Archive pour janvier 2007

debout sur le zinc

Mon Bistrot préféré

 

Ces derniers jours les compliments culinaires ont afflués à mes oreilles. Parce qu’il est vrai que ces deux derniers semaines, j’ai passé des moments prolongés dans la cuisine du 3ème à innover, à tester, à inventer et au final à manger. Alors forcément tout cela a fait renaître en moi cette vieille envie que j’ai d’un jour avoir mon propre restau-bar, un restau-bar où moi-même j’affectionnerais particulièrement me rendre, donc un restau-bar qui me corresponde, un restau-bar qui représenterait quelque peu qui je suis, ce que j’aime, mes idéaux, mes goûts artistiques. Comme tout cela est bien divers et va dans tout les sens, ce lieu sera un mélange d’énormément de chose et je suis pas sûr que tout le monde puisse s’y retrouver dans tout ces aspects mais tout le monde pourra s’y retrouver dans certains de ces aspects. 

 

Alors, au fil des années, à l’instar de Renaud, je me suis construit mon bistrot préféré. Comme il écrivit un jour cette chanson – « Pierrot » – sur ce gosse qui n’existe que dans son cerveau, j’ai envie moi aussi de parler de ce bistrot qui pour l’instant n’est que dans mon cerveau avant de peut-être un jour le transférer dans une autre réalité que celle des idées. Mais en attendant, je vais d’ors et déjà vous parler de ce lieu et donc le transférer dans votre cerveau :

 

 

« On y rentre par la porte de derrière[1]. Autrement dit, ici, on ne pratique pas l’entrée de foule sur grande avenue, mais plutôt l’entrée par une petite rue, petite rue rappelant d’ailleurs que la ville il y a fort longtemps était un centre industriel dynamique, rue un peu sombre mais bien éclairée. De cette rue, l’on tombe sur une petite placette[2], où dès les premiers rayons de soleil de retour à travers les branches des arbres qui peuplent cette petite placette, le patron sort les petites tables de bois où les habitués du lieu viennent prendre place le temps d’une petite discussion, d’un bref ou langoureux repas, d’une lecture, d’un partie de jeu ou d’un concert. Le lieu n’est pas connu de tous. Mais ceux qui le connaissent, le connaissent bien. La devanture pourtant ne pourrait que faire augurer une bonne fréquentation. L’enseigne «  au café du canal » toute faite de bois et mise en lumière par une de ces vieilles guirlandes électriques, vestige de ces vieux balloches du samedi soir, où Ginette venait laisser traîner ses guêtres[3]. On retrouvera bien sûr dans cette enseigne la chanson de Pierre Perret, chanson d’une douce beauté qui a toujours séduit le propriétaire des lieux. Ici, il n’y a pas de canal à proximité. « Mais où est le problème ? » vous répondrez le patron. Juste l’imaginer, ça suffit. C’est bien un peu ça la philosophie du lieu : venez ici y trouver ce que vous voulez : peut-être y est-ce déjà-là, si ça n’y est pas, rajoutez le.  

 

Mais ici, il y a déjà beaucoup. Pas toujours besoin de rajouter. L’ambiance tamisée de l’intérieur pourrait tout aussi bien rappeler la chaleur rougeâtre du Maroc, celle du sud de l’Espagne, la rusticité du bois des pays nordiques, la légèreté des voilage Moyen-orientaux Ici, les tables ( toujours de bois, ce matériau noble qui entre autre donne de la chaleur l’hiver) partagent l’espace avec de petites alcôves où l’on peut tranquillement se prélasser sur un tapis de coussins. Tout cela bien entendu agrémenté de nombreuses bougies qui contribuent au cachet du lieu. La décoration change au fil des mois et des expositions qu’accueille le lieu. Majoritairement de la photo. Photo de tout ordre : de la photo du bout du monde, témoignage de voyageur de retour, des portraits, témoignage de vies, de la photo abstraite que le patron affirme avoir lui-même inventé[4]. Dans ces photos toujours se mêlent poésie, émotion, insolite, révolte. Seules ces valeurs font le choix de l’exposition. Mais de temps à autre, pour changer un peu, il ne faudra pas être surpris de voir des peintures remplacer les photos.

 

A mi-chemin entre la décoration et l’art, il ne faudrait pas oublier de parler de ce vieux vaisselier qui trône dans un des coins du bastringue. Ce vaisselier en lui-même est d’une grande préciosité mais il ne faudrait pas oublier d’aller explorer son intérieur. Ce vaisselier a été reconverti en bibliothèque et vous pourrez ici trouver tous les coups de cœur du patron. N’hésitez pas à lui demander d’en consulter un de temps à autre. Vous pourrez même le réserver pour la semaine et être sûr de pouvoir en jouir librement[5] toute cette semaine. Dans ce meuble se côtoient ainsi Paulo Coehlo, Arto Paasilinna, Jostein Gaarder, Cavanna, Daniel Pennac et bien d’autres ainsi que quelques livres consacrés à l’environnement.

 

D’ailleurs d’environnement il en est régulièrement question puisqu’au fil des années, le bistrot s’est fait connaître pour organiser régulièrement des conférences et des débats sur l’environnement. En plus d’en parler, le bar est aussi l’un des premier à avoir promu à un tel point les produits bio, les énergies renouvelables et le recyclage. Peut-être vous ne le remarquerez pas en pénétrant en ce lieu, mais l’ensemble du toit est couvert de panneaux solaires thermiques qui fournissent une partie de la chaleur du lieu, l’autre étant fournie par la cheminée qui fonctionne à plein régime l’hiver. Mais il n’est pas seulement question d’environnement dans ce bar, mais de société en général puisque les conférences sur des questions de société sont également monnaie courante.

 

Mais tout cela n’est que « produit dérivé » comme on dirait en langage marketing. Le lieu reste avant-tout un café restaurant. Vous aurez ici le choix entre les petits déjeuners composés de viennoiseries faites maison que vous pourrez déguster autour de cafés, thés, et chocolats chaud, tous bien entendus certifiés commerce équitable. Le midi, le lieu fait le plein pour des repas complets allant du canard aux pommes aux différents gratins de chou-fleur, de courgettes et autres légumes délaissés de la grande consommation, en passant par  de nombreuses recettes de pâtes qui feraient bien pâlir l’italien qui voudrait installer un commerce dans le coin. Dans l’après-midi, le lieu retrouve une douce ambiance de café-salon de thé où la musique vous bercera dans la lecture de votre livre ou du journal du jour que vous pourrez aussi trouver en ce lieu[6]. Vous pourrez bien sur finir votre repas sur un café ou une des nombreuses variété de thé. Mais si il vous faut un petit remontant, vous pourrez tout aussi bien prendre le temps d’une petite bière belge (la douce Faro préférée du patron a ici sa place de choix), ou l’hiver d’un verre de vin chaud (avec également sa variante finlandaise, le fameux Glögi). Le petit verre de rouge n’est pas non plus à négliger. A partir de 18h30, vous pourrez accompagner votre boisson d’un repas, ou tout du moins d’un petit frichti : vous aurez droit notamment à de nombreuses variété de salades, de tartes[7] et des assiettes de charcuterie. Mais n’oubliez pas non plus de tester un des nombreux dessert et tout particulièrement le moelleux au chocolat, la pièce-maîtresse de la maison depuis sa fondation. Le soir, on retrouve une ambiance bar où l’on ne devra pas s’étonner d’entendre tour à tour Emir Kusturica, Radiohead, Thomas Fersen, l’ami Brassens, Richard Galliano, Sanseverino et encore bien d’autres. Mais attention régulièrement, le lieu revêt d’autres couleurs : celle du jeu de rôle pour des soirées de jeu de rôle (des jeux en outre continuellement disponibles pour tous les amateurs de jeux à tout heure), celle de musiques diverses puisque régulièrement se côtoient en ces lieux des groupes régionaux voire nationaux en promotion et de jeunes talents locaux. Il ne faut pas non plus manquer les soirées cinéphiles soit autour de rétrospective de réalisateurs, soit autour d’un ciné-concert (des soirées Chaplin assez mémorables en perspective), soit autour d’un premier film d’un jeune auteur. Il ne faut pas non plus manquer une soirée café théâtre et peut-être aurez-vous en plus la chance d’assister à une création du frère du patron de retour d’une scène parisienne[8].

 

Le lieu a également ses activités saisonnières : l’été, « La Terrasse » (petit hommage du patron à la merveilleuse chanson de Yann Tiersen) ouvre ses portes et permet aux badauds d’apprécier le temps d’un après-midi le doux prélassement dans un des hamac de la maison au milieu des fleurs qui refont leur apparition dès les premières douceurs printanières. L’hiver, le deuxième étage de la maison ouvre les portes de son sauna finlandais. Un vrai sauna tout de bois vêtu qui plus est fonctionnant au bois. Rien de mieux pour supporter les rigueurs de l’hiver et se revigorer après une longue journée. N’oubliez surtout pas de demander au patron une petite bière après le sauna pour encore mieux profiter de cette instant magique. Si vous vous en sentez également le courage, n’hésitez pas à lui demander au préalable de vous laisser l’accès libre à la terrasse. Rien de mieux que l’air frais après le sauna. Pour ensuite aller s’empiffrer d’une tartiflette, spécialité d’hiver du patron. » 

 

 

 

Je sais pas vous, mais moi après toute cette description genre « guide du routard », j’aimerais bien y aller dans ce lieu. Peut-être un jour, sait-on jamais…un plan de carrière mal ficelé et on se retrouve patron de bar…

 

 

Dimanche 13 janvier 2007.


[1] Petite référence à « retour vers le futur 3 »…

[2] comprenez bien que ce n’est pas une petite place mais une « petite placette » donc vraiment pas bien grand.

[3] La Ginette des têtes raides bien sûr.

[4] Si vous vous en rappelez pas, référez vous à mon texte intitulé «  une journée particulière ».

[5] dans l’enceinte du bar, parce que faut pas déconner non plus…

[6] y aura pas tous les journaux et je suis pas sûr que le Figaro sera présent…mais « Minute » le quotidien frontiste sera sans doute bien là au rayon papier toilette…

[7] avec notamment l’étonnante mais néanmoins succulente tarte à la bolognaise, qui a, entre autres choses, reçu les honneurs en Angleterre par l’intermédiaire de son représentant Finlandais, le dénommé Nick. Pour plus d’information concernant la genèse mouvementée de cette tarte, référez-vous à mon texte sur Riga (2ème partie). 

[8] si je monte ce café, j’espère bien pouvoir profiter des talents artistiques de mon frère…sans doute en mettrais-je d’autres à contribution…

pierrot au pays du père noël

Laponie, mon amour :

 

La Laponie que j’ai vécue à Noël aurait été bien trop complexe et trop variée pour que je la raconte en un seul texte. Alors, pour reprendre le langage des prof. de français, ce texte sera un corpus de texte sur divers aspects de la Laponie, un point de vue subjectif, toujours un peu décalé sur ce que j’ai vu, vécu et gardu de tout là-haut.[1]

 

Dieu, la lune et la Laponie.

 

Pas question ici d’une analyse théologique de la Laponie qui viserait à expliquer le passage d’un culte primitif et païen axé sur la lune à la chrétienté faisant table rase de l’ancien paganisme. Mais la Laponie m’a donné une nouvelle occasion de railler Dieu. La Laponie est la preuve même que Dieu est soit impuissant ( il n’y a ici aucune connotation sexuelle, je n’oserais quand même pas dévoiler la sexualité de Dieu, mais quand on pense déjà que les anges n’ont pas de sexe, on peut se poser des questions quant à l’actuelle sexualité de Dieu…)soit n’est pas tout à fait bienfaisant comme il est réputé l’être. Je m’explique parce que je sens que certains vont déjà décrocher et pas seulement la Lune ( d’ailleurs il en sera question de Lune dans ce texte, si je ne me trompe pas sur ce que je voulais dire dans ce texte. Et puis c’est un peu dans le titre aussi…). Un Dieu tout-puissant lors de la Création doit être capable, à l’instar d’un grand cuisinier quand il élabore une nouvelle recette, de maîtriser tous les ingrédients qu’il utilise. Or La Laponie prouve le contraire : alors que Dieu, le matin de je ne sais plus quel jour, commençait à créer tous les astres, les étoiles et autres objets célestes dans la voie lactée ( c’est sans doute à cette occasion que les soucoupes volantes ont été inventées. Le pauvre Dieu devait se faire chier et du coup il a crée les soucoupes pour la blague…mais certains ont pris ça au sérieux…), il a fait preuve de légèreté concernant la Lune ( je vous avais bien dit qu’il en serait question de Lune) : et bien oui, lorsqu’il a ouvert le sachet contenant les particules de Lune( vous savez, c’est le même genre que les paquets Alsa ou d’une autre marque de produits tout prêt qui servent à faire des gâteaux au chocolat ou à autre chose), il en a foutu partout et pas seulement à l’emplacement prévu pour la future Lune. Il en a notamment répandu quelque peu sur la Terre et notamment en Laponie finlandaise. Alors que le grand cuisinier, quand il ouvre son sachet de curry pour faire son poulet au curry n’en renverse pas dans le plat où cuit le lapin à l’estragon, (parce que du coup, c’est plus un lapin à l’estragon) Dieu a laissé échappé des extraits concentrés de Lune sur Terre et notamment en Laponie. Le problème c’est que pour un chef, en cas de négligence, on le vire du Michelin. Mais pour Dieu on fait quoi ? Y a pas de Michelin des dieux…

 

Quelle explication fournir à pareil acte de malveillance ( qui pourrait aujourd’hui être considéré comme homicide involontaire sur la personne de la Laponie) ? Je ne pense pas que l’explication d’une cuite prolongée de Dieu puisse valoir. Si il avait été bourré, il aurait changé de place la Lune, ce qui n’aurait par ailleurs pas été plus mal, ça aurait évité ces étranges américains de vouloir décrocher la lune au sens propre, oubliant que cette expression est avant à prendre au figuré. Qu’il ait été mal luné, me paraît encore un peu faible pour un gaillard comme Dieu qui ne se laisse pas abattre par le première déconvenue venue (reste par contre à savoir si Nietzsche en déclarant que « Dieu est mort » l’a abattu, seule l’autopsie de Dieu, encore non réalisée pourra déterminer la cause de la mort de Dieu). Considérer Dieu comme confrère de la lune me paraît un peu trop vaudevillien et de ce fait anachronique parce que Dieu a d’abord créé la lune avant le vaudeville, sinon comment parler ensuite dans ces pièces de « lune de miel », de « lune rousse » et autres histoires d’amant et d’amour plus ou moins grotesques. En tant qu’amant de la lune, à qui l’on peut faire voir la lune en plein midi[2], je pencherais donc plus pour une certaine fatigue de Dieu qui avait les yeux plus gros que le ventre, voulant prendre la lune avec ses dents, s’attelant à une tâche relativement complexe, spécialement pour quelqu’un qui n’est pas tout-puissant. Donc une fois encore il est bien évident à la lumière de cette erreur grotesque que Dieu n’est pas à la fois tout-puissant et bienfaiteur. Du coup, il n’a pas réussi à créer l’univers de manière parfaite. Et bien heureusement en fait. De ce fait la Terre ( et les autres astres) sont irréguliers, divers, bizarres, incomplets, tout ce que vous voulez mais pas parfait. Alors qu’on arrête de vénérer un Dieu tout-puissant et bienfaiteur. Qu’on arrête de vénérer un Dieu tout court[3].

 

Mais pourquoi affirmer que Dieu a laissé échapper des morceaux du sachet de Lune pré-cuite sur la Laponie ?(ce qui explique par ailleurs pourquoi la lune est si imparfaite : tout simplement, pour avoir une belle lune, il fallait tout le sachet… mais c’est justement parce qu’elle est si imparfaite qu’elle est belle et qu’elle a pu faire naître tant de pêcheurs de lune). Et bien en fait à voir certain paysages lapons on peut se dire que la lune n’est pas si loin que ça : des collines (où l’on fait du ski, avec éclairage l’hiver s’il vous-plaît) désertiques et aux formes bien arrondies, des collines parsemées de rochers et absentes de végétations, et bien d’autres paysages assez secs et lunaires. Et encore je n’ai pas eu l’occasion d’aller explorer le nord de la Laponie où la végétation se fait encore plus rare voire totalement absente, compensant là bien avec l’omniprésence de Dieu.

 

Mais pourtant Dieu dans ses rapports complexes avec la Lune n’a pas oublié d’utiliser cet astre comme élément de décor de la Laponie pour restaurer quelque peu le paysage et pour faire venir les touristes. Dieu ne semble ne pas avoir complètement oublié la Laponie en ce qui concerne l’observation de la Lune : celle-ci en plus d’être observable en hiver un temps record durant la nuit du fait de l’absence prolongée de monsieur Soleil, est aussi observable en pleine après-midi, comme-ci Dieu avait décidé qu’il fallait une présence exacerbée de la Lune pour compenser l’absence excessive du Soleil[4].

 

 

Martin, être humain autrichien.

 

            Ce voyage en Laponie finlandaise ( je ne souhaiterais quand même pas réduire la Laponie à la seule Laponie finlandaise tout de même) m’a permis de découvrir un être humain. Je veux pas seulement parler d’un vulgaire animal appartenant à l’espèce des homo sapiens. Non pas seulement un être humain au sens biologique, mais un être humain au sens culturel du terme et de ce fait incluant certaines attitudes et valeurs caractéristiques de l’être humain. J’espère que vous saisissez bien cette distinction entre les deux notions d’êtres humains parce qu’elle me paraît primordial et il serait dommage de confondre les deux puisque qu’il arrive bien souvent que certains être humains ne le soit qu’en un sens biologique. Mais il ne faudrait pas non plus oublier tous ceux qui ne le sont qu’en un sens culturel, je veux bien sûr parler de tous ces nouveaux êtres humains ( à l’instar des nouveaux riches Russe) qui ont oublié qu’ils étaient aussi des animaux et de ce fait faisait partie de la Nature, pensant que disposant de la culture, ils pouvaient se permettre d’être au dessus de la Nature, s’autorisant ainsi à agir avec elle sans aucune considération.

            Martin est autrichien. Mais qu’importe puisqu’il s’agit d’un être humain, et c’est bien suffisant. Mais bon ça permet de situer le personnage et de le qualifier quelque peu et même, ça explique sans doute quelques aspects de sa personnalité, de ses qualités et ses défauts.  

           Comme beaucoup de jeunes Martin aime bien boire un peu de temps en temps. Boire ne m’apparaît comme le problème, mais la manière de boire qui s’est illustrée cette semaine avec un jeu spécialement fait pour boire, jeu où au vu des règles il est impossible de finir sobre et dont le but est que tout le monde finisse plus ou moins près des toilettes. Pour ma part je préfère boire sans raison que chercher une raison pour boire. Or ce type de jeu est bien une manière de chercher une raison, de trouver un moyen, pour boire, de rationaliser la consommation d’alcool. Etant rationnelle, elle devient de ce fait plus difficile à arrêter (difficile de combattre un comportement désormais considéré comme rationnel) : on boit parce que c’est la règle du jeu. De ce fait peut-être vaut-il mieux boire sans raison et garder l’irrationnel de la consommation d’alcool (consommation qui peut donc être interrompue dès qu’on se sera rendu compte du côté irrationnel de la consommation), irrationnel parce que ça ne sert pas à grand chose de boire mais qu’on en a tout de même envie, pensant que cela pourra changer quelque chose. Mais Martin semble-t-il aime bien rationaliser la consommation d’alcool puisqu’il aime ce genre de jeu à boire.

            Martin aussi parfois est un peu taciturne et on pourrait bien penser que, vulgairement parlant, il fait la gueule. Mais en fait non.

            Martin ne va pas à la plage, parce que Martin est autrichien et du coup ne connaît pas trop la mer. [5]

            Martin est un honnête gentlemen. Pour le prouver il me suffit de vous relater un épisode de nos aventures à Rovaniemi avant de rentrer sur Tampere : nous marchions tous les trois ( Martin, Anne-Laure et moi) le long de l’Ounasjoki ( la rivière qui passe à Rovaniemi, la capitale administrative de la Laponie et seulement administrative parce que de laponne elle n’en a pas grand chose, la pauvre ville.  Ville reconstruite après avoir été détruite en 45, elle est assez affreuse et ne peut avoir de laponne que le fait qu’elle accueille de nombreux touristes venus en Laponie pour Noël) en direction de l’église de Rovaniemi, église elle aussi bien sûr reconstruite après 1945. Sur le chemin, nous mettons la main sur un portable perdu au milieu de la neige. Jamais il ne lui serait venu à l’esprit de le garder et l’utiliser pour appeler des amis. Non, il compte bien le rendre et y veut mettre tous les moyens pour le rendre et pas seulement pour soulager sa conscience en affirmant à soit-même qu’il a tout fait pour le rendre. Alors après des efforts assez vains pour changer la langue du portable, il se décide à appeler la dernière personne ayant appelé sur ce téléphone. Il lui propose d’abord de déposer le téléphone à l’église mais son interlocuteur pensait lui au commissariat. Martin accepte cette solution. Du coup il faut savoir où se trouve celui-ci. Coup de bol, il est juste à côté de l’église. Mais ce n’est pas le tout de trouver un commissariat en Finlande : il faut aussi pouvoir y entrer. Et à l’heure qu’il était ( aux alentours de 17H30), le commissariat était fermé. C’est vous dire si la Finlande est un pays où l’on peut se sentir en sécurité( à tous les coups, il est possible qu’il y ait en Finlande plus de morts dus à des collisions avec des rennes[6] qu’à des morts engendrées par d’autres humains). Après avoir sonné, attendu 5 minutes une réponse et 15 l’arrivée de policiers, on remet le précieux objets à ces derniers. Mais quelle arrivée : deux policiers et une voiture pour un portable. Soit Nokia est à ce point une fierté nationale, soit les policiers finlandais n’ont rien à faire…En tout cas, que tous les portables se rassurent : ils seront toujours bien pris en charge par la police finlandaise… un autre exemple de son honnêteté peut être un événement qu’il nous a relaté : il avait une fois trouvé 150 euros dans un distributeurs de billet. Il n’a fait ni une ni deux et a rapporté l’argent à la banque qui pour le geste lui a laissé 50 euros.

            Martin ne sait pas faire à manger, ou en tout cas c’est ce qu’il dit. Moi je pense qu’il sait un peu quand même. 

            Martin peut être très discret et aime parfois à se réfugier dans son journal le temps de laisser quelques impressions sur ce qu’il vit ou laisser quelques tickets d’endroits où il s’est rendu.

            Martin est serviable aussi. Toujours là si on a besoin de lui, sauf si il a quelque peu bu. Par exemple il a conduit presque toute la semaine sans broncher, sauf le jour de noël où suite à une présence relativement importante de substance alcoolique dans le sang, il ne s’avérait pas en mesure de diriger une quelconque voiture. Du coup, votre serviteur a pris le volant, première fois depuis que j’ai mon permis, première fois que je conduis de nuit, première fois que je conduis sur un tapis composé d’un mélange de neige et de glace. Un autre jour, il fut mis au repos mais ce ne fut pas à sa demande. Sans ça, il aurait sûrement continué à conduire. Serviable aussi parce qu’il s’est occupé de presque tout dans ce séjour y compris la plupart des paiements ( attendant que tout le monde le rembourse ensuite).

          Martin est drôle aussi. Drôle à sa manière. Certes il peut raconter des histoires drôles. Mais c’est pas ça être drôle à mon sens. Non, lui il arrive à être drôle n’importe quand et surtout quand on ne l’attend pas.

          Martin est bizarre aussi parfois. Mais qu’est-ce qu’être bizarre ? surtout à côté de son pote polonais Philippe qui lui est vraiment particulier mais qui est aussi parti. Philippe a été crée par le même Dieu que celui qui s’est chargé de la Lune et la Laponie : Philippe a une tête lunaire, ronde comme une belle ronde. Sa tête est déjà drôle. Mais en plus de sa tête il est vraiment bizarre mais le bizarre drôle, pas le bizarre louche dont on se pose des questions. En fait je sais pas si ce bizarre louche existe vraiment. Question d’ouverture. N’importe quel bizarre ( autrement dit, pour faire bref, n’importe quel comportement qui s’écarte un peu de la norme, c’est vous dire si c’est subjectif) peut être louche ou marrant voire normal (je ne veux pas pour autant dire que le normal n’est ni drôle ni louche). Donc Martin est moins bizarre que Philippe. Mais par exemple Martin se pose des questions assez particulières ( mais pour autant très justes) comment le fait de savoir pourquoi un téléphone portable est plus lent quand il fait froid …  

          Martin est prudent aussi et n’aurait pas voulu traverser le lac gelé qui faisait face à notre cottage malgré les 15cm de glaces et les températures toujours négatives.

          Martin est amoureux. Mais j’en parlerais pas plus parce que cela ne me regarde pas ( et vous encore moins). 

          Martin aime bien le sauna. Sauf quand ça devient une habitude, ou tout du moins quelque chose que l’on fait parce qu’on a la possibilité de le faire.

          Martin n’aime pas l’Ouzo, l’alcool grec, ce qui ne veut pas dire qu’il n’aime pas les grecs.

          Martin n’est sans doute pas pauvre, la preuve étant qu’il a payé quasiment tout le séjour pour une bonne partie des gens et commence seulement à nous demander de l’argent maintenant.

          Martin parfois est indécis et attends que les autres décident. Mais en même temps, des fois, il prend les initiatives.

         Martin n’aime pas les touristes de base et les boutiques qui lui sont spécialement destinées. Mention spéciale pour cette boutique de Rovaniemi où l’on rencontra cette anti-finlandaise : elle est bel et bien finlandaise mais agit autrement. Le plus édifiant fut sa présentation d’un « kit de survie » qu’elle présentait à tout le monde. Premièrement, elle présentait tout cela directement en anglais. Ensuite elle s’est même humiliée à présenter le fonctionnement de l’outil du kit qui servait à faire du feu. Enfin bref, elle n’avait plus rien de finlandaise. Martin a bien entendu pris des photos dans le magasin de souvenirs tous plus kitsch les uns que les autres.  

          Martin ne se culpabilise pas à dormir longtemps le matin pendant les vacances. Parce que pour Martin, il faut des pauses des fois dans la vie.

          Martin clôturera son blog de cette année par une photo d’une pancarte d’entrée dans son bled en Autriche. Pas mal mais j’ai mieux… Vous verrez…mais à priori mon blog continuera après juin prochain.

            Martin aime bien l’humour British et par exemple les Monty Pythons. Après s’être demandé ce qui était en bois dans le cottage et donc ce qui brûlerait si on avait un problème avec la cheminée, on a essayé de se rappeler l’argumentation tordue élaborées dans « Sacré Graal ! » pour brûler la sorcière. Mais je crois qu’il nous manquait un élément de l’argumentation. Il existe d’après lui une série anglaise avec le même genre d’humour sur des informaticiens ( genre qui prennent un moniteur désossé pour mettre devant ce qui est un début d’incendie juste avant la visite du patron qui trouve alors leur économiseur d’écran bien réussi…)

            Martin est fan de « retour vers le futur ».

            Martin aime l’agriculture. Son père est agriculteur. Lui étudie l’informatique mais pourrait revenir à l’agriculture après ses études.

           Martin est humain avec ses bons et mauvais côtés, avec son caractère, ses humeurs, ses valeurs, ses pratiques parfois contradictoires. Un mélange de pas mal de choses, comme ce portrait un peu chamboulé de lui, comme ce portrait au style un peu rustre.

           Je l’aime bien Martin.

 


[1] Par contre, le plagiat d’ « Hiroshima mon amour » est purement fortuit. Ça m’est venu tout seul, comme ça.

[2] D’ailleurs l’expression ne marche pas en Laponie : et oui voir la lune en plein midi  ne relève aucunement de la naïveté :  il est bel et bien possible de la voir aux alentours de midi et ce, sans engins télescopiques qui fait perdre tout le charme à la lune, la ramenant à un vulgaire sujet de recherche scientifique. 

[3] Désolé pour cette phrase d’athéisme très prononcée qui ne relève que de mon propre point de vue. Je ne compte enrôler personne dans ce courant de pensée mais je reste assez persuadé que Dieu ne sert pas à grand chose. Je n’oserait tout de même pas le comparer avec ce truc inventé par les finlandais déjà relaté dans ces textes qui est ce tiroir reconverti en planche à trancher et qui prend de la place pour rien alors qu’avec une simple planche normale se déplace et se pose où l’on veut, avec plus de liberté en quelque sorte, sans être moins solide que celle ancrée dans son tiroir. 

[4] Par exemple l’hiver, celui-ci ne se lève pas et ne se couche pas, ce qui ne veut pas forcément dire qu’il fait nuit noire, seulement que le lever et le coucher sont confondus et que même si il y a de la lumière ( durant environ 3 heures), on ne voit pas le soleil, même si le ciel est d’un bleu aussi pur que l’action de Mère Térésa.

[5] Martin se prononce Martine en allemand.

[6] Le renne est un animal particulièrement con qui peut marcher le long de la route et ne pas réagir à l’approche d’une voiture. Nous en avons vu un de la sorte, il marchait tranquillement sur le côté droit de la route, nonchalamment, la tête baissée, il aurait pu arriver une voiture, il aurait pas bouger. Du coup, c’est toujours à la voiture de bouger. Mais le problème c’est quand il traverse carrément la route… pas toujours le temps de freiner…

pierrot au pays du père noël (2nde partie)

Laponie, mon amour ( suite).

 

 

Noël en Laponie.

 

            Evidemment au vu du titre de mon blog, je ne pouvais pas ne pas vous parler de noël et du père noël après m’être rendu en Laponie, considérée comme le pays du père noël. Mais que tous les sceptiques sur ma capacité à respecter mes convictions ( des fois, ça m’arrive d’y faire quelques entorses tout de même) se rassurent : je ne me suis pas rendu au village du père noël tout près de Rovaniemi. Pourquoi ne pas y aller surtout quand certains s’y rendent ?[1] J’aurais au moins pu y aller pour prendre une photo avec Joulupukki ( le père noël, si vous n’aviez pas deviné[2]) et la mettre sur mon blog. Mais l’artifice de ce lieu ne m’attirait pas. Parce qu’il faut bien savoir que ce lieu a uniquement été choisi pour des raisons économiques et pour sa relative proximité avec « la civilisation » ( et notamment la civilisation routière, puisque le village du père noël borde l’une des seule autoroute de Laponie…). Originellement, le père noël a différents lieux de villégiature selon les pays ( il y a même une île Christmas dans le pacifique…). En Finlande, il y a une certaine indécision sur la colline qu’habite M. et Mme Noël. Mais il semblerait que ce soit la colline de Korvatunturi près de la frontière russe, en plein milieu de la Laponie. Mais dans les années 50, Tarvajärvi, un mec bossant dans les médias, s’est rendu à Disneyland et a eu une vision d’un magnifique château de glace pour héberger le père noël dans ce qui serait un Disneyland arctique. Du coup, ce fut un peu la course pour construire une véritable habitation au père noël qui soit accessible à tous. Tous le long du cercle polaire, les constructions se multiplièrent. Même la Suède s’en mêlait en construisant un bureau de poste pour le père noël suédois ( suivant la tradition scandinave de père noël alors que le finlandais est plus proche de l’allemand) ainsi qu’un atelier de jouet. En 1985, l’équivalent finlandais vit le jour près de Rovaniemi. Avec force communication et moyens financiers, le village finlandais fut reconnut universellement comme celui du père noël.

 

Mais pourquoi un tel acharnement pour accueillir cette manifestation païenne de noël ? Malgré les modifications intervenues sur la personne du père noël au cours des années (notamment l’américanisation du père noël finlandais qui au départ par exemple portait un manteau gris et avait un air assez sévère et finalement s’est retrouvé vêtu de rouge[3] avec un sourire bienveillant), noël est une vraie tradition en Finlande et à ce que j’en ai lu, il y a de cela une dizaine d’année, rien n’était ouvert en Finlande les 24 et 25 décembres. La vie économique tourne au ralenti. D’ailleurs nous-même nous nous en sommes bien rendu compte : aucun commerce d’ouvert les 24( sauf le matin), 25 et 26 décembre…heureusement que les propriétaires sont des fermiers et qu’on a pu avoir à manger par leur intermédiaire. Donc les finlandais aiment bien cette fête. Et, nous, pauvres étrangers que nous sommes n’avons pas du trop déroger à la leur manière de fêter noël qui est somme toute assez sommaire : un bon repas et un bon sauna. Il ne manquait que la famille qui est le troisième ingrédient du noël finlandais. Mais bon, noël n’est pas seulement affaire de tradition comme je l’ai rappelé auparavant, c’est aussi du tourisme et donc de la tune. Ce village du père noël près de Rovaniemi en est bien la preuve la plus évidente. Mais à ce village, il faudrait ajouter la moitié de l’activité économique de Rovaniemi en hiver qui vit sur le dos du père noël. Pauvre bougre de père noël qui tente d’apporter du rêve à tout le monde… pendant ce temps ces braves humains ne se gênent pas pour faire de l’argent sur du rêve…enfin bref, à Rovaniemi, un bâtiment sur deux rappelle noël : entre l’office du tourisme renommée centre touristique du père noël, les hôtels dénommés hôtels du père noël, les boutiques de souvenirs…Mais je pense avoir été bien loin de tout ce tumulte touristico-économique lors de ce noël. Rien que le choix de ce cottage posé au milieu de nul part nous permettait d’éviter toute cette activité. Ensuite un bon sauna et un bon repas essentiellement basé sur de la viande de renne m’ont bien suffit pour ce noël. Seul petit bémol peut-être (mais quel bémol) : la journée de ski le 25 décembre dans une grande station de Laponie. Mais faire du ski le jour de noël sur les pistes illuminées de Laponie[4], n’est-ce pas là le rêve et donc toute la philosophie de noël ?

Un calme olympien.

 

            Le ciel, les oiseaux et de l’air. Vacances au grand air, l’air du frais, du pur, celui qui vient du Nord inhabité, celui si peu emprunt de la civilisation, de l’air si peu chargé de ses industrielles volutes comme ce peut être le cas dans le sud par endroit. Soyons nature, soyons nordiste. Ça aurait pu être le slogan de Vatanen, un de ces anti-héros d’Arto Paasilinna fuyant le sud bruyant, énervant et déjà bien occupé. Aller retrouver ses racines ( et pas seulement celles des arbres) auprès d’un lac, le temps d’une semaine, le temps d’une ellipse dans une année passée au cœur de l’industrie finlandaise. Se lever et ne voir à l’horizon que cette douce lumière laponne, une lumière sans soleil mais si belle, profonde et intense. Peut-être aussi intense parce qu’elle ne durera qu’un instant. Mais lumière apaisante. Lumière décontractante, bien loin d’une lumière solaire agressive d’un été d’Europe du Sud ( peut-être est-ce bien pire plus bas, mais ne connaissant pas, je ne m’aventurerais pas sur un terrain aussi glissant), été à s’entasser sur les plages de sable fin, à espérer pouvoir approcher le précieux liquide censé rafraîchir et détendre. Mais quelle détente au milieu d’un troupeau d’humain, tous squattant le littoral comme une colonie de moustique finlandais peut squatter la peau d’un seul être humain en plein été ? Lumière paradisiaque venant toujours du même endroit. Ici plus d’est ni d’ouest. Plus de lever ni de coucher. Juste une légère mais pénétrante lumière qui rappelle à la vie en milieu de matinée. Quand elle est là, on s’est qu’on se doit de faire vite, au risque de devoir refaire la queue pour le lendemain. Mais ici pas de ticket à l’entrée pour attendre. A chacun de se débrouiller : tu veux voir quelques extraits de lumière et bien tu te lèves. Sinon, désolé pour toi, t’as raté ton tour. Juste de la lumière sans soleil. Du coup on en viendrait à se demander à quoi il sert ce dernier. Il est au centre du système qui porte son nom et il trouve le moyen qu’on ne le voit pas. La modestie et la discrétion même du soleil ne peuvent se révéler qu’en Finlande pendant l’hiver. Un retour aux temps des dieux de l’Olympe où le Soleil était vénéré mais n’avait pas la place de choix qu’il a aujourd’hui dans son propre système….

 

            Apaisement de l’astre nocturne, toujours présent dans nos cœurs et nos ciels lapons. Rappelant la magie de l’endroit, elle se rappelle à nos bons souvenirs, à de futurs jolis clichés où elle n’aura pas oublié de se cacher dans un coin et à notre romantisme parfois enfoui trop profond. Au clair de lune, le soir profiter de la douceur de l’air. Douceur de l’air, spécialement en sortant du sauna. Parce que la rigueur de l’air devient douceur après le passage dans cette chambre chaude : la Laponie, une sorte d’anti-supermarché où l’air ambiant s’avère froid mais pays parsemé de ces chambres chaudes ( en opposition aux chambres froides de supermarché bien sûr) permettant de conserver les quelques individus y vivant. Au sortir du sauna, apaisé et calme, déguster une mauvaise bière finlandaise ( qui en deviendrait bonne), sur la terrasse, le vent animant les arbres comme dans un théâtre de guignol, la vue sur le lac gelé, éclairé par notre seule maison de bois, avec pour plafond, un ciel étoilé. L’air froid ne parvenant pas à vous réveiller de cette douce rêverie où pour vous tout rayonne (même le soleil), où l’air est doux, on reste ici. Gorgé après gorgé, on prolonge cette délicieuse chimère. Seul ou à plusieurs, ce petit coin de terrasse vaut bien le petit coin de paradis de Brassens qu’il obtient d’un coin de parapluie[5]. Plus rien ne nous atteint, pas même la neige qui parfois se met à tomber. Il pourrait s’égorger des milliers de gens auprès de nous, on penserait à de sauvages animaux quelques peu sanguinaires ce soir. Plus rien n’existe au-delà de ces quelques hectares composés de ce lac et cette forêt. Seule cette dernière peut réussir par moment à capter notre attention, malgré tout fort volatile. Les bruits de la forêt éveillent par fois nos sens et le temps de quelques instants, on en vient à se demander d’où peut provenir le bruit : quel genre animal ? est-il seul ? est-il loin ? Mais le sauna a déjà bien limité nos capacités de concentration et vite, on passe déjà à autre chose. Est-ce désormais la glace qui crisse ? c’est bien probable. Bruit venu des plus grandes profondeurs, plus effrayant qu’autre chose. Pourtant rien de plus naturel que le mouvement de la glace. Mais l’esprit humain ( en tout cas au moins le mien ) est ainsi fait que ce genre de bruit n’est pas là pour rassurer. C’est pas grave passons à autre chose. Mon esprit, tout aussi embué que la salle de bain voisine du sauna, commence à se réveiller. Mon corps aussi sort petit à petit de sa torpeur. Cette douce sensation de l’air laisse place à la fraîcheur et bientôt la froideur de l’air. L’exquise sensation de voir s’échapper de ma peau un doux et volumineux brouillard s’estompe. C’est plutôt positif : je peux voir à plus de 50 cm, parce que ce « fog » naturel lapon ( en opposition avec tous les fog artificiels des grandes villes polluées) peut s’avérer très dense au sortir d’un sauna aux alentours de 100°. La disparition du « fog » veut dire qu’il faut que j’y retourne. Mon esprit lui non plus n’est plus embrumé. J’ai besoin de retrouver la chaleur du sauna pour que le charme de ce calme olympien puisse de nouveau agir…

 

            Mais il ne faudrait pas se méprendre et prendre le sauna comme une drogue qui permet de voir la vie en rose. Pas besoin de sauna pour voir la vie en rose en Laponie. Juste ne pas se lever trop tard pour admirer le « lever » du soleil qui laissera étendre ses teintes rouge-rose sur le ciel. Petit bonheur matinal. Notamment ce matin-là. On était parti pour marcher dans un parc national. Lever avant l’aube bien sûr. En voiture, traverser les paysages de Laponie. Déjà un bonheur en soi. Mais en plus, petit à petit, on voyait la lumière arriver. Mais à une lenteur qui aurait réjoui le premier escargot venu qui se serait dit qu’il y avait bien plus lent que lui. A voir venir cette lumière on se demande comment elle peut faire du 300 000 000 m/s. alors on l’attend, on la scrute comme le fait Eisenhower avec la mer avant le débarquement en Normandie[6]. On sait d’où cela va venir. Mais est-ce que ça va bien venir ? à la vitesse que cela met, on peut vraiment se poser des questions. Il faut savoir être patient en Laponie et savoir attendre. Mais finalement, elle arrive. Comme tous les matins, finalement, la lumière arrive. Toujours un peu rosée. Petit à petit, elle se détache des arbres et l’on peut bientôt clairement la discerner. Maintenant, je ne la lâche plus. Attendre que le champ soit libre et je dégaine. L’appareil photo bien sûr. Mais en attendant, je commence à savourer. Autant qu’un bon morceau de bœuf. Voire plus. Parce que le morceau de bœuf, personne n’est obligé d’attendre et de prendre son temps pour le déguster. Ici, l’attente est obligatoire. Pas besoin de mettre de fil d’attente, de mettre des tickets. Non, on attend. Mais on est prévenu alors, du coup on l’apprécie à sa juste valeur cette attente. N’est-ce pas là l’Olympe, où la beauté se mérite à la force de sa propre sérénité, de son calme et sa tempérance ?  

 

            Apaisement de la forêt qu’il ne faudrait pas oublier. Calme, silence et tranquillité. A se demander si tous les finlandais ne sont pas des hommes des forêts, des hommes qui sont nés dans la forêts et la majeur partie du temps se rappellent à leur éducation forestière. Seule l’alcool, vice de la civilisation, les fait oublier leur calme et leur tempérance. Mais même en Laponie, bien difficile de trouver la pure forêt, celle vierge, inaliénée par l’homme : au mieux ce ne seront que les murmures ou les traces d’une moto des neiges[7], au pire, ces inamovibles bouts de bois posés au sol pour le confort des citadins en mal de nature et de calme. Sans doute le pire est peut-être un de ces parcs national qui commence au bas des pistes d’une station de ski. Je n’aurais jamais cru qu’un télésiège puisse être considéré comme un élément naturel qui se doit d’être protégé. De nouveau, cela ne correspond-il pas au sens de l’ancien Olympe, une construction toute humaine du divin, où la grâce divine n’a rien de naturelle mais est tout à fait construite par l’esprit humain ? La beauté en elle-même n’est-elle pas seulement qu’humaine en ce sens qu’il s’agit d’une construction artificielle élaborée par l’homme à l’image de Dieu qui n’est qu’une construction humaine pour faire face au doute et à l’inconnu ? le renne lui s’en fout bien de vivre dans des paysages magnifiques tous les jours que Dieu se fait chier à faire…

 

 

Voilà un panorama subjectif et bien incomplet de ma Laponie, celle que j’ai vu cet hiver, avant s’en doute d’y retourner soit cet été en chemin vers le Cap Nord ( mon grand projet de ces 6 prochains mois), une Laponie aux accents étranges, sans doute bien difficile à retranscrire, une Laponie vue aussi dans des circonstances particulières où le froid et la neige ont plus ou moins disparu. Le climat change. Que fait la police ? que fait Dieu ? en tout cas j’ai arrêté de compter sur lui pour espérer que les choses changent…

 

 

 

Mardi 2 janvier 2007.  

 

 

 

P.S : je profite de ce premier texte de l’an 2007, pour vous souhaiter à tous de profiter de 2007 ( comme j’espère vous l’avez déjà fait en 2006, parce que c’est pas un jour en plus ou en moins que tout va changer) où que vous soyez, parce qu’il y a pas forcément besoin d’être en Finlande, au Mexique, en Russie, en Tunisie, en République Tchèque, en Allemagne ou ailleurs qu’en France pour ne pas profiter de ce et ceux qui nous entourent.


[1] du coup à la place, avec un copain français, pendant que tous ces bestiaux allaient rendre visite au père noël capitaliste, on s’est fait une petite ballade en forêt après avoir traversé le lac gelé qui fait face à notre cottage. Et puis ensuite un bon repas de renne et le sauna….

[2] Mais « Pukki » en fait veut dire chèvre, remontant à d’anciennes traditions finlandaises où des gens déguisés en chèvres au mois de décembre faisaient peur aux enfants

[3] d’ailleurs il semblerait que l’idée que cette couleur ait été imposée par Coca-cola en 1931 est fausse : le père noël était déjà habillé de rouge et de blanc avant l’utilisation par la marque du père noël comme ambassadeur de la marque, ce qui permettait d’augmenter les ventes de sodas peu consommés en hiver. D’ailleurs Michelin avait déjà utilisé l’image du père noël auparavant…

[4] Si il y avait pas de lumière, tu peux skier qu’entre 12h et 13h… et puis tant qu’à détruire le paysage en installant des remontées mécaniques et en construisant les pistes elle-mêmes, on peut bien rajouter quelques pylônes pour l’éclairage…

[5] je crois pas que ce soit la première fois que je réfère à ce texte de Brassens, veuillez donc m’en excuser…

[6] pour ceux qui ne l’ont pas vu, regardez le spectacle de Jean-Jacques Vanier,  « l’envol du pingouin ». 

[7] au passage, c’est vraiment pas évident à conduire ce genre de machine, et je parle en connaissance de cause parce que j’ai pu essayé…