Posts Tagged ‘ crapaud ’

fables modernes #26 : le crapaud et le crépuscule

Langoureux crapaud au crépuscule
Dorait aux dernières raies ses pustules.
Coassant nonchalamment de plaisir,
Pour la lune il vibrait de désir.
L’ayant observée moult fois,
Avait-il trouvé en elle la foi,
Constatant sa surface bosselée
Comme l’était sa peau craquelée. 
Neil Armstrong dans une nuit d’ivresse
Aurait pu, de confusion, dans ses fesses,
Planter de joie le drapeau US,
Se croyant sur la nocturne déesse.
Avant de sombrer dans le sommeil,
De rejoindre dans les rêves vermeils,
La chienne Laïka mise en orbite,
Espérant, lui, rejoindre sa pépite,
Il fixait et observait l’astre longuement,
Espérant-là y trouver quelque enseignement.    
Pendant que chassent ses congénères,
Se garde-t-il de toute activité délétère,
Fut-ce-t-il agi de mouches ou tout autre volatile,
Conservant au fond du gosier sa langue protractile.
Immobile et les yeux exorbités,
Il avait pris des airs de gravité.
Le cœur à graviter autour d’une chimère,
Doucement rendait son âme amère.
Il fut un soir où de malchance,
De son dos s’ouvra une pestilence.
D’un coup de pate mal ajusté,
Son venin venait-il à déguster.
De son suc se troublant alors la vision,
Devant la mare tomba-t-il en pamoison.
La lune lui chantant macabre oraison,
D’amour dans la mare il sombra d’illusion.

 

 

Même depuis les plus hautes dunes,
Nul ne peut décrocher la lune.
Dans la multitude de la toile,
Nul ne décomptera les étoiles.
Seul l’artifice de nos propres mirages
Nous donnera pour notre vie la rage. 

fables modernes #25 : le crapaud et la pustule

Au cœur de la sombre Amazonie,
Avait construit un crapaud sa baronnie.
Il s’était doté en guise de couronne,
Sur le dos d’une pustule qui trône.
Elle était à ce point volumineuse,
Que la jugeait-on venimeuse, 
Jusque ses congénères batraciens
N’ergotant point comme l’académicien.
Dans la crainte de la cloque purulente,
Dans la vue de la pustule inélégante,
Les batraciens battirent en retraite
Dans une crique tenue secrète.
Le crapaud demeura seul,
Engrossant à vue d’œil,
Remplissant son estomac;
La pustule servait de mat.
Vint alors un groupuscule d’hommes mats,
Car ici leur peau n’est jamais couleur d’ouate.
L’un d’eux, la jambe en l’air, claudiquait,
Sans doute vilaine bête qui l’avait piqué.
Perdant l’équilibre entre ses guiboles,
Posa-t-il le pied par manque de bol,
Sur le dos à une bosse du crapaud,
A la rugosité pire celle du sabot.
Ce qu’il crût un instant être malchance,
Même s’il n’eut le temps dans sa danse,
D’en formuler la moindre conséquence,
Fût belle fortune pour la médecine et la science.
La plaie infectée sur sa voute plantaire,
Qui aurait dû avec le temps le faire grabataire,
Au contact de la suppurante vésicule,
Fût-elle résorbée du germe qu’on inocule.
Cette maladie que l’on ne connaissait pas encore,
Trouvait là de quoi disparaître comme mauvais sort.
Sous bonne escorte et moult protection,
On ramena le crapaud à la civilisation.
Une batterie de tests pratiquée sur le batracien
Mobilisa tous les médecins jusqu’au généticien,
Pour qu’enfin l’essence du dos de crapaud
Dote la pharmacopée de nouveaux pots.

 

On postule sur le dos de la lune
Des cratères qui nous importunent;
Les pustules qui rendent la bête immune
Peuvent aussi offrir la fortune.