mieux vaut court que jamais #282
Fixant deux photographies de cette personne célèbre à quelques décennies d’intervalles, je ne peux que chercher les quelques traits communs à ce visage buriné par les années, ayant perdu de sa splendeur juvénile. Si la ressemblance saute cependant aux yeux, je n’en déplore pas moins que celle-ci s’établit surtout à l’aune du nez, qui, impassible, est demeuré le même gardien de phare au beau milieu de la figure, sans jamais être enseveli par les assauts du temps, tout juste décrépi par endroits.
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Cette proéminence nasale qui ainsi nous succèdera après notre mort, restant en évidence sur tous les clichés qui auront été pris de nous à intervalles plus ou moins réguliers est bien l’arbre qui cache la forêt. Tous les regards se fixeront sur lui, inchangé au fil des années, alors que, de notre vivant, pas une personne ne se sera véritablement soucié de lui, dans sa grande banalité nasale.
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Il n’est que quelques Cyrano ou clown pour s’en faire un attribut de reconnaissance première. Il reste cependant l’artifice de la culture pour également s’en faire une réputation. Avoir le nez fin et délicat de celui qui, à la moindre goutte emplissant le palais, sait déceler tous les arômes, ce serait alors la seule manière de transformer cette banale caractéristique physique en caractère culturel.