Archive pour octobre 2013

mieux vaut court que jamais #422

Arpentant les bibliothèques équipé de son élancé et discret scanner portable, dans ses habits distingués de chercheur confirmé il pourrait être un James Bond de la recherche. Pourtant ainsi n’est qu’un Arsène Lupin biblio- et techno- phile.

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Dans la froide et noire nuit d’hiver, face à la cheminée électrique, emmitouflé dans sa couverture électrique chauffante, il tirait doucement sur son cigare électrique quelques bouffées de tabac dans son rocking-chair, l’homme aux tempes grisonnantes posait son regard sur son e-book.

Une telle débauche de moyen pour lire Marc Lévy.

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Depuis que mes écrans sont là, partout, dans chaque wagon, entre deux files d’attente d’administration publique « modernisée », dans le snack du dessous, je me sentais délaisser mon poste privatif pour n’avoir d’yeux que pour le collectif. Et dire que certains sont, tout vent debout, contre cette société individualisée où plus rien ne se partage…

mieux vaut court que jamais #421

La métamorphose prochaine de l’homme en poisson se fait chaque jour un peu plus proche dans les souterrains de transports en commun, comme un retour aux sources de nos branchies. Dans les courants des couloirs, le poisson esseulé ne fait guère le poids face au banc qui bientôt le prend dans son mouvement tandis que pour survivre dans les wagons, il ne faut être que carpe muette ou flétan peu aimable.

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Sorti de la bouche du métro et la mienne se fige face à la devanture d’un autre temps, où s’exhibent tricots de corps, slips amples et de pur coton, culottes larges et disgracieuses. Nul ne saurait affronter sans quelconque forme d’excitation pareille confrontation à la sortie de la moiteur souterraine.

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« Et si on mettait une main géante sur les bouches de métro qui sentent pas bon ? », me suggérait ma nièce en sortant d’une de celle-ci, avec elle, la main sur le nez en attendant que cette belle invention ne voit le jour.

mieux vaut court que jamais #420

Dans le lointain de la galerie souterraine du métro, sent-on mugir le son bariolé et incohérent fruit d’un étrange métissage sonore. Équipé comme jamais, le musicien du métro se déchainait sur sa guitare amplifiée, la bouche collée au micro, d’où tombe une pancarte attestant de la possibilité acquise de jouer en ce lieu, présentant ainsi ostensiblement une autorisation de jouer comme une autorisation à être dans la marge.

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La dénomination d’une station de métro d’après son nom est-elle mieux valorisée pour le mort consacré s’il s’agit d’une station avec correspondance plutôt qu’une simple station isolée ?

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Tout du moins il est à espérer que l’on ne donnera jamais Bastille à Céline Dion.

mieux vaut court que jamais #419

Cherchant la manière la plus équilibrée de profiter du changement d’heure entre les différentes occupations qui m’incombent, j’ai finalement passé cette heure offerte à de menus calculs n’aboutissant à rien de très probant.

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Le temps qu’il passe à attendre que le temps passe lui passe par dessus la tête.

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Passer son temps perdu à peu de chose à palper les murs de papiers peints et les dénuder avec vigueur et détermination, ça oui.

Mais alors ramasser les feuilles mortes de l’hiver, hors de question.

mieux vaut court que jamais #418

La lecture ostentatoire d’un livre dense et volumineux – si possible avec couverture rigide se suffisant du titre de l’ouvrage et de l’auteur pour seules informations extérieures – dans un transport en commun n’est guère plus outrancière que la vêture d’une jupe serrée dans des fesses bien formées.

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Il cisèle ses phrases comme des exercices de diction, tant et si bien que personne n’ose désormais plus l’inviter pour faire des lectures publiques. Quand il ne se prend pas les pieds dans son propre tapis, se trouve-t-il être plutôt devant un parterre de patients d’orthophonistes que de lettrés.

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Tout aveuglé qu’il était par la beauté et la douceur de son chien, l’avait-il longuement maintenu sur son ventre, la tête posée dessus, les quatre pattes l’enserrant. Sentant des regards se poser sur lui, avait-il levé la tête de ces affections canines dans l’espace public avant d’y replonger sans plus d’hésitations.

Comportement singulier certes, mais dont il ne s’ôtait pas le plaisir.

mieux vaut court que jamais #417

Sans nul doute possible, l’invention de l’apostrophe en français fait de cette langue un idiome supérieur à de nombreux autres à l’instar de l’espagnol, qui, se privant de cette particule aérienne, perd quelque peu en fluidité.

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De vouloir retrouver les origines premières de l’écriture, hiéroglyphique ou cunéiforme, certains se la rendent illisible à force de longues années d’exercice de détérioration. Tout cela alors qu’il suffit d’introduire quelques accentuations farfelues afin de retrouver le charme de la langue symbolique.

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Ma langue, trop maternelle, me tient dans un état constant de tel confort qu’une frontière, quelle qu’elle fut, ne saurait permettre de couper le cordon ombilical. Pris dans ma gorge, il me sert en un nœud qui retient tout son étranger.

mieux vaut court que jamais #416

Comme un bon mélo dès les premiers instants, la découpe à peine esquissée, un bon oignon doit faire pleurer abondamment.

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De sa pratique quotidienne – bien qu’amatrice – du couteau de boucher, à défaut de s’en faire pratiquant artistique et circassien dans le lancé sur femme gracile et élégante, il se contenta d’affirmer sa pratique de la découpe à distance, sur planche de bois murale.

Très spectaculaire mais peu efficace quand il s’agit de désosser un poulet.

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Le communiste au couteau entre les dents n’est plus depuis longtemps. Si les faits attestent de la disparition de la pratique à l’heure actuelle, l’imaginaire a lui aussi cessé de fonctionner dans l’esprit même des gens. Tout juste peut-on aujourd’hui se figurer un communiste, l’économe entre les dents.

Vous avouerez que le danger est bien moindre.

mieux vaut court que jamais #415

L’explosion de kérosène est-elle vraiment chose si peu enviable quand il est question d’enlever la vie ? La radicalité de la chose et la dispersion immédiate des cendres pourraient pourtant militer pour ce trépas original et spectaculaire. Cela n’est par ailleurs pas sans apporter des solutions novatrices face aux problématiques actuelles de surpopulation de cimetières du fait de la désormais difficile décomposition des corps.

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Au-dessus, le ciel ;

Le paradis en son sein.

Et, à ce jour, nul kamikaze catholique.

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Quand il sortira de ses cils un coin de ciel, il saura qu’aura cesser la cécité.

mieux vaut court que jamais #414

Le syndrome du train qui arrive en retard trouve-t-il principalement racine dans l’invention du train ou dans celle du retard ?

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Il vaut mieux parfois ne pas mettre n’importe qui dans n’importe quelle situation. En effet, il ne faudrait pas nier l’influence quasiment certaine de la mise en situation d’attente d’ingénieur informatique n’ayant pu alors que penser à l’invention du smart phone afin de réagir à la configuration spatio-temporelle de la file d’attente.

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L’invention du temps par Dieu ne peut se comprendre que dans une vision d’ores et déjà capitaliste du monde. Il est difficilement croyable la quantité de produits et d’outils qui ont pu être fabriqués – et donc vendu – à la suite de cette invention majeure.

Le temps a réellement fait passer le monde de la pauvreté à la richesse.

mieux vaut court que jamais #413

J’ai décidé de donner un tournant engagé à mon existence. Me rendant compte de nombreuses composantes m’apparaissant choquantes dans la vie, je ne voyais d’autre alternative que le combat. Deux choses pour commencer : la mort me paraît bien inutile tandis que la naissance semble, par de multiples aspects, être d’une injustice profonde.

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Et la gousse d’ail autour du cou, me fait-on ingénument remarquer ? Mais c’est qu’à défaut de vampires hantant nos rues trop éclairées, je m’en fais mon chewing-gum, ma chique à mâcher, mon goûter quotidien au premier profit de mon sang qui s’en trouve revigoré.

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Implacablement, je n’avais vu d’autres alternatives que celle d’un usage quotidien d’une langue morte, qui, pour des raisons de contexte géographique et de quelques rares souvenirs scolaires, fut celle du latin.

Si cela me rapprochait du sacré et par là de l’éternité face à la lutte sans merci contre la mort, cela en rendait toutefois la commande chez le boucher d’un bon steak bien plus problématique.