debout sur le zinc
Mon Bistrot préféré
Ces derniers jours les compliments culinaires ont afflués à mes oreilles. Parce qu’il est vrai que ces deux derniers semaines, j’ai passé des moments prolongés dans la cuisine du 3ème à innover, à tester, à inventer et au final à manger. Alors forcément tout cela a fait renaître en moi cette vieille envie que j’ai d’un jour avoir mon propre restau-bar, un restau-bar où moi-même j’affectionnerais particulièrement me rendre, donc un restau-bar qui me corresponde, un restau-bar qui représenterait quelque peu qui je suis, ce que j’aime, mes idéaux, mes goûts artistiques. Comme tout cela est bien divers et va dans tout les sens, ce lieu sera un mélange d’énormément de chose et je suis pas sûr que tout le monde puisse s’y retrouver dans tout ces aspects mais tout le monde pourra s’y retrouver dans certains de ces aspects.
Alors, au fil des années, à l’instar de Renaud, je me suis construit mon bistrot préféré. Comme il écrivit un jour cette chanson – « Pierrot » – sur ce gosse qui n’existe que dans son cerveau, j’ai envie moi aussi de parler de ce bistrot qui pour l’instant n’est que dans mon cerveau avant de peut-être un jour le transférer dans une autre réalité que celle des idées. Mais en attendant, je vais d’ors et déjà vous parler de ce lieu et donc le transférer dans votre cerveau :
« On y rentre par la porte de derrière[1]. Autrement dit, ici, on ne pratique pas l’entrée de foule sur grande avenue, mais plutôt l’entrée par une petite rue, petite rue rappelant d’ailleurs que la ville il y a fort longtemps était un centre industriel dynamique, rue un peu sombre mais bien éclairée. De cette rue, l’on tombe sur une petite placette[2], où dès les premiers rayons de soleil de retour à travers les branches des arbres qui peuplent cette petite placette, le patron sort les petites tables de bois où les habitués du lieu viennent prendre place le temps d’une petite discussion, d’un bref ou langoureux repas, d’une lecture, d’un partie de jeu ou d’un concert. Le lieu n’est pas connu de tous. Mais ceux qui le connaissent, le connaissent bien. La devanture pourtant ne pourrait que faire augurer une bonne fréquentation. L’enseigne « au café du canal » toute faite de bois et mise en lumière par une de ces vieilles guirlandes électriques, vestige de ces vieux balloches du samedi soir, où Ginette venait laisser traîner ses guêtres[3]. On retrouvera bien sûr dans cette enseigne la chanson de Pierre Perret, chanson d’une douce beauté qui a toujours séduit le propriétaire des lieux. Ici, il n’y a pas de canal à proximité. « Mais où est le problème ? » vous répondrez le patron. Juste l’imaginer, ça suffit. C’est bien un peu ça la philosophie du lieu : venez ici y trouver ce que vous voulez : peut-être y est-ce déjà-là, si ça n’y est pas, rajoutez le.
Mais ici, il y a déjà beaucoup. Pas toujours besoin de rajouter. L’ambiance tamisée de l’intérieur pourrait tout aussi bien rappeler la chaleur rougeâtre du Maroc, celle du sud de l’Espagne, la rusticité du bois des pays nordiques, la légèreté des voilage Moyen-orientaux Ici, les tables ( toujours de bois, ce matériau noble qui entre autre donne de la chaleur l’hiver) partagent l’espace avec de petites alcôves où l’on peut tranquillement se prélasser sur un tapis de coussins. Tout cela bien entendu agrémenté de nombreuses bougies qui contribuent au cachet du lieu. La décoration change au fil des mois et des expositions qu’accueille le lieu. Majoritairement de la photo. Photo de tout ordre : de la photo du bout du monde, témoignage de voyageur de retour, des portraits, témoignage de vies, de la photo abstraite que le patron affirme avoir lui-même inventé[4]. Dans ces photos toujours se mêlent poésie, émotion, insolite, révolte. Seules ces valeurs font le choix de l’exposition. Mais de temps à autre, pour changer un peu, il ne faudra pas être surpris de voir des peintures remplacer les photos.
A mi-chemin entre la décoration et l’art, il ne faudrait pas oublier de parler de ce vieux vaisselier qui trône dans un des coins du bastringue. Ce vaisselier en lui-même est d’une grande préciosité mais il ne faudrait pas oublier d’aller explorer son intérieur. Ce vaisselier a été reconverti en bibliothèque et vous pourrez ici trouver tous les coups de cœur du patron. N’hésitez pas à lui demander d’en consulter un de temps à autre. Vous pourrez même le réserver pour la semaine et être sûr de pouvoir en jouir librement[5] toute cette semaine. Dans ce meuble se côtoient ainsi Paulo Coehlo, Arto Paasilinna, Jostein Gaarder, Cavanna, Daniel Pennac et bien d’autres ainsi que quelques livres consacrés à l’environnement.
D’ailleurs d’environnement il en est régulièrement question puisqu’au fil des années, le bistrot s’est fait connaître pour organiser régulièrement des conférences et des débats sur l’environnement. En plus d’en parler, le bar est aussi l’un des premier à avoir promu à un tel point les produits bio, les énergies renouvelables et le recyclage. Peut-être vous ne le remarquerez pas en pénétrant en ce lieu, mais l’ensemble du toit est couvert de panneaux solaires thermiques qui fournissent une partie de la chaleur du lieu, l’autre étant fournie par la cheminée qui fonctionne à plein régime l’hiver. Mais il n’est pas seulement question d’environnement dans ce bar, mais de société en général puisque les conférences sur des questions de société sont également monnaie courante.
Mais tout cela n’est que « produit dérivé » comme on dirait en langage marketing. Le lieu reste avant-tout un café restaurant. Vous aurez ici le choix entre les petits déjeuners composés de viennoiseries faites maison que vous pourrez déguster autour de cafés, thés, et chocolats chaud, tous bien entendus certifiés commerce équitable. Le midi, le lieu fait le plein pour des repas complets allant du canard aux pommes aux différents gratins de chou-fleur, de courgettes et autres légumes délaissés de la grande consommation, en passant par de nombreuses recettes de pâtes qui feraient bien pâlir l’italien qui voudrait installer un commerce dans le coin. Dans l’après-midi, le lieu retrouve une douce ambiance de café-salon de thé où la musique vous bercera dans la lecture de votre livre ou du journal du jour que vous pourrez aussi trouver en ce lieu[6]. Vous pourrez bien sur finir votre repas sur un café ou une des nombreuses variété de thé. Mais si il vous faut un petit remontant, vous pourrez tout aussi bien prendre le temps d’une petite bière belge (la douce Faro préférée du patron a ici sa place de choix), ou l’hiver d’un verre de vin chaud (avec également sa variante finlandaise, le fameux Glögi). Le petit verre de rouge n’est pas non plus à négliger. A partir de 18h30, vous pourrez accompagner votre boisson d’un repas, ou tout du moins d’un petit frichti : vous aurez droit notamment à de nombreuses variété de salades, de tartes[7] et des assiettes de charcuterie. Mais n’oubliez pas non plus de tester un des nombreux dessert et tout particulièrement le moelleux au chocolat, la pièce-maîtresse de la maison depuis sa fondation. Le soir, on retrouve une ambiance bar où l’on ne devra pas s’étonner d’entendre tour à tour Emir Kusturica, Radiohead, Thomas Fersen, l’ami Brassens, Richard Galliano, Sanseverino et encore bien d’autres. Mais attention régulièrement, le lieu revêt d’autres couleurs : celle du jeu de rôle pour des soirées de jeu de rôle (des jeux en outre continuellement disponibles pour tous les amateurs de jeux à tout heure), celle de musiques diverses puisque régulièrement se côtoient en ces lieux des groupes régionaux voire nationaux en promotion et de jeunes talents locaux. Il ne faut pas non plus manquer les soirées cinéphiles soit autour de rétrospective de réalisateurs, soit autour d’un ciné-concert (des soirées Chaplin assez mémorables en perspective), soit autour d’un premier film d’un jeune auteur. Il ne faut pas non plus manquer une soirée café théâtre et peut-être aurez-vous en plus la chance d’assister à une création du frère du patron de retour d’une scène parisienne[8].
Le lieu a également ses activités saisonnières : l’été, « La Terrasse » (petit hommage du patron à la merveilleuse chanson de Yann Tiersen) ouvre ses portes et permet aux badauds d’apprécier le temps d’un après-midi le doux prélassement dans un des hamac de la maison au milieu des fleurs qui refont leur apparition dès les premières douceurs printanières. L’hiver, le deuxième étage de la maison ouvre les portes de son sauna finlandais. Un vrai sauna tout de bois vêtu qui plus est fonctionnant au bois. Rien de mieux pour supporter les rigueurs de l’hiver et se revigorer après une longue journée. N’oubliez surtout pas de demander au patron une petite bière après le sauna pour encore mieux profiter de cette instant magique. Si vous vous en sentez également le courage, n’hésitez pas à lui demander au préalable de vous laisser l’accès libre à la terrasse. Rien de mieux que l’air frais après le sauna. Pour ensuite aller s’empiffrer d’une tartiflette, spécialité d’hiver du patron. »
Je sais pas vous, mais moi après toute cette description genre « guide du routard », j’aimerais bien y aller dans ce lieu. Peut-être un jour, sait-on jamais…un plan de carrière mal ficelé et on se retrouve patron de bar…
Dimanche 13 janvier 2007.
[1] Petite référence à « retour vers le futur 3 »…
[2] comprenez bien que ce n’est pas une petite place mais une « petite placette » donc vraiment pas bien grand.
[3] La Ginette des têtes raides bien sûr.
[4] Si vous vous en rappelez pas, référez vous à mon texte intitulé « une journée particulière ».
[5] dans l’enceinte du bar, parce que faut pas déconner non plus…
[6] y aura pas tous les journaux et je suis pas sûr que le Figaro sera présent…mais « Minute » le quotidien frontiste sera sans doute bien là au rayon papier toilette…
[7] avec notamment l’étonnante mais néanmoins succulente tarte à la bolognaise, qui a, entre autres choses, reçu les honneurs en Angleterre par l’intermédiaire de son représentant Finlandais, le dénommé Nick. Pour plus d’information concernant la genèse mouvementée de cette tarte, référez-vous à mon texte sur Riga (2ème partie).
[8] si je monte ce café, j’espère bien pouvoir profiter des talents artistiques de mon frère…sans doute en mettrais-je d’autres à contribution…