souvent au caméléon, et que l’on loue généralement, de se métamorphoser en fonction du paysage qui l’entoure en suivant des techniques de camouflage à la pointe de la technicité, n’est peut-être pas celle que l’on croit. Plus qu’une faculté à se cacher, elle incarne un trouble identitaire profond qui fait du caméléon un être instable qui n’arrive à se trouver que dans l’imitation de l’autre. Bien pire, quand il cherche la ressemblance en autrui et qu’il réussit cette prouesse, personne alors ne le reconnaît plus, là où l’humain qui change de peau n’attend que la reconnaissance de ses pairs.

Prenant quiètement le café sur la terrasse familiale, le soleil au beau fixe, les enfants jouant tendrement dans le sable en contrebas et la journée s’annonçant sans encombres, emplie de promesse qu’elle était, il a fallu que le réveil sonne pour me réconforter dans le besoin de piment qui me faisait alors défaut et rompre avec la monotonie onirique qui m’accompagnait déjà.

mieux vaut court que jamais #257

De ceux qui possèdent une mémoire d’éléphant naissent d’étranges comportements. Non-contents de se souvenir avec perfection des rendez-vous et autres événements qui égrènent leurs vies, bien souvent, font ils monstration de leurs capacités mnésiques en acquérant à chaque début d’année un calendrier, non de l’année en cours, mais de l’année passée, où ils pourront, sans sourciller faire mention de chaque rendez-vous des douze mois écoulés.

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De sa mémoire visuelle, il n’avait réussi à en faire un usage satisfaisant. Cinéphile convaincu et critique avéré, il ne pouvait de la morphologie de sa mémoire, ne retenir des films qu’il visionnait que les images, sans avoir souvenir des dialogues ni même de la bande-son. De nombreux dialoguistes, vertement critiqués, devraient ainsi mieux comprendre l’accablement dont ils sont victimes.

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Le poisson rouge fait régulièrement l’objet de raillerie quant à son incapacité à mémoriser un quelconque événement. C’est là mal comprendre la logique qui se trouve derrière un tel comportement. Le poisson rouge n’est rien d’autre qu’un hédoniste qui ainsi se constitue une mémoire kaléidoscope, recomposée à l’occasion de quelques minimes changements, pour ainsi mieux jouir du temps.