Archive pour juillet 2012

mieux vaut court que jamais #160

« – L’homme pas très beau avec la moustache ? Vous êtes sûr ?

– Certes je vous l’accorde, la redingote et le chapeau, pour ne pas parler de la canne, lui font défaut. Mais cela sera toujours mieux que rien. »

A ces mots, elle détacha lentement de la chemise et de ses homologues, le regard détaché et amusé de cette requête incongrue, le seul timbre du montant adéquat qui me faisait échapper au triste sort contemporain de la fade vignette exhibant, sans vergogne et en gros caractères, son seul montant et dont les avions de papier, en arrière-plan, peinent à raviver la naïveté des envois postaux.

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Certes on peut se demander si le souvenir lointain d’Henri Queuille, enfoui dans de bien trop grandes profondeurs pour de bien trop réduites mémoires, méritait l’hommage du timbre postal voire son usage par tout quidam. Mais il n’est de doute qu’il s’agissait là de la manière la mieux considérée pour un envoi portant réclamation d’un retard à la SNCF, ne pouvant ainsi mieux manifester mon attachement à ce fleuron national, à la seule et unique condition qu’il ait été précisé aux préposés de la SNCF qu’Henri Queuille en fût, en 1937, le principal ensemblier.

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Il est cependant regrettable que, de Queuille, ce quiet politique des troisième et quatrième républiques, les PTT (dont il fut notamment ministre en 1932) n’aient pas fait le choix d’un timbre postal non directement à son effigie mais à celle de la rose « Président Henri Queuille » timbre, qui pourrait, au lieu d’un usage contestataire et pécuniaire, constituer une utilisation plus plaisante et manifester une félicité bien plus prononcée à l’adresse de la personne destinataire.

mieux vaut court que jamais #159

Un tramway nommé désir, qui, de ses rails à peine posés, efface les traces du désir enseveli. Le paysage urbain qui avait bâti la relation tout autant que la réciproque n’est plus que breloques de l’imagination.

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Le mur a cédé sous les coups de boutoir de la pelleteuse, lâchant pierre après pierre, résistant autant qu’il est possible, renâclant par fierté et tenant coûte que coûte sur ses fondations. Hélas celles-ci ne pourront guère résister plus. Avalé par ces dents d’acier, le mur n’est guère plus qu’un amuse-bouche, certes coriace et qui croque sous la dent, pour ces machines qui ne sont que mâchoires à broyer.

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Les maisons et les meubles se sont déjà faits la malle. Les murs ont maugréé quelques instants, quelques vagues murmures qu’à l’oreille habituellement on susurre. Les mémoires seules subsistent, s’élèvent, c’est leur destin, dans l’esprit de tout à chacun.

sur le vif #65: brève sociologie de cyclisme

Les stations radios et autres chaines de télévision consacrent un temps anormalement élevé aux saturations routières et autoroutières durant les périodes estivales – même si, à la faveur de l’étalement des congés payés tout au long de l’année, nous ne sommes plus exempts de bulletins routiers spéciaux à chaque période susceptible d’être un départ en vacances. Il est à déplorer que nul ne tient compte de l’affluence piétonne et immobile des spectateurs du tour de France. Certes fait-on généralement un bilan de fin de parcours, une analyse succincte et inaboutie dans une seule démarche quantitative qui consiste très schématiquement à savoir si les routes du tour étaient plus obstruées de spectateurs que l’an passé. On peut nuancer ce propos péremptoire en soulignant le constat d’exotisme régulièrement fait lorsque la grande boucle sort de l’hexagone, vantant généralement la ferveur que peut rencontrer ce parcours cycliste, sans que cela ne vienne amoindrir les performances contemplatives de nos afficionados nationaux. Bien plus, cela attesterait soit du génie français s’exportant à l’étranger, tout comme Balzac ou Flaubert, Nouvel ou le camembert, soit de l’universalité du cyclisme, élevé au niveau des droits fondamentaux, partagé par tout à chacun sur le globe terrestre. Si l’on songe à la vertu fondatrice de nouvelles formes de civilisation attribuée à l’invention de la roue, il n’est d’ailleurs rien d’étonnant que le cyclisme transcende les clivages et dépasse les frontières. A la lumière de ces éléments, il ne serait d’ailleurs pas vain, dans une volonté réelle de faire progresser le processus de paix en Palestine de tracer un itinéraire cycliste entre territoires israéliens et palestiniens, qui plus est accompagné d’un interdit adressé aux tanks et autres chars de combat. De la chenille nait la guerre, de la roue naitra la paix.

Mais au delà de ces généralités, force est de constater qu’une analyse plus qualitative fait véritablement défaut afin de saisir dans son essence, cet événement, ne cessant d’étendre son assise populaire, même depuis la défection d’Yvette Horner de la caravane publicitaire. Une démarche généralisante et englobante ne saurait être l’approche idoine quant à ce phénomène. Sans tendre vers la constitution d’une phénoménologie du cyclisme, l’analyse constituée à partir de profils particuliers ne peut que fonder une approche rénovée de ce champ disciplinaire.

Parmi la pléthore de spectateurs, il ne faudrait guère supposer le volontarisme de tous et rappeler que certains d’entre eux ne se trouvent à grossir les rangs de la foule que contraints et forcés. Si l’existence de lobbies ou groupes de pression reste à démontrer, nous ne pouvons ignorer que la présence de certaines personnes sur les routes du tour n’est pas désirée, pour ne pas dire fortuite. Ce groupe artificiellement constitué par l’observateur est généralement constitué d’individus vacanciers à l’intérêt pour les événements locaux très limités. Ils boudent les journaux régionaux et peinent à trouver de l’intérêt à feuilleter la brochure municipale présentant les grands rendez-vous de l’été : passage du tour de France (la 1ère fois depuis 1985 et la victoire d’étape de Bernard Hinault), grande braderie de l’été, feu d’artifice du 15 août, fête des moissons,… Ainsi dans leur ignorance voire leur mépris pour ce qui constitue l’animation de leur lieu de villégiature, ils ne découvriront le passage du peloton des coureurs qu’une fois en présence du peloton de gendarmerie leur interdisant l’accès à la Route Départementale 13 qui devait les conduire vers la visite d’une fameuse église romane du Xème siècle. Les randonneurs plus soucieux de météorologie que de vélocipédie sont également très nombreux dans cette rencontre inopinée avec le parcours du tour de France.

A l’opposé du spectre de l’assistance cycliste, on trouve les fanatiques du vélo ou à plus forte raison du tour de France. D’ailleurs bon nombre d’entre eux ne pratique plus le vélo depuis que petits on les a forcé à positionner leurs fesses sur cette selle dont l’assise au premier abord leur semblait si douteuse. Ils n’ont cependant guère perdu d’intérêt depuis leur tendre enfance pour le déroulement de cette course, pronostiquant les vainqueurs d’étapes, les vainqueurs au général, échafaudant des stratégies de course qui tranche nettement avec les ternes managements des directeurs d’équipe depuis quelques années, pestant de temps à autre sur le parcours des étapes voire même sur le tracé de la grande boucle lui-même, les plus hardis demandant, même à l’instar du Paris-Dakar, que le Tour de France cesse de se courir en France. Dans l’exercice de la passion de ces énergumènes, des conditions matérielles sont évidemment requises. La position sur le tracé de l’étape étant essentielle et la course se courant dans l’espace public, les places sont rares et se méritent. Les extrémistes du cyclisme n’hésitent ainsi guère à pratiquer le camping, fut-il sauvage ou à modifier leur horloge biologique afin d’assurer un levé bien plus précoce que la raison ne l’exige. Les conditions matérielles de leur participation à la grande messe du cyclisme, influent bien logiquement sur les manières concrètes de leurs manières de vivre. Le commun créant des communautés, ils se retrouvent généralement en grand nombre à partager tous ces instants précédant le passage de la course. Bâfrant, buvant, déblatérant, il n’est pas rare que la course leur échappe au moment crucial du passage des coureurs.

Empruntant caractéristiques aux uns et aux autres, on pourrait positionner les glandeurs au milieu du spectre. S’ils ne présentent pas le volontarisme des fanatiques pour le cyclisme, ils n’en sont pour autant pas à suivre la démarche de désinvolture des hasardeux assistant au tour contraints et forcés. Ce n’est pas par opportunisme mais bien par choix qu’ils font partie de cette cohorte massée sur les routes, mais un choix souvent effectué parmi un éventail limité d’occupations où le faible degré d’implication du corps et de l’esprit peut être concevable. Se masser sur les espaces adjacents des routes du tour permet cette mise à distance avec l’activité pratiquée. Il est à l’évidence une possibilité d’évasion certaine dans l’accomplissement de cette occupation. Les pieds plantés dans le sol à fixer fébrilement – pour les plus impliqués – l’asphalte immaculé et vierge de tout coureur, l’esprit peut quiètement vaquer à d’autres occupations et voguer vers d’autres ciels. Il en est de même pour ceux qui pratiquent le cyclisme de salon, la télécommande en main, l’air songeur devant les kilomètres parcourus, laissant l’individu, un petit vélo dans la tête, filer au loin dans les lacets de montagne.

D’autres ne doivent leur présence en ce point précis du territoire français que par égard aux à-côtés du tour et notamment sa fameuse caravane, s’étirant plus longuement et plus lentement que le peloton lui-même, donnant de ce fait un rapport temps de passage/temps d’attente supérieur à celui des coureurs eux-mêmes. Ce rendement supérieur – rendu autrement plus profitable par la matérialité du bénéfice que procure la caravane – n’est pas anodin dans la prédilection portée à cette partie du tour par de nombreux spectateurs. Si l’on a souvent raillé l’accordéon de Mme Horner, il est à noter que sa présence donnait à voir et à entendre d’autres rengaines que les seuls airs publicitaires. Désormais, mieux vaut aller droit au but et ce verni culturel s’est écaillé pour ne laisser que, brut et sans ambages, les quelques fragments de produits ou les produits dérivés de produits.

Cette année, une nouvelle catégorie de spectateurs a fait son apparition : les pervers. Non-content du spectacle qui leur est offert, dans celui-ci ils interfèrent. Si dans le passé, les scènes mémorables de chutes suite à la rencontre malvenue entre un coureur et un photographe inattentif, imprudent ou inconscient – même si dans certaines situations les trois qualificatifs semblaient se cumuler – ont été légion, il restait possible de plaider l’innocence du spectateur pour les raisons invoquées à l’instant. Cependant avec l’usage de clous de tapissier, l’inconscience de la malfaisance ne peut être invoquée. Certes le tapissier maladroit peut en toute bonne foi égarer quelques uns de ces plus minuscules outils de travail sur une route montagnarde, mais l’instant de réalisation de ce forfait ne peut qu’inciter à la prudence quant à cette explication. Penchons donc plutôt pour la perversité de l’homme démiurgique et avide de suspens, pensant pouvoir lui-même recréer les conditions d’une intrigue de course que les coureurs ne créent plus eux-mêmes. Ils ne réalisent pourtant le changement de statut dans lequel cela les engage, en quittant leur posture de spectateur pour celle d’acteur. De cette confusion des rôles vient bien leur perversité : se faisant acteur pour créer des conditions de course nouvelles et satisfaire leur avidité d’action en tant que spectateur, ils se dédoublent et finalement se délectent d’un spectacle dont la nouvelle tournure ne peut leur être étranger.

Malgré ces différentes caractéristiques, tous se fondent dans un même amas humain autour de cette même manifestation. Pour autant, nulle identité de classe, nulle conscience commune. Tous spectateurs, comme des pommes de terre formant dans leur proximité le sac de pomme de terre, comme le pensait Marx des paysans du XIXème siècle.

sur le vif #64: géopolitique de la grande boucle

Le constat est toujours le même, année après année, celui de cette présence toujours aussi imposante, pour ne pas dire massive. Nul n’y échappe un jour d’ailleurs dans son existence. Si les rites de passage perdent paraît-il de leur importance, il demeure semble-t-il quelques traditions s’ancrant dans l’imaginaire collectif. Ainsi, malgré l’opprobre qui leur a été jeté à la figure, les clous qui leur sont désormais lancés à l’avancée de leurs roues, les coureurs cyclistes déplacent encore autant les foules.

         Pourtant les conditions se détériorent pour fournir l’intérêt nécessaire à la passion populaire. Outre l’éthique bafouée et considérée comme telle par tous, comme un délaissement de l’âme, se résignant à cet état de fait, par la multiplication des affaires et leur survenance régulière, cette dernière édition du Tour de France au suspens tout à fait insoutenable pour tout cardiaque qui se respecte, s’est doublée de la victoire d’un anglais qui n’a pas qu’à peine ému le cœur des patriotes français. Certes, le fier français s’est depuis longtemps fait une raison quant à une nouvelle victoire française dans le Tour de France, mais une nouvelle étape dans la désillusion nationalo-sportive a été franchie avec l’abandon de toute forme de véhémence quant à la victoire d’un représentant de notre ennemi héréditaire. Alors que David Cameron se proposait il y a peu le tapis rouge pour les futurs exilés fiscaux français poussés hors de nos frontières par un gouvernement que le premier communiste modéré de l’URSS aurait sans vergogne qualifié de social-traitre tant l’ancrage à gauche de cette nouvelle majorité est aussi vacillant qu’une antenne télévisée dans l’œil d’un cyclone texan, il était là occasion de faire œuvre de rétorsion et de sanction. Or il n’en a rien été d’un point de vue officiel et nul mouvement de foule ou de protestation émanant de la France d’en bas, pour reprendre l’héritage légué par cet ancien premier ministre aux paroles tout aussi lestes que celle de son actuel homologue britannique. Nul vaste mouvement de boycott de la gelée à la menthe, du Earl Grey voire même de la crème anglaise alors que l’on sait l’influence du boycott des oranges sud-africaines dans la prise de conscience internationale pour une action anti-apartheid d’envergure. Nul mesures de rétorsion horticole incitant tous les particuliers ayant fait le choix d’un jardin à l’anglaise aux formes irrégulières et laissant la nature véritable maitresse des lieux à en changer l’esthétique pour en revenir à la tradition du jardin à la française, rationalisation et contrôle de la nature à l’appui.

         S’il n’est à douter, de sources sûres, que Bertrand Delanoë, n’attend que la première bévue londonienne pour enfin prendre ses congés estivaux, l’absence de rancœur du peuple français face à la perfide Albion laisse à désirer. Certes ne disposant d’une monarchie digne de ce nom – même si nous devons louer les efforts accomplis par le prédécesseur de l’actuel président pour concentrer une telle quantité de pouvoir que Montesquieu, sous les traits d’un persan, se serait pris les pieds dans le tapis à ne plus savoir quelle classification de régimes envisager – nous ne sommes en mesure de rivaliser avec le futile faste des grandes cours, de leurs facéties et leurs fioritures. Il n’est ainsi pour nous que peu de moyens de rivaliser avec cette puissance médiatique que constitue la couronne anglaise. Alors si, outre les chapeaux de la reine, on se fait coiffer en tête des cols français par un britannique lancé sur les chapeaux de roue, il n’est guère de moyens de redorer notre blason. Cependant, ne cédons pas au défaitisme, mais pour citer en substance le Général de Gaulle : « on s’est pris une veste, mais il nous reste la manche », donc, de quoi conserver notre étoffe intacte.

arbre en bois

Il bouillonne ici ou là de nombreux écrits, des textes dans des formes les plus variables, des fluctuations de nos imaginaires modernes, dans toutes les langues dont on ferait une somptueuse tour de Babel de papier si tout cela s’était constitué à la force du poignet, à l’encre et sur le papier. Au lieu de cela, nous préférons entretenir notre future arthrite des doigts, à tapoter sur des claviers. Soit, choisissons les maux de nos mots. Mais cette virtualité n’est pas si neutre qu’elle n’en a l’air, n’est pas si inoffensive qu’il n’y paraît, notamment en termes environnementaux quant à l’usage d’énergie nécessaire à la gestion de toutes ces données, flottant en nuage virtuel, flottant en pollution réelle. Certes compenser en carbone la consommation énergétique liée à internet n’est pas une sinécure et peut être l’arbre qui cache la forêt de ceux que l’on ne peut convaincre à l’action en profondeur. Cependant, quelques arbres tous ensemble forment eux-mêmes une forêt.

Pour faire croitre le sous-bois qui existe déjà, étoffer sa canopée, le site de petits gestes écolos s’occupe des plantations !

fables modernes #77: Zatopek et les zombies

Ainsi cette ligne de têtes d’athlètes,
Ces corps galbés et ces muscles saillants,
En course sans accomplir d’emplettes,
S’élancent le cœur et l’esprit vaillant.
Sous les vivats et les clameurs,
Sur la piste, les dieux du Stade,
Vibrants de toutes les rumeurs,
S’élèvent sur le terne sol fade.
La foulée lente et mesurée,
Souplesse du pas qui s’envole,
S’inscrivant dans la durée,
Marque la distance au sol.
Donnant le rythme au train supérieur,  
Zatopek aisément mène la danse,
Se dessinant déjà en vainqueur,
Stupéfiant encore en tous sens.
Sur son visage se marque le tourment,
Qu’il ne cherche nullement à masquer,
Le sourire restera pour l’entrainement,
Pour ainsi ses adversaires mieux marquer.
Serrant les poings fermement,
Le regard accroché à la piste,
Ainsi se construit son firmament,
De ses records en longue liste.
Les wagons décrochés de la locomotive,
Médusés, n’ont de corps que le nom,
Dans leur foulée à l’allure rétive,
Si malgré eux, vont-ils au charbon,
Contraste leur teint blafard et blême,
La déchéance de leur lente procession,
Pour laquelle celui qui les sème,
Accomplit, tel du Christ, la sombre passion.
 
 
Que naissent ici ou là les imaginaires,
Sous les formes que tous connaissent,
Des zombies et créatures funéraires
Et pour lesquelles n’a été dite la messe,
Cela n’est que morbidité naturelle,
Qui se met désormais en scène,
Pour échapper à des morts virtuelles
Sans même risquer de peines.  
Zatopek, de ses zombies naissants,
Poursuivants livides et exsangues,
Leur délivrait-il bien son châtiment,
Jusque dans cette cynique pendante langue. 

mieux vaut court que jamais #158

Quand le sort s’acharne,

D’une fortune en cécité,

Notre être s’incarne

En traces de véracité.

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Nul ne songe au dessein,

Celui des sens dissous,

Qui nous mènent, malsains,

Au trente-sixième dessous.

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Depuis sa fameuse invention,

La roue tourne sans cesse,

Enchainant les lentes rotations,

Qui nous écorche et nous blesse.

mieux vaut court que jamais #157

Il n’est guère de raisons, que mon lieu de travail du fait qu’il soit un bureau ouvert au tout-venant, que je reçoive toutes les balivernes du premier quidam venu. Celui-ci, outre qu’il me tint la grappe plus que ne l’eut fait un pressoir viticole, débitait son flot de banalités sans commune mesure. Vient-on parler de la crise des vocations sacerdotales dans le Nord-Pas-De-Calais à l’ouvrier automobile positionné sur sa chaine de montage ?

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L’analyse des mentalités locales se résument parfois à peu de choses et s’analyse bien à l’emporte-pièce, quitte à révolutionner la science. La seule prégnance de la viticulture locale serait ainsi responsable de la bizarrerie des comportements, imprégnant tout à chacun, génération après génération. Voilà constante génétique nouvelle que cette transmission intergénérationnelle des dérivés comportementaux inhérents à l’ingestion d’alcool.

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S’offusquer ou s’indigner, selon le vocabulaire à la mode, apporte ce courage ou ce courroux, à s’en tenir au lexique classique, de la révolte ou de la révolution, à suivre la phraséologie marxiste. Pourtant il est bien des fois où une simple lassitude dans le « hum, hum » de la conversation est la manifestation idoine de notre plus pur désintérêt pour les inepties que l’on nous déblatère depuis bientôt trente minutes, quitte à remiser au placard toute forme de contestation.

mieux vaut court que jamais #156

Sa réponse, tombée d’un tel aplomb, lui pesa tant sur le cœur qu’elle en omit de clore la phrase, dans une stupeur qui lui avait rendu ses paroles audibles à ses propres oreilles.

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De coups réguliers donnés sur sa jupe, si elle n’arrivait certes pas à obtenir la régularité que nulle jupe plissée ne pourra jamais fournir, elle ne doutait de voir tomber sa jupe comme un fil à plomb.

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Des flonflons et autres ballons de baudruche du baloche du dimanche, n’arrivait-il à s’en défaire, les conservant trop près de son âme, indélébile vague à l’âme, qui remuait en son sein, lui étreignait les boyaux à les-en faire crever. Du plomb dans l’estomac, vous dis-je.

mieux vaut court que jamais #155

Etalé dans toute sa longueur, il cuisait lentement dans son jus. Pourtant il n’était pas encore à point. Le vacancier ensablé ne se déguste qu’après de longues heures de cuissons. Il suffit de le retourner de temps à autres et de le mouiller parfois.

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Lorsqu’enfin le soleil sombra dans l’océan, j’osai demander à mon neveu la raison de son entêtement à retirer des seaux entier de sables dans cette plage dont la platitude était tout à fait hospitalière. M’expliquant son intention de constituer-là un abri antiatomique dans les plis du sable, je m’interrogeai sur le bienfait de la diffusion régulière d’images des premiers essais atomiques français dans le désert saharien.

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De mon arrivée tardive, je regretterais de n’avoir pu contempler la crête des vagues, stagnant dans les derniers mètres de la plage, dans les premiers renfoncements des dunes, ne voyant, dans la direction de l’horizon, que la crête des parasols qui jalonnaient le parcours de ma vue.